[fanfiction Harry Potter] Antje #1

Par Artemissia Gold @SongeD1NuitDete

Voici une fanfiction dédiée à l'univers de Harry Potter qui sera mise à jour tous les vendredi. Je souhaite bonne lecture à tous ceux qui auront envie de la découvrir et je pars mourir de peur dans mon coin.

Résumé :

[réédition – 2004-2005] La lecture fortuite d’un journal intime oublié sous un fauteuil, point de départ d’une année mouvementée qui verra une jeune fille peu appréciée s’ouvrir aux autres et celui qu’on considère comme un sale gosse acquérir de la maturité. Amitié, romance, etc.

Chapitre 1

Hello darkness my old friend…

Je me demande parfois si ma vie aurait été différente si ma cinquième année d’études à Poudlard ne s’était pas déroulée ainsi. Peut-être serais-je devenu un autre homme si je n’avais pas commis une certaine erreur à cette époque-là et si une certaine personne n’avait pas croisé mon chemin.

J’ai toujours eu pour philosophie de prendre les choses comme elles venaient et de ne penser souvent trop tard qu’aux conséquences. S’il en avait été autrement, Merlin seul sait ce qui se serait produit. Je me pose parfois la question mais cela ne dure jamais longtemps. Tout ça m’est bien égal, après tout. Je suis une personne désinvolte, peut-être un peu moins que par le passé, mais cela fait partie de ma personnalité.

Les bêtises que j’aie pu commettre cette année-là, à une exception près, ne seront pas le sujet de mon récit. Si je prends la plume aujourd’hui, c’est surtout pour vous parler d’elle.

Elle s’appelait Antje mais rares étaient ceux qui l’interpellaient par son simple prénom. Elle était miss Ziegler pour les professeurs et, pour beaucoup d’élèves, elle n’était connue sous les surnoms d’Antje la Chialeuse ou Antje la Pleurnicharde. En ce qui me concerne, après un certain temps à la fréquenter, je l’ai appelée Anna, parce que je trouvais cela plus joli que ce prénom bizarre, semblable à un éternuement, dont l’avaient affublée ses parents d’origine étrangère.

Cette fille avait un an de moins que moi et, à son entrée à l’école, le Choixpeau magique l’avait placée dans la même maison que moi : Gryffondor. Elle n’avait aucun ami, au contraire : elle était l’objet d’un mépris généralisé dont je n’ai jamais vraiment compris la raison. On disait d’elle qu’elle était grosse ; ce n’était pas une sylphide, mais on trouvait à Poudlard des filles nettement moins bien fichues, si vous me permettez l’euphémisme. Antje semblait maigrichonne à côté de Pamela Andrews, une fille de Serdaigle qui était carrément sphérique et dont on ne savait où était le haut que grâce à son chapeau.

Certains élèves prétendaient également qu’elle était idiote, pourtant je savais que ce n’était pas le cas. À la fin des examens, lorsque les résultats étaient affichés dans le hall de l’école, elle apparaissait comme une des meilleurs élèves de tout Gryffondor, même si elle n’était pas aussi brillante que James ou moi. Lorsque nous traînions dans la salle commune, on la voyait souvent potasser, à moitié cachée derrière une pile de bouquins. Cela ne correspondait pas à l’idée que je me faisais d’une idiote mais certains gens, qui eux sont complètement idiots, ont des critères plus que bizarres concernant l’intelligence.

Antje était extrêmement timide et, d’après ce que j’en avais vu (à savoir pas grand-chose durant les premières années), elle n’avait jamais vraiment réussi à s’adapter, ce qui lui valait les moqueries constantes de nombreux autres élèves de l’école. Elle était incapable de se défendre et ne savait que se mettre à pleurer quand on l’embêtait. Ce qui, bien sûr, poussait les autres à la malmener davantage parce qu’ils trouvaient ça tèèèèèèèè-llement drôle. Personnellement, ni moi ni mes copains ne nous étions abaissés à ce genre de chose : nous pensions qu’embêter les faibles était un signe de faiblesse en soi, sauf s’ils le méritaient vraiment, comme Severus Rogue, par exemple.

Outre ses kilos en trop et sa prétendue stupidité, c’était le physique d’Antje d’une façon générale qui faisait l’objet de plaisanteries d’un goût plus ou moins douteux. Aux yeux de certains, elle était aussi moche et répugnante qu’un Scrout à pétard. Selon moi, toujours dans un premier temps, elle était on ne peut plus ordinaire : elle avait de longs cheveux roux qu’elle attachait en une tresse serrée qui faisait ressortir ses oreilles. Elle portait toujours des robes trop grandes et d’amples pull-over pour cacher ses formes. Elle avait le teint très pâle et ses yeux étaient souvent cernés de rouge à cause de tout ce temps passé à pleurer. Cela ne correspondait pas, une fois encore, à l’idée que je me faisais d’un laideron. Certaines filles avaient essayé de lui faire « prendre soin de son apparence », comme elles disaient, mais Antje ne s’était jamais laissée faire. Elle avait un jour agoni Lily Evans d’injures quand celle-ci lui avait sauté dessus surprise pour lui défaire sa natte. Au bout d’un moment, ces tentatives auxquelles nous avions assisté dans la salle commune avaient cessé et Antje était devenue une sorte de cas désespéré pour les autres filles.

Son dernier ennui, et pas des moindres, était son ascendance moldue qui lui valaient les pires crasses des élèves de Serpentard dont, je le soupçonnais fort à l’époque, une majorité se destinaient au statut de Mangemorts. Severus Rogue, que j’évoquais plus tôt, n’hésitait pas à lui jeter des maléfices de temps en temps en lui disant de « retourner chez les Moldus ». Il en allait de même pour les blaireaux lobotomisés lui faisant office de copains… et mon petit frère Regulus. James, Remus, Peter et moi n’avions jamais cherché à la défendre parce qu’à l’époque, nous estimions que ça ne nous regardait pas et nous avions d’autres choses à faire. Cela ne nous empêchait pas de désapprouver ce genre d’attitude, que ce soit envers Antje ou n’importe quel autre élève né sorcier de parents moldus. Malheureusement, le directeur avait beau faire, la terreur qui se propageait au-dehors causée par une bande d’abrutis malcommodes à l’esprit étroit traversait aussi les murs de Poudlard, et les élèves qui avaient le malheur de ne pas avoir le sang pur subissaient régulièrement les blagues douteuses et les injures de certains crétins.

