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Mauvaise Notte de Noël

Publié le 11 décembre 2016 par Morduedetheatre @_MDT_

noel

Critique de C’est Noël tant pis, texte et mise en scène de Pierre Notte, vu au Théâtre du Rond-Point le 10 Décembre 2016, par Complice de MDT
Avec Bernard Alane, Brice Hillairet, Silvie Laguna, Chloé Olivères, Renaud Triffault (ou Romain Apfelbaum)

On n’est pas toujours disposé à rire avec la mort. Peut-être ne serais-je pas allée voir ce spectacle si j’en avais connu la teneur. Je ne l’ai pas apprécié, et il m’a même mise mal à l’aise.

Le début est pourtant brillant : deux vieux époux préparent les décorations de Noël en attendant leurs enfants. Ils s’asticotent, les répliques fusent, c’est rosse mais drôle. Bernard Alane et Silvie Laguna dessinent leurs personnages avec brio : l’un un peu lunaire, débonnaire, fuyant, l’autre agressive, cassante, de mauvaise foi. Les enfants arrivent : Nathan est célibataire, Tonio marié à Geneviève, « la pièce rapportée » ; les deux frères sont en conflit, la belle-fille ne se sent pas aimée, le repas n’est pas prêt, les cadeaux pas emballés, tout va mal et la crise s’exaspère quand on découvre la grand-mère sous la table, nue et froide. Le reste de la pièce se déroulera à l’hôpital, tant dans l’ascenseur que dans la chambre de la moribonde (ou déjà morte ?) grand-mère, que l’on ne voit jamais. Les ressentiments et les accusations de tous ordres liés à cette situation explosent. À la fin, quand Tonio tente de se suicider, la famille se ressoude. Le tout est entrecoupé de chansons, comme souvent chez Pierre Notte.

La situation de départ, avec cette grand-mère invisible mais centrale, est improbable, mais on accepte cette donnée qui sert de révélateur à toutes les exaspérations, frustrations, jalousies, coups bas, qui sont l’ordinaire des relations de cette famille. Le problème est que tout est dit dès le début : le dialogue ne fera qu’apporter des variations, ou de simples répétitions à ces relations familiales. Malgré le dynamisme des acteurs, irréprochables (on a plaisir à retrouver Bernard Alane), et alors que le rythme est effréné, paradoxalement un sentiment de sur-place et d’ennui s’installe. Le public rit de moins en moins. Le potentiel comique de la situation étant, au fond, limité, Pierre Notte recourt pour déclencher le rire à des trucs comme la satire facile des milieux intellectuels, ou la rupture de l’illusion théâtrale (« c’est mon monologue !), qui font long feu. La tirade pathétique de la mère à la fin, quand elle croit avoir perdu son fils permet de finir très artificiellement sur une note « heureuse », à moins que ce ne soit une ironie de plus à la fin de ce jeu de massacre…

Le problème de ce texte et de ce spectacle est que, sur un sujet qui parle à tout le monde (les conflits familiaux exacerbés par l’obligation festive, puis par la présence de la mort), il privilégie le ressassement (de nombreuses répliques répétées à l’identique) et un humour noir, qui, à la longue, fatiguent, voire indisposent. Ce n’est pas tant que cet humour peine à se renouveler, mais surtout que l’ensemble manque d’âme, désamorce toute tentative d’empathie. Si c’est l’enfer des relations familiales qu’a voulu représenter Pierre Notte, que ne va-t-il vers le drame (je pense à « Père » de Strindberg) ? Le drame n’exclut pas un comique sombre, profond, terrible. En soulignant le comique, en voulant faire rire à toute force de ce qui n’est pas drôle, en baroquisant à outrance sa pièce avec des chansons, Pierre Notte nous lasse et nous laisse de glace. Le brillant est sécheresse ; je n’ai pas eu envie de rire avec Pierre Notte.

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