L’un des grands principes du Barnum sarkozyste est la connexion. Mettre en contact des politiques, des entrepreneurs, des journalistes, des “stars” du Show-Biz (au fait, Notre Président va emmener la grosse Régine pour représenter la France à ses côtés en voyage officiel, si si si), voilà ce qui permet d’avancer !
Ainsi, Dame Carla est tellement connectée qu’elle arrive à se faire cirer les pompes par un (visiblement ex) journal d’opposition qui combattait (autrefois) la politique désastreuse de son mari.
Mais tout cela, c’est de la blague. Car cette brillante stratégie prend du temps, impose des dîners, des prises de contact, des négociations.
Mieux vaudrait avoir sous la main un type qui puisse tout faire à la fois. Une chimère qui soit à la fois magnat industriel, patron de presse et politique par exemple. Un représentant du méta-sarkozysme.
Cette chimère existe : Serge Dassault. L’homme parfait (à ceci près qu’il était chiraquien), puisqu’il tient, dans chacune de ses mains potelées, les ficelles de plusieurs secteurs économiques névralgiques.
Mais les chimères sont dangereuses, et l’hybridation peut parfois avoir de fâcheuses conséquences.
Ainsi, notre homme, en synthétisant les diverses fonctions du Barnum sarkozyste, en a également synthétisé les modes d’existence. Tout à la fois vulgaire, sans gêne, brutal et plat comme un trottoir de rue, M. Dassault représente le croisement d’une caricature de Daumier et de Bouvard et Pécuchet réunis.
Un peu Homais sur les bords, il incarne la quintessence de l’esprit censitaire, en réalité fondateur dans ce qui tient lieu de doctrine au sarkozysme : j’ai du fric, cela me donne des droits, donc je donne mon avis et -accessoirement- je vous emmerde.
Pour pouvoir l’ouvrir librement, il achète, le 8 juillet 2004, le Figaro, et le transforme en Pravda. Il peut alors déverser sur la France entière, qui ne lui avait rien demandé, ses réflexions de comptoir et imposer ainsi des “idées saines”, car, d’après notre Kant aérospatial, “nous sommes en train de crever à cause des idées de gauche”.
Des marchands de canons qui tiennent la presse, ça s’était déjà vu. Mais des marchands de canons qui tiennent la presse pour y déverser des âneries, c’était plus neuf. Le papa du monsieur avait déjà fait la même chose, dans son torchon Jour de France qui, plein “d’idées saines”, était distribué gratos aux médecins et aux dentistes pour qu’ils le placent dans leur salle d’attente et luttent contre la peste rouge. Au moins, il avait eu la pudeur de ne pas racheter un vrai journal.
Mais il est une information que la Pravda s’est bien gardée de répercuter : les fines analyses élaborées par notre Leibniz volant à propos des chômeurs auxquels il faut, d’après lui, couper les vivres:
Prime pour l’emploi, et bientôt RSA… c’est quand même anormal de vouloir donner de l’argent de l’Etat qui n’en a pas beaucoup à des gens qui ne veulent pas travailler parce qu’on les paye trop et coûtent aussi beaucoup d’argent à l’Etat. On réduirait carrément les aides aux chômeurs, ce serait quand même plus efficace si on veut les faire travailler que de vouloir donner de l’argent sur denier de l’Etat.
Donc, en gros, et d’après notre Aristote à réaction, il ne faut pas dépenser l’argent de l’Etat à fond perdu.
Mais pourquoi donc la Pravda n’a-t-elle pas diffusée ce point de vue éclairant? Elle a été rachetée pour cela, non ?
Peut-être parce que ses journalistes ont en tête que le Hume aéroporté qui leur sert de patron fabrique et fourgue à l’Etat une machine de mort qui ne répond pas vraiment, comme le remarquait Rébus il y a deux jours, aux critères de rentabilité exigés par notre Descartes à visée laser : Le Rafale ! Fierté des beaufs qui s’imaginent qu’un bel avion (belle bagnole, beau bateau, belle première Dadame) français, c’est de l’honneur en barre pour la France et de la gloire pour eux. Et qui sont prêts à raquer pour ça, et préfèrent même remplir les poches de l’Averroès supersonique plutôt que de casquer quelques euros en plus pour éviter la déroute, par exemple, d’un service public hospitalier qui leur permet pourtant de continuer à traîner, dans une relative sécurité, leur petite vie franchouillarde et lobotomisée…
Jugeons plutôt :
Le coût total de production de ce jouet imbécile représente, pour l’Etat, 28 milliards d’Euros TTC
Le budget total se répartit de la façon suivante :
* 9,2 milliards d’euros de R&D, dont 7,2 milliards d’euros payés par l’Etat, et 2 milliards d’euros payés par les industriels (~25%, dans l’espoir à l’époque de décrocher plus tôt des contrats exportation, à mourir de rire)
* 20,8 Md € de devis de production : 124 Rafale C; 110 Rafale B; 60 Rafale M; des pièces de rechange et maintenance et autres pitreries aériennes du même genre.
Et on ajoute à cela la note de frais à chaque achat. Tout cela pour que gros Dédé et sa rombière soient fiers d’être français en buvant leur coup de rouge, alors qu’on aurait tout aussi bien pu s’associer au programme Eurofighter.
Et tout cela, aussi, pour que notre Spinoza à radar embarqué puisse se remplir les fouilles. Bref.
Passons aux choses sérieuses maintenant. Car après l’investissement, vient le ratissage, le bon gros retour, le pognon qui coule à gros bouillons…
Ventes à l’étranger ? Aucune. Ce qu’on appelle un investissement étatique rentable.
D’où le pudique silence de la Pravda.
Alors, M. Dassault, faites comme le grotesque organe de propagande que vous dirigez.
Taisez-vous.