Telle était Antje Ziegler, de son entrée à l’école jusqu’à l’automne 1975 où commence mon récit.

oOØOo

Tout avait commencé un soir de septembre, environ deux semaines après la rentrée. James et moi avions l’habitude de faire un concours consistant à faire le plus de bêtises possible. Le vainqueur était celui qui avait le plus grand nombre de mauvais coups à son actif à la fin de l’année. Nous nous fichions totalement des retenues et des points que nos blagues faisaient perdre à Gryffondor car, grâce au don de mon meilleur pote pour le Quidditch, nous étions sûrs de remporter la coupe des Quatre Maisons, comme c’était le cas à chaque fois depuis que James avait intégré l’équipe. Cette fois-ci, cependant, nous avions un peu pimenté le défi : il s’agissait de voir lequel de nous deux se ferait prendre en premier la main dans le sac en train de faire une connerie. James avait décidé de s’attaquer à Rogue tandis que j’avais préféré m’en prendre au concierge, un pauvre type caractériel et sadique dont l’unique plaisir consistait à se venger sur nous sous prétexte qu’il était Cracmol. Malgré les efforts de mon meilleur copain pour faire subir un truc particulièrement gratiné au vieux Servilus, ce fut moi qui me fis pincer, en train de jeter un maléfice Glaçant sur la porte du placard de Rusard. L’effet de cette innocente plaisanterie aurait dû être à mourir de rire : il était prévu à la base que la poignée de la fameuse porte devienne tellement froide que l’affreux vieux bonhomme aurait eu la main collée dessus. Il paraît que les Moldus ont un produit équivalent à ce sortilège nommé « fluide glacial ». J’aurais bien voulu m’en procurer, ne serait-ce que pour savoir comment c’était fait et si c’était efficace, mais considérant que mes parents sont des tarés obsédés par la pureté du sang, le monde moldu est considéré chez moi comme l’antre du Mal et je n’ai pour ainsi dire pas le droit de m’approcher ne serait-ce qu’à cinq mètres d’un individu qui ne serait pas sorcier. On a des traditions dans certaines familles…

Bref. Comme je le disais avant d’être interrompu par moi-même, Rusard m’avait donc surpris en train d’ensorceler sa porte et m’avait condamné à une corvée ménagère stupide et ennuyeuse qui m’avait coûté ma soirée. J’étais certes content d’avoir gagné mon pari avec James mais astiquer les nombreux bibelots de la salle des trophées à l’huile de coude n’était pas une occupation bien amusante.

Il était tard quand je regagnai la salle commune de Gryffondor. Je me fis tirer les oreilles (si je puis dire) par le portrait de la Grosse dame que je dus réveiller pour pouvoir entrer. Tout le monde était allé se coucher et j’avais une grosse heure de travail devant moi à cause d’un devoir de métamorphose à rendre pour le lendemain. McGonagall profitait visiblement des BUSE qui se profilaient à l’horizon pour nous charger de travail comme de vulgaires hippogriffes. Joie, bonheur et délectation. Je montai discrètement dans le dortoir récupérer mes affaires de classe en soupirant et en me félicitant cependant d’être bon élève : il me faudrait moins de temps pour faire ce devoir qu’à certains de mes camarades qui eux transpiraient à grosses gouttes dès qu’il s’agissait d’ouvrir un livre scolaire parce que son contenu leur semblait aussi obtus qu’un article du Mensuel de la Métamorphose. Je me serais pourtant bien passé d’avoir du travail à faire. Il était tard, j’avais des crampes dans les bras et mes yeux menaçaient de se fermer tout seuls.

Je m’installai devant ce qu’il restait de feu, sortis mon manuel de métamorphose, une plume et de l’encre. Comme par hasard, tandis que je fouinais dans mon sac pour en sortir un rouleau de parchemin vierge digne de ce nom, son contenu se renversa et toutes mes affaires se retrouvèrent par terre. Décidément, c’était ce qu’on appelait une soirée pourrie. Avec un soupir, je me mis à quatre pattes pour tout ramasser. En glissant une main sous un fauteuil pour récupérer une plume qui s’était glissée là, mes doigts rencontrèrent quelque chose. Pensant qu’il s’agissait d’un de mes cahiers, j’attrapai cet objet qui se trouvait être un livre de la bibliothèque.

Etrange. Comment était-il arrivé là ? Qui l’avait oublié ? Ce n’était pas dans mes habitudes, mais il s’agissait que je le rende à la personne qui l’avait emprunté. Les colères de la mère Pince, la vieille goule caractérielle officiant comme bibliothécaire, faisaient trembler Poudlard sur ses fondations si un élève lui faisait l’affront de perdre un de ses précieux ouvrages. J’ouvris donc le bouquin en quête de la petite fiche collée à l’intérieur de la couverture où étaient inscrits les noms des élèves qui empruntaient les livres, mais je n’étais pas au bout de mes surprises.

Si la couverture indiquait qu’il s’agissait d’un essai consacré aux Découvertes magiques de la Renaissance, avec le cachet de la bibliothèque bien visible, l’intérieur n’avait rien à voir. Il était vide, à l’exception d’une quinzaine de pages manuscrites à l’encre violette. Je fronçai les sourcils et revins au début du livre pour voir de quoi il s’agissait vraiment. La page de garde indiquait simplement : Journal intime d’Antje Rosalie Ziegler.

Cette découverte me surprit. Tout d’abord, je sifflai d’admiration. Camoufler un journal intime en livre de la bibliothèque était intelligent, bien pensé, et c’était de la belle magie. La preuve : à première vue, je m’étais fait avoir. De plus, qui pourrait avoir envie d’ouvrir un bouquin d’aspect aussi barbant pour voir ce qu’il y avait dedans ? Elle était futée, cette Antje. Bien plus que ce qu’on disait d’elle dans les couloirs. Dans le même temps, je me sentais vraiment curieux. Je me demandais ce qu’elle pouvait bien confier dans ce cahier. J’avais une envie irrépressible de tout lire même si quelque part, j’étais bien conscient que ça ne me regardait pas.

À dire vrai, je connaissais à peine Antje et je ne m’étais jamais intéressé à elle. Ni en bien, ni en mal. Elle me faisait simplement pitié. Ce n’était certes pas sa faute si elle était née de parents moldus, ce qui fait que je réprouvais les insultes des Serpentard à son égard, mais cette opinion était valable pour tous les élèves de l’école qui n’étaient pas de sang pur. Dans le même temps, son incapacité à se défendre quand on l’embêtait m’apparaissait comme une sorte de fatalité, parce que ses larmes n’étaient qu’une sorte de provocation pour les crétins qui s’amusent à malmener plus faibles qu’eux.

La curiosité finit par prendre le dessus. Je lus le journal intime de la première à la dernière ligne. Ce que j’y appris me mit mal à l’aise car jamais je n’aurais pensé que les plaisanteries stupides de mes camarades puissent avoir un tel impact sur elle.

29 août 1975

Ma mère m’a offert ce cahier pour que je note, pour répéter ce qu’elle m’a dit, toutes les choses dont je n’osais pas parler. Si elle n’avait pas eu cet air désolé en me le donnant, j’aurais presque trouvé ça drôle parce que je sais qu’elle et mon père me cachent autant de choses que je leur en cache moi-même. Il se passe quelque chose dont ils ne me disent rien et qui a l’air de les rendre très inquiets. Du coup, j’ai peur.

Je crains que ma vie à la maison devienne aussi affreuse qu’à l’école. La maison a toujours été mon refuge depuis ma première année à Poudlard. S’il se passe quelque chose de grave, je me demande ce que je vais devenir.

En plus, la rentrée est dans deux jours. Retour en enfer. Trop cool.

J’eus la gorge un peu serrée en lisant cette première note. À croire que la vie d’Antje était l’opposé de la mienne : c’était ma vie au square Grimmaurd qui était un enfer tandis que Poudlard était mon refuge.

1er septembre 1975

Comme je le pensais, une nouvelle année d’enfer a commencé. Déjà, mes parents faisaient une tête sinistre quand ils m’ont accompagnée à King’s Cross. Ma mère avait l’air au bord des larmes. Moi, je l’étais vraiment. Je ne voulais pas la laisser. Je ne voulais pas laisser la maison derrière moi, malgré le caractère de cochon de mon père et ses engueulades incessantes avec mon frère. En plus, comme tous les ans, j’ai failli tout leur dire avant de traverser la barrière pour aller sur le quai. J’ai failli leur dire que je n’aimais pas Poudlard et que Poudlard ne m’aimait pas. Mais comme tous les ans, je me suis dégonflée. Après tout, qu’est-ce que ça aurait changé ? Je ne peux pas aller dans une école normale. Les manifestations de magie involontaires auraient provoqué des catastrophes. Alors à quoi bon ?

 

J’ai attendu que le train parte et je suis allée pleurer dans les toilettes. J’y suis restée pendant tout le voyage pour retarder le moment où ça allait recommencer.

 

Cher journal, dans chaque classe, dans chaque maison, il y a au moins une personne pour se moquer de moi et pour me dire des horreurs. Les Gryffondor me disent que je n’ai pas ma place parmi eux, que leur maison n’est pas pour les chouineurs. Les Pouffsouffle me bousculent parfois dans les couloirs sans s’excuser. Les Serdaigle me regardent d’un air méprisant et moqueur. Quant aux Serpentard, ce sont les pires. Ils me disent que je suis une « Sang-de-bourbe » et que si je pouvais crever, le monde s’en porterait bien mieux. Ce n’est que le jour de la rentrée et j’en ai déjà marre. Je n’en peux plus de ces insultes, de cette pression. C’est injuste. Pourquoi sont-ils comme ça ? Qu’est-ce que je leur ai fait ? Ce n’est pas ma faute si je suis si nulle et si moche. Je n’ai pas demandé à être comme ça. Je n’ai même pas demandé à vivre.

Mon sentiment de pitié s’intensifia. Je n’avais pas remarqué qu’ils s’en étaient pris à elle dès le premier jour. Ce n’était pas étonnant qu’elle se sente aussi mal. Se moquer de quelqu’un à peine l’année entamée était un excellent moyen de déstabiliser et de faire souffrir quelqu’un. Du moins, c’était ce que je pensais. Je n’en étais pas sûr. On ne peut pas comprendre des choses qu’on n’a pas vécues.

5 septembre 1975

Je n’en peux plus. Ils m’ont dégotté un nouveau surnom : Antje la Pleurnicharde, parce que je pleure tout le temps. C’est pourtant votre faute, bande d’abrutis qui ne comprenez rien ! Vous ne savez rien. Vous ne savez pas ce que j’endure. Vous vous amusez bien, hein, à m’insulter ? Et vous vous foutez totalement de ce que je peux ressentir. Vous ne savez pas ce que c’est que de subir au quotidien des moqueries par paquet de dix. Si seulement vous étiez à ma place, peut-être comprendriez-vous ce que je vis. Peut-être que ce serait vous, les pleurnichards… Oui, je sais, je peux toujours rêver. Ça ne peut être que de moi qu’on se moque, parce que je suis moche, parce que je suis grosse, parce que je ne sais pas parler aux gens, parce que j’aime mieux les études que toutes ces choses futiles auxquelles vous vous intéressez, et parce que mes parents ne sont pas des sorciers. Donc, c’est à moi de subir tout ça et de pleurer et d’être traitée de « pleurnicharde ». Oui, je suis une pleurnicharde. Pourtant, je m’en serais bien passée. Je pleurnicherais moins si vous me laissiez un peu tranquille. Je pleure parce que je suis fatiguée et parce que je ne supporte plus tout ça. D’ailleurs, qui pourrait le supporter, qui ?

Je grimaçai. Cette pauvre fille se faisait visiblement tellement malmener qu’elle en était venue à croire tout ce qu’on lui disait, notamment sur son physique. Pourtant, il y avait tellement pire qu’elle… La suite du journal ne valait pas mieux.

6 septembre 1975

J’ai donné un coup de pied dans les tibias de Severus Rogue parce qu’il m’a encore traitée de « sang-de-bourbe ». Pour se venger, il m’a jeté un maléfice qui m’a fait écorché la figure. J’avais du sang partout et j’ai taché ma robe. Rogue m’a dit que si je recommençais, il me jetterait le sort pour me faire saigner jusqu’à ce que je meure. J’aurais dû lui dire de le faire.

N.B. J’ai ensorcelé ce cahier pour le cacher. Une variante du maléfice de Confusion que j’ai trouvée dans un livre. Quiconque d’autre que moi trouverait ce cahier ne verrait qu’un quelconque bouquin ennuyeux de la bibliothèque. C’est peut-être un peu sommaire mais largement suffisant pour décourager les filles de mon dortoir.

 

J’ai toujours détesté Rogue. Il est immonde, il se permet de prendre des grands airs alors qu’il est moche comme un pou avec ses cheveux gras, son gros pif et son haleine de Sombral, et en plus il fréquente des types infâmes comme Wilkes et Avery, des mecs dont tout le monde sait que leurs parents sont des Mangemorts. En plus, il est tout à fait du genre à s’en prendre à plus faible que lui. Pas étonnant par conséquent qu’Antje ait fait les frais de ses insultes et de ses sorts. Quand je pense que Lily Evans, qui est préfète des Gryffondor, fréquente ce cafard graisseux à ses heures perdues… Certaines choses m’échapperont toujours. Surtout en ce qui concerne les filles.

8 septembre. À moins qu’on ne soit le 9. Il fait nuit.

Je viens de me glisser en douce dans le laboratoire de potions. Le professeur Slughorn avait verrouillé l’armoire à poisons par un sortilège. J’aurais bien voulu le connaître pour ouvrir ce placard et me préparer un petit cocktail qui aurait mis fin à cette vie que je ne supporte plus. Si je connaissais le maléfice que Rogue m’a jeté l’autre jour, je m’ouvrirais les veines. Et si j’en avais le courage, je sauterais du haut de la tour d’astronomie. J’ai envie de mourir.

J’ai reçu une lettre de ma mère qui a renforcé l’inquiétude que j’ai ressentie à la fin des vacances. Jamais elle n’a brassé autant de vent. C’était comme si les mots étaient plaqués sur le papier, vides de sens. J’ai peur.

Accessoirement, Poudlard est de pire en pire. J’ai eu la meilleure note au premier devoir de sortilèges, et Ornella Kowalski m’a sifflée en me traitant de sale bêcheuse. Insultes qui ont été répétée multipliées par cinq au repas du soir, parce que Kowalski l’a répété à toutes ses copines de cinquième année.

Je ne peux décidément rien faire sans qu’on se moque de moi. A part mourir, peut-être.

En lisant ces mots, je commençai à en vouloir au monde entier, moi y compris. Finalement, ce n’était pas difficile d’imaginer qu’à force qu’on se moque d’elle, Antje ait envie de disparaître. Encore que, disparaître était un faible mot : elle envisageait carrément le suicide. J’éprouvai dans le même temps une bouffée de haine pour cette Ornella Kowalski et ses copines. Je connaissais les filles de cinquième année, elles étaient dans ma classe. Elles étaient toutes parfaitement stupides, inintéressantes, même si elles se mettaient en quatre pour attirer mon attention parce qu’elles ont toutes envie de sortir avec moi. Pourtant, elles ne me connaissent même pas réellement. Elles me courent après juste parce que j’ai une belle gueule et parce que je suis populaire. C’est vous dire le niveau…

Les pages suivantes du journal d’Antje n’étaient que des variations sur le suicide et le ras-le-bol. J’eus l’impression de ne rien apprendre de nouveau sur elle, à part que ses souffrances se faisaient plus présentes de note en note. Les dernières lignes, griffonnées quelques heures auparavant, disaient simplement :

Je vais me coucher, maintenant. J’espère mourir pendant mon sommeil. Je voudrais que mon corps mort soit découvert. Ils pourraient injurier et frapper mon cadavre, mon âme ne serait plus atteinte. Je serais partie ailleurs.

Le problème, c’est qu’ils seraient tous trop contents de me voir morte.

Je refermai le journal intime, songeur. Ces quelques pages avait changé mon opinion sur cette fille qui jusqu’alors ne faisait que partie du paysage. Sans vraiment savoir pourquoi, j’eus envie de faire quelque chose pour elle… mais quoi ?

Le feu était presque éteint. Je n’avais plus la tête à mon devoir de métamorphose, alors j’y renonçai. McGonagall allait me tirer les oreilles mais c’était le cadet de mes soucis. Peut-être trouverais-je un moyen de le bâcler rapidement pendant son cours en faisant semblant de suivre. À ce moment-là, ça ne m’inquiétait pas outre mesure. Je ramassai mes affaires, glissai le journal intime sous le fauteuil, là où je l’avais trouvé, puis je remontai dans le dortoir.

Lorsque j’y étais monté quelques instants auparavant pour chercher de quoi faire mes devoirs, tout le monde dormait. Aussi je fus surpris, alors que j’allais me glisser entre les draps frais, d’entendre quelqu’un m’appeler :

— Sirius, tu n’as pas honte de te coucher à une heure pareille ?

C’était Remus. Il avait dû faire un cauchemar, à moins qu’une de ses blessures dûe à la précédente pleine lune ne l’ait réveillé parce que ça lui faisait mal. Quelque part, pouvoir échanger quelques mots avec lui m’arrangea. J’éprouvai le besoin soudain de faire partager ma découverte.

— Laisse tomber, répondis-je. Je te rappelle que j’ai eu une retenue et qu’après, j’avais mes devoirs à faire.

Je passai sous silence le devoir de métamorphose que je n’avais pas fait. Remus le saurait bien assez tôt et je n’avais pas envie de recevoir une leçon de morale.

— Tu sais, je ne suis peut-être pas bien placé pour te le dire mais si tu ne faisais pas autant l’imbécile, tu n’aurais pas toutes ces retenues qui t’empêchent de bosser… En plus, ta petite compétition avec James sur qui aurait la première retenue de l’année, franchement, c’était pas bien malin…

— C’est ça, dis-le-lui, à James, on verra bien ce qu’il va te répondre.

— Il va me dire que je suis trop sérieux, comme d’habitude, et qu’il faudrait que je décoince un peu…

— En plus, je ne voudrais pas dire, mais faire des blagues à Rusard, c’est bien plus rigolo que de se bousiller les yeux derrière des bouquins barbants…

— Hum…

Il faisait trop noir pour le voir mais j’imaginais parfaitement le sourire de Remus. Il avait beau être préfet et ne pas toujours être d’accord avec nos idées farfelues, il participait presque à chaque fois à nos mauvais coups.

Je laissai passer un silence. Il fallait que j’arrive à parler du journal intime et de ce que j’avais lu dedans mais je ne savais pas comment m’y prendre. Je finis par y aller carrément car garder le silence était le pire service qu’on puisse rendre à Antje.

— Remus ?

— Quoi ?

— Qu’est-ce que tu penses d’Antje Ziegler ?

— La fille de quatrième année qui pleure dès qu’on lui dit quelque chose ? Rien de particulier. Elle n’a pas l’air très heureuse, mais d’un autre côté, elle ne fait pas beaucoup d’efforts pour s’adapter. Pourquoi ?

— J’ai lu son journal intime.

J’entendis Remus se redresser brusquement dans son lit.

— Tu as quoi ?

— Elle l’avait oublié sous un fauteuil. Je l’ai trouvé par hasard, en ramassant des trucs qui étaient tombés de mon sac.

— Et comme de juste, tu étais obligé de regarder dedans. Sirius Black, un de ces quatre, ta curiosité te coûtera très cher, c’est moi qui te le dis.

— Peut-être, mais ce qu’elle a écrit dedans flanque les jetons.

— Comment ça ?

— D’après elle, on a commencé à lui dire des saletés dès la rentrée, et elle en a franchement marre. Dans les dernières pages, elle n’arrête pas de parler de mort, de suicide… elle a même été voir en douce dans les cachots pour voir si elle pouvait forcer l’armoire à poisons du père Slughorn.

— C’est une blague ?

— Tu crois que c’est mon genre de faire des blagues sur un truc pareil ? Faudrait faire quelque chose pour elle, je sais pas, en parler à quelqu’un…

— Le problème, c’est que cette fille est tellement habituée à ce qu’on se moque d’elle et à se prendre des injures qu’elle ne laisse personne l’approcher. Faudrait en parler à Lily Evans, c’est elle, la préfète des filles. Ou à McGonagall, éventuellement. De toute façon, vu l’heure qu’il est, on ne peut rien faire, à part dormir. Bonne nuit, Patmol.

— Ouais, bonne nuit.

Je ne pus m’empêcher de sourire en entendant mon surnom. Un symbole du plus grand secret de notre bande. Je me roulai en boule sous les couvertures et essayai de dormir. Le sommeil mit cependant du temps à venir. Je ne pouvais m’empêcher de penser à ce que j’avais lu dans le journal d’Antje.

À suivre.

Voici une fanfiction dédiée à l'univers de Harry Potter qui sera mise à jour tous les vendredi. Je souhaite bonne lecture à tous ceux qui auront envie de la découvrir et je pars mourir de peur dans mon coin.

Résumé :

[réédition – 2004-2005] La lecture fortuite d’un journal intime oublié sous un fauteuil, point de départ d’une année mouvementée qui verra une jeune fille peu appréciée s’ouvrir aux autres et celui qu’on considère comme un sale gosse acquérir de la maturité. Amitié, romance, etc.

Chapitre 1

Hello darkness my old friend…

Je me demande parfois si ma vie aurait été différente si ma cinquième année d’études à Poudlard ne s’était pas déroulée ainsi. Peut-être serais-je devenu un autre homme si je n’avais pas commis une certaine erreur à cette époque-là et si une certaine personne n’avait pas croisé mon chemin.

J’ai toujours eu pour philosophie de prendre les choses comme elles venaient et de ne penser souvent trop tard qu’aux conséquences. S’il en avait été autrement, Merlin seul sait ce qui se serait produit. Je me pose parfois la question mais cela ne dure jamais longtemps. Tout ça m’est bien égal, après tout. Je suis une personne désinvolte, peut-être un peu moins que par le passé, mais cela fait partie de ma personnalité.

Les bêtises que j’aie pu commettre cette année-là, à une exception près, ne seront pas le sujet de mon récit. Si je prends la plume aujourd’hui, c’est surtout pour vous parler d’elle.

Elle s’appelait Antje mais rares étaient ceux qui l’interpellaient par son simple prénom. Elle était miss Ziegler pour les professeurs et, pour beaucoup d’élèves, elle n’était connue sous les surnoms d’Antje la Chialeuse ou Antje la Pleurnicharde. En ce qui me concerne, après un certain temps à la fréquenter, je l’ai appelée Anna, parce que je trouvais cela plus joli que ce prénom bizarre, semblable à un éternuement, dont l’avaient affublée ses parents d’origine étrangère.

Cette fille avait un an de moins que moi et, à son entrée à l’école, le Choixpeau magique l’avait placée dans la même maison que moi : Gryffondor. Elle n’avait aucun ami, au contraire : elle était l’objet d’un mépris généralisé dont je n’ai jamais vraiment compris la raison. On disait d’elle qu’elle était grosse ; ce n’était pas une sylphide, mais on trouvait à Poudlard des filles nettement moins bien fichues, si vous me permettez l’euphémisme. Antje semblait maigrichonne à côté de Pamela Andrews, une fille de Serdaigle qui était carrément sphérique et dont on ne savait où était le haut que grâce à son chapeau.

Certains élèves prétendaient également qu’elle était idiote, pourtant je savais que ce n’était pas le cas. À la fin des examens, lorsque les résultats étaient affichés dans le hall de l’école, elle apparaissait comme une des meilleurs élèves de tout Gryffondor, même si elle n’était pas aussi brillante que James ou moi. Lorsque nous traînions dans la salle commune, on la voyait souvent potasser, à moitié cachée derrière une pile de bouquins. Cela ne correspondait pas à l’idée que je me faisais d’une idiote mais certains gens, qui eux sont complètement idiots, ont des critères plus que bizarres concernant l’intelligence.

Antje était extrêmement timide et, d’après ce que j’en avais vu (à savoir pas grand-chose durant les premières années), elle n’avait jamais vraiment réussi à s’adapter, ce qui lui valait les moqueries constantes de nombreux autres élèves de l’école. Elle était incapable de se défendre et ne savait que se mettre à pleurer quand on l’embêtait. Ce qui, bien sûr, poussait les autres à la malmener davantage parce qu’ils trouvaient ça tèèèèèèèè-llement drôle. Personnellement, ni moi ni mes copains ne nous étions abaissés à ce genre de chose : nous pensions qu’embêter les faibles était un signe de faiblesse en soi, sauf s’ils le méritaient vraiment, comme Severus Rogue, par exemple.

Outre ses kilos en trop et sa prétendue stupidité, c’était le physique d’Antje d’une façon générale qui faisait l’objet de plaisanteries d’un goût plus ou moins douteux. Aux yeux de certains, elle était aussi moche et répugnante qu’un Scrout à pétard. Selon moi, toujours dans un premier temps, elle était on ne peut plus ordinaire : elle avait de longs cheveux roux qu’elle attachait en une tresse serrée qui faisait ressortir ses oreilles. Elle portait toujours des robes trop grandes et d’amples pull-over pour cacher ses formes. Elle avait le teint très pâle et ses yeux étaient souvent cernés de rouge à cause de tout ce temps passé à pleurer. Cela ne correspondait pas, une fois encore, à l’idée que je me faisais d’un laideron. Certaines filles avaient essayé de lui faire « prendre soin de son apparence », comme elles disaient, mais Antje ne s’était jamais laissée faire. Elle avait un jour agoni Lily Evans d’injures quand celle-ci lui avait sauté dessus surprise pour lui défaire sa natte. Au bout d’un moment, ces tentatives auxquelles nous avions assisté dans la salle commune avaient cessé et Antje était devenue une sorte de cas désespéré pour les autres filles.

Son dernier ennui, et pas des moindres, était son ascendance moldue qui lui valaient les pires crasses des élèves de Serpentard dont, je le soupçonnais fort à l’époque, une majorité se destinaient au statut de Mangemorts. Severus Rogue, que j’évoquais plus tôt, n’hésitait pas à lui jeter des maléfices de temps en temps en lui disant de « retourner chez les Moldus ». Il en allait de même pour les blaireaux lobotomisés lui faisant office de copains… et mon petit frère Regulus. James, Remus, Peter et moi n’avions jamais cherché à la défendre parce qu’à l’époque, nous estimions que ça ne nous regardait pas et nous avions d’autres choses à faire. Cela ne nous empêchait pas de désapprouver ce genre d’attitude, que ce soit envers Antje ou n’importe quel autre élève né sorcier de parents moldus. Malheureusement, le directeur avait beau faire, la terreur qui se propageait au-dehors causée par une bande d’abrutis malcommodes à l’esprit étroit traversait aussi les murs de Poudlard, et les élèves qui avaient le malheur de ne pas avoir le sang pur subissaient régulièrement les blagues douteuses et les injures de certains crétins.

Telle était Antje Ziegler, de son entrée à l’école jusqu’à l’automne 1975 où commence mon récit.

oOØOo

Tout avait commencé un soir de septembre, environ deux semaines après la rentrée. James et moi avions l’habitude de faire un concours consistant à faire le plus de bêtises possible. Le vainqueur était celui qui avait le plus grand nombre de mauvais coups à son actif à la fin de l’année. Nous nous fichions totalement des retenues et des points que nos blagues faisaient perdre à Gryffondor car, grâce au don de mon meilleur pote pour le Quidditch, nous étions sûrs de remporter la coupe des Quatre Maisons, comme c’était le cas à chaque fois depuis que James avait intégré l’équipe. Cette fois-ci, cependant, nous avions un peu pimenté le défi : il s’agissait de voir lequel de nous deux se ferait prendre en premier la main dans le sac en train de faire une connerie. James avait décidé de s’attaquer à Rogue tandis que j’avais préféré m’en prendre au concierge, un pauvre type caractériel et sadique dont l’unique plaisir consistait à se venger sur nous sous prétexte qu’il était Cracmol. Malgré les efforts de mon meilleur copain pour faire subir un truc particulièrement gratiné au vieux Servilus, ce fut moi qui me fis pincer, en train de jeter un maléfice Glaçant sur la porte du placard de Rusard. L’effet de cette innocente plaisanterie aurait dû être à mourir de rire : il était prévu à la base que la poignée de la fameuse porte devienne tellement froide que l’affreux vieux bonhomme aurait eu la main collée dessus. Il paraît que les Moldus ont un produit équivalent à ce sortilège nommé « fluide glacial ». J’aurais bien voulu m’en procurer, ne serait-ce que pour savoir comment c’était fait et si c’était efficace, mais considérant que mes parents sont des tarés obsédés par la pureté du sang, le monde moldu est considéré chez moi comme l’antre du Mal et je n’ai pour ainsi dire pas le droit de m’approcher ne serait-ce qu’à cinq mètres d’un individu qui ne serait pas sorcier. On a des traditions dans certaines familles…

Bref. Comme je le disais avant d’être interrompu par moi-même, Rusard m’avait donc surpris en train d’ensorceler sa porte et m’avait condamné à une corvée ménagère stupide et ennuyeuse qui m’avait coûté ma soirée. J’étais certes content d’avoir gagné mon pari avec James mais astiquer les nombreux bibelots de la salle des trophées à l’huile de coude n’était pas une occupation bien amusante.

Il était tard quand je regagnai la salle commune de Gryffondor. Je me fis tirer les oreilles (si je puis dire) par le portrait de la Grosse dame que je dus réveiller pour pouvoir entrer. Tout le monde était allé se coucher et j’avais une grosse heure de travail devant moi à cause d’un devoir de métamorphose à rendre pour le lendemain. McGonagall profitait visiblement des BUSE qui se profilaient à l’horizon pour nous charger de travail comme de vulgaires hippogriffes. Joie, bonheur et délectation. Je montai discrètement dans le dortoir récupérer mes affaires de classe en soupirant et en me félicitant cependant d’être bon élève : il me faudrait moins de temps pour faire ce devoir qu’à certains de mes camarades qui eux transpiraient à grosses gouttes dès qu’il s’agissait d’ouvrir un livre scolaire parce que son contenu leur semblait aussi obtus qu’un article du Mensuel de la Métamorphose. Je me serais pourtant bien passé d’avoir du travail à faire. Il était tard, j’avais des crampes dans les bras et mes yeux menaçaient de se fermer tout seuls.

Je m’installai devant ce qu’il restait de feu, sortis mon manuel de métamorphose, une plume et de l’encre. Comme par hasard, tandis que je fouinais dans mon sac pour en sortir un rouleau de parchemin vierge digne de ce nom, son contenu se renversa et toutes mes affaires se retrouvèrent par terre. Décidément, c’était ce qu’on appelait une soirée pourrie. Avec un soupir, je me mis à quatre pattes pour tout ramasser. En glissant une main sous un fauteuil pour récupérer une plume qui s’était glissée là, mes doigts rencontrèrent quelque chose. Pensant qu’il s’agissait d’un de mes cahiers, j’attrapai cet objet qui se trouvait être un livre de la bibliothèque.

Etrange. Comment était-il arrivé là ? Qui l’avait oublié ? Ce n’était pas dans mes habitudes, mais il s’agissait que je le rende à la personne qui l’avait emprunté. Les colères de la mère Pince, la vieille goule caractérielle officiant comme bibliothécaire, faisaient trembler Poudlard sur ses fondations si un élève lui faisait l’affront de perdre un de ses précieux ouvrages. J’ouvris donc le bouquin en quête de la petite fiche collée à l’intérieur de la couverture où étaient inscrits les noms des élèves qui empruntaient les livres, mais je n’étais pas au bout de mes surprises.

Si la couverture indiquait qu’il s’agissait d’un essai consacré aux Découvertes magiques de la Renaissance, avec le cachet de la bibliothèque bien visible, l’intérieur n’avait rien à voir. Il était vide, à l’exception d’une quinzaine de pages manuscrites à l’encre violette. Je fronçai les sourcils et revins au début du livre pour voir de quoi il s’agissait vraiment. La page de garde indiquait simplement : Journal intime d’Antje Rosalie Ziegler.

Cette découverte me surprit. Tout d’abord, je sifflai d’admiration. Camoufler un journal intime en livre de la bibliothèque était intelligent, bien pensé, et c’était de la belle magie. La preuve : à première vue, je m’étais fait avoir. De plus, qui pourrait avoir envie d’ouvrir un bouquin d’aspect aussi barbant pour voir ce qu’il y avait dedans ? Elle était futée, cette Antje. Bien plus que ce qu’on disait d’elle dans les couloirs. Dans le même temps, je me sentais vraiment curieux. Je me demandais ce qu’elle pouvait bien confier dans ce cahier. J’avais une envie irrépressible de tout lire même si quelque part, j’étais bien conscient que ça ne me regardait pas.

À dire vrai, je connaissais à peine Antje et je ne m’étais jamais intéressé à elle. Ni en bien, ni en mal. Elle me faisait simplement pitié. Ce n’était certes pas sa faute si elle était née de parents moldus, ce qui fait que je réprouvais les insultes des Serpentard à son égard, mais cette opinion était valable pour tous les élèves de l’école qui n’étaient pas de sang pur. Dans le même temps, son incapacité à se défendre quand on l’embêtait m’apparaissait comme une sorte de fatalité, parce que ses larmes n’étaient qu’une sorte de provocation pour les crétins qui s’amusent à malmener plus faibles qu’eux.

La curiosité finit par prendre le dessus. Je lus le journal intime de la première à la dernière ligne. Ce que j’y appris me mit mal à l’aise car jamais je n’aurais pensé que les plaisanteries stupides de mes camarades puissent avoir un tel impact sur elle.

29 août 1975

Ma mère m’a offert ce cahier pour que je note, pour répéter ce qu’elle m’a dit, toutes les choses dont je n’osais pas parler. Si elle n’avait pas eu cet air désolé en me le donnant, j’aurais presque trouvé ça drôle parce que je sais qu’elle et mon père me cachent autant de choses que je leur en cache moi-même. Il se passe quelque chose dont ils ne me disent rien et qui a l’air de les rendre très inquiets. Du coup, j’ai peur.

Je crains que ma vie à la maison devienne aussi affreuse qu’à l’école. La maison a toujours été mon refuge depuis ma première année à Poudlard. S’il se passe quelque chose de grave, je me demande ce que je vais devenir.

En plus, la rentrée est dans deux jours. Retour en enfer. Trop cool.

J’eus la gorge un peu serrée en lisant cette première note. À croire que la vie d’Antje était l’opposé de la mienne : c’était ma vie au square Grimmaurd qui était un enfer tandis que Poudlard était mon refuge.

1er septembre 1975

Comme je le pensais, une nouvelle année d’enfer a commencé. Déjà, mes parents faisaient une tête sinistre quand ils m’ont accompagnée à King’s Cross. Ma mère avait l’air au bord des larmes. Moi, je l’étais vraiment. Je ne voulais pas la laisser. Je ne voulais pas laisser la maison derrière moi, malgré le caractère de cochon de mon père et ses engueulades incessantes avec mon frère. En plus, comme tous les ans, j’ai failli tout leur dire avant de traverser la barrière pour aller sur le quai. J’ai failli leur dire que je n’aimais pas Poudlard et que Poudlard ne m’aimait pas. Mais comme tous les ans, je me suis dégonflée. Après tout, qu’est-ce que ça aurait changé ? Je ne peux pas aller dans une école normale. Les manifestations de magie involontaires auraient provoqué des catastrophes. Alors à quoi bon ?

 

J’ai attendu que le train parte et je suis allée pleurer dans les toilettes. J’y suis restée pendant tout le voyage pour retarder le moment où ça allait recommencer.

