Les catalogues d’exposition sont progressivement devenus des maillons incontournables de la diffusion artistique. Objet protéiforme, catalogue de vente, catalogue d’enchères, catalogue raisonné de collections, il documente l’événement qu’il accompagne, répertorie les œuvres exposées et les valorise à travers des reproductions et des notices textuelles. Il finit par devenir un ouvrage de référence, un objet d’étude.
Le catalogue fonctionne comme un médiateur de l’exposition. Curators, scénographes et public ne partagent pas forcément les mêmes codes. Aussi des outils de médiation sont-ils nécessaires pour expliquer le projet culturel. C’est donc un outil de diffusion qui rend l’art plus accessible.
C’est un outil de promotion, de valorisation d’une manifestation culturelle. Il conserve la trace d’une manifestation éphémère et fonctionne comme une archive. Il est consulté par les critiques, les commentateurs d’œuvres et par le visiteur d’exposition qui veut approfondir le sujet. Il survit à l’exposition. Le public achète souvent le catalogue pour pouvoir revenir à loisir sur l’exposition, la faire durer au- delà de sa fermeture. C’est en quelque sorte une exposition portative permanente sur laquelle le visiteur-lecteur détient le contrôle de consultation. La publication d’exposition contribue à faire augmenter la notoriété d’un artiste ou d’une institution. Il permet de découvrir le travail d’un ou de plusieurs artistes, le projet culturel d’une institution.
C’est aussi un outil scientifique et critique, indispensable pour penser l’art et écrire son histoire. Grâce à l’analyse des catalogues, les chercheurs de demain pourront retracer l’histoire de l’art contemporain de la Martinique.
C’est encore un outil stratégique pour la structure qui l’édite et dont il est l’ambassadeur car il indique son positionnement dans le paysage artistique en témoignant de sa ligne directrice. Feuilleter un catalogue révèle l’essentiel sur la structure qui le produit : ses choix esthétiques, ses objectifs, sa relation avec les artistes. À quelles fins est conçu le catalogue ? Pour qui ? Quelle relation entretient – il avec l’exposition ? Avec le visiteur ? Est – ce un simple souvenir que le visiteur emporte et puis oublie quelquefois ? Est – il plutôt élaboré pour circuler dans le réseau professionnel de l’art et participer ainsi à la diffusion internationale de l’institution et des artistes ? Est –il destiné à devenir un ouvrage de référence réunissant le maximum d’informations ? A l’évidence, trop souvent les structures conçoivent le catalogue comme un accompagnement pour le public local et négligent cet aspect essentiel de la diffusion d’un catalogue de référence en direction d’un public professionnel international.
Des productions très diverses sont réunies sous ce vocable de catalogue. Leur esthétique évolue et aujourd’hui le catalogue- livre au format de poche semble bien avoir la préférence à l’image du remarquable catalogue d’une centaine de pages, réalisé dans le cadre de l’exposition Rendre Hommage à l’Atelier 45 qui restera incontestablement un ouvrage de référence : sobre, élégant, abondamment illustré, respectueux des œuvres, enrichi de nombreux textes, il rend compte de l’exposition et joue pleinement son rôle d’archives pour les chercheurs de demain.
L’Aica Caraïbe du Sud a souhaité recueillir le témoignage de plasticiens, d’acteurs culturels, d’amateurs : qu’attendent – ils d’un catalogue ? Qu’est- ce qu’un bon catalogue de leur point de vue ?
Ernest Breleur, Jean Baptiste Barret, Raymond Médélice, Alex Burke se sont volontiers prêtés ? au jeu :
Un catalogue d’exposition est une vitrine, un outil qui donne à voir une exposition et des oeuvres.
Il donne à voir la relation entre ces oeuvres et un l’espace, l’appropriation de cet espace.
Le catalogue doit offrir une bonne lecture des oeuvres. Pour ces raisons, il doit être sobre, élégant, le graphiste doit s’effacer derrière ce qui est donné à voir.
Les textes doivent servir et permettre une bonne compréhension des intentions du commissaire d’exposition.
Les textes doivent renseigner sur les intentions de l’artiste, sur son parcours tout cela clairement énoncé avec des éléments validés par l’artiste indique Alex Burke.
Pour Jean Baptiste Barret, il devrait être envisagé comme une petite monographie que l’artiste doit pouvoir partager en toute confiance. Les œuvres doivent être mises en valeur et respectées à travers une création graphique simple et réalisée en accord avec l’artiste. La qualité des reproductions et de l’impression est indispensable. Il doit être beau et agréable à toucher et consulter, même si il reste très modeste…
Les artistes, à l’unanimité, estiment qu’une belle carte vaut mieux qu’un mauvais catalogue et renoncent souvent à diffuser certains catalogues qui associent, tête – bêche, deux expositions individuelles, considérant que ce serait contreproductif, ce qui l’est incontestablement et pour l’artiste et pour la structure.