 

Cher journal, dans chaque classe, dans chaque maison, il y a au moins une personne pour se moquer de moi et pour me dire des horreurs. Les Gryffondor me disent que je n’ai pas ma place parmi eux, que leur maison n’est pas pour les chouineurs. Les Pouffsouffle me bousculent parfois dans les couloirs sans s’excuser. Les Serdaigle me regardent d’un air méprisant et moqueur. Quant aux Serpentard, ce sont les pires. Ils me disent que je suis une « Sang-de-bourbe » et que si je pouvais crever, le monde s’en porterait bien mieux. Ce n’est que le jour de la rentrée et j’en ai déjà marre. Je n’en peux plus de ces insultes, de cette pression. C’est injuste. Pourquoi sont-ils comme ça ? Qu’est-ce que je leur ai fait ? Ce n’est pas ma faute si je suis si nulle et si moche. Je n’ai pas demandé à être comme ça. Je n’ai même pas demandé à vivre.

Mon sentiment de pitié s’intensifia. Je n’avais pas remarqué qu’ils s’en étaient pris à elle dès le premier jour. Ce n’était pas étonnant qu’elle se sente aussi mal. Se moquer de quelqu’un à peine l’année entamée était un excellent moyen de déstabiliser et de faire souffrir quelqu’un. Du moins, c’était ce que je pensais. Je n’en étais pas sûr. On ne peut pas comprendre des choses qu’on n’a pas vécues.

5 septembre 1975

Je n’en peux plus. Ils m’ont dégotté un nouveau surnom : Antje la Pleurnicharde, parce que je pleure tout le temps. C’est pourtant votre faute, bande d’abrutis qui ne comprenez rien ! Vous ne savez rien. Vous ne savez pas ce que j’endure. Vous vous amusez bien, hein, à m’insulter ? Et vous vous foutez totalement de ce que je peux ressentir. Vous ne savez pas ce que c’est que de subir au quotidien des moqueries par paquet de dix. Si seulement vous étiez à ma place, peut-être comprendriez-vous ce que je vis. Peut-être que ce serait vous, les pleurnichards… Oui, je sais, je peux toujours rêver. Ça ne peut être que de moi qu’on se moque, parce que je suis moche, parce que je suis grosse, parce que je ne sais pas parler aux gens, parce que j’aime mieux les études que toutes ces choses futiles auxquelles vous vous intéressez, et parce que mes parents ne sont pas des sorciers. Donc, c’est à moi de subir tout ça et de pleurer et d’être traitée de « pleurnicharde ». Oui, je suis une pleurnicharde. Pourtant, je m’en serais bien passée. Je pleurnicherais moins si vous me laissiez un peu tranquille. Je pleure parce que je suis fatiguée et parce que je ne supporte plus tout ça. D’ailleurs, qui pourrait le supporter, qui ?

Je grimaçai. Cette pauvre fille se faisait visiblement tellement malmener qu’elle en était venue à croire tout ce qu’on lui disait, notamment sur son physique. Pourtant, il y avait tellement pire qu’elle… La suite du journal ne valait pas mieux.

6 septembre 1975

J’ai donné un coup de pied dans les tibias de Severus Rogue parce qu’il m’a encore traitée de « sang-de-bourbe ». Pour se venger, il m’a jeté un maléfice qui m’a fait écorché la figure. J’avais du sang partout et j’ai taché ma robe. Rogue m’a dit que si je recommençais, il me jetterait le sort pour me faire saigner jusqu’à ce que je meure. J’aurais dû lui dire de le faire.

N.B. J’ai ensorcelé ce cahier pour le cacher. Une variante du maléfice de Confusion que j’ai trouvée dans un livre. Quiconque d’autre que moi trouverait ce cahier ne verrait qu’un quelconque bouquin ennuyeux de la bibliothèque. C’est peut-être un peu sommaire mais largement suffisant pour décourager les filles de mon dortoir.

 

J’ai toujours détesté Rogue. Il est immonde, il se permet de prendre des grands airs alors qu’il est moche comme un pou avec ses cheveux gras, son gros pif et son haleine de Sombral, et en plus il fréquente des types infâmes comme Wilkes et Avery, des mecs dont tout le monde sait que leurs parents sont des Mangemorts. En plus, il est tout à fait du genre à s’en prendre à plus faible que lui. Pas étonnant par conséquent qu’Antje ait fait les frais de ses insultes et de ses sorts. Quand je pense que Lily Evans, qui est préfète des Gryffondor, fréquente ce cafard graisseux à ses heures perdues… Certaines choses m’échapperont toujours. Surtout en ce qui concerne les filles.

8 septembre. À moins qu’on ne soit le 9. Il fait nuit.

Je viens de me glisser en douce dans le laboratoire de potions. Le professeur Slughorn avait verrouillé l’armoire à poisons par un sortilège. J’aurais bien voulu le connaître pour ouvrir ce placard et me préparer un petit cocktail qui aurait mis fin à cette vie que je ne supporte plus. Si je connaissais le maléfice que Rogue m’a jeté l’autre jour, je m’ouvrirais les veines. Et si j’en avais le courage, je sauterais du haut de la tour d’astronomie. J’ai envie de mourir.

J’ai reçu une lettre de ma mère qui a renforcé l’inquiétude que j’ai ressentie à la fin des vacances. Jamais elle n’a brassé autant de vent. C’était comme si les mots étaient plaqués sur le papier, vides de sens. J’ai peur.

Accessoirement, Poudlard est de pire en pire. J’ai eu la meilleure note au premier devoir de sortilèges, et Ornella Kowalski m’a sifflée en me traitant de sale bêcheuse. Insultes qui ont été répétée multipliées par cinq au repas du soir, parce que Kowalski l’a répété à toutes ses copines de cinquième année.

Je ne peux décidément rien faire sans qu’on se moque de moi. A part mourir, peut-être.

En lisant ces mots, je commençai à en vouloir au monde entier, moi y compris. Finalement, ce n’était pas difficile d’imaginer qu’à force qu’on se moque d’elle, Antje ait envie de disparaître. Encore que, disparaître était un faible mot : elle envisageait carrément le suicide. J’éprouvai dans le même temps une bouffée de haine pour cette Ornella Kowalski et ses copines. Je connaissais les filles de cinquième année, elles étaient dans ma classe. Elles étaient toutes parfaitement stupides, inintéressantes, même si elles se