Un bon catalogue, ajoute Ernest Breleur, doit présenter des images de très grandes qualités, un ou des textes sobres et clairs du point de vue critique. La réflexion doit interroger le champ de l’art contemporain et inscrire la pratique de l’artiste dans les questionnements historiques de l’art contemporain à savoir ses filiations, ou oppositions, sa nouveauté. En clair le texte critique ne peut s’élaborer en dehors du débat concernant le champ des pratiques artistiques; il est FORTEMENT analytique comme le fait la critique anglo- saxonne. Le texte critique n’est pas le lieu de l’expression du discours personnel.
Le catalogue est un outil de connaissance de l’artiste hors de sa sphère destiné au monde de l’art : galerie, commissaire, institutions et Ernest souligne un autre aspect capital, j’attends donc que la circulation, la diffusion et particulièrement dans les institutions liées à l’art soit organisée et effective. Il permet au grand public de mieux appréhender les intentions de l’artiste.
Plasticienne et pédagogue, Monique Mirabel, explique ce qu’elle attend de cet outil de médiation :
Quand je vais à une expo, j’aime qu’il y ait un catalogue que je consulte après avoir vu l’exposition. Car, je pense, que le catalogue peut apporter un plus soit sur une œuvre en particulier ou sur des œuvres mais aussi sur l’artiste. Mais il faut que cela soit pertinent au niveau des commentaires. Je me suis aperçue, quand j’enseignais, que parfois cela m’aidait au niveau des images, des commentaires.
Il m’arrive de relire des catalogues d’expos vues et de revoir ainsi l’expo. J’ai aussi des catalogues d’expo que je n’ai pas vues mais que j’ai commandés parce que le sujet ou l’artiste m’intéressait, du coup cela me permettait d’avoir une idée sur l’expo, sur les œuvres choisies et le pourquoi du choix du commissaire.
Fabienne Cabord chef de service d’une collectivité et collectionneur aborde la problématique du catalogue sous un autre angle. Non plus celui de l’artiste mais celui qui se trouve à la direction de la manœuvre :
Pour moi le catalogue de l’exposition fait partie de l’exposition. Il est, à ce titre un objet parmi des objets et œuvres d’art.
Personnellement, je les collectionne et je suis sensible à l’aspect visuel du catalogue, au moins autant qu’au contenu.
Dans un catalogue je recherche donc, originalité et créativité. Le catalogue doit refléter le travail de l’artiste, et même sa personnalité. Il doit être en accord avec l’exposition qu’il accompagne.
Tout cela c’est dans un monde parfait où on a le temps et l’argent.
Le temps souvent fait défaut, tous les acteurs n’étant pas disponibles au même moment.
Il faut laisser le graphiste travailler sur le catalogue, tout en étant présent (commissaire de l’exposition ou l’artiste lui-même, l’organisateur de l’exposition ou celui qui coordonne et connaît le projet).
En tant que personne travaillant dans une collectivité qui organise des expositions et parfois édite des catalogues, je peux témoigner que c’est un vrai travail d’édition.
Le graphiste fait le travail de création, mais il faut l’accompagner et vérifier en permanence les textes, de la bio aux légendes, remerciements, tout est important.
Une fois que la maquette est validée, le graphiste doit vérifier l’impression, car il y a parfois de mauvaises surprises.
Le catalogue garantit en quelque sorte la mémoire de l’exposition. Les artistes s’en servent comme cartes de visite pour leurs futurs projets.
Pour moi, le meilleur catalogue c’est celui de la 1ère édition de l’exposition collective consacrée à des artistes émergents « Souffle d’art ». J’aime tout dans ce catalogue, le format, les couleurs, le grain du papier. C’est un catalogue à la fois sophistiqué et moderne, décalé et efficace. Une belle réussite signée Fred Lagnau.
Et pourquoi ne pas organiser un concours récompensant chaque année les meilleurs catalogues et valoriser par la même occasion le travail des graphistes ?
Si le plasticien attend du catalogue qu’il participe à sa reconnaissance artistique, la structure culturelle à son rayonnement et à son positionnement au sein du milieu professionnel, si le pédagogue attend que le catalogue soit une source documentaire et le public, le souvenir d’une belle rencontre, vous, qu’attendez- vous d’un catalogue ?
Quels sont vos principaux critères d’appréciation des catalogues : le respect de l’oeuvre de l’artiste, la qualité des reproductions d’œuvres, la mise en perspective et l’analyse critique de son œuvre, une création graphique inventive, son rayonnement dans le milieu professionnel élargi, la satisfaction et la fierté que l’artiste éprouve à le partager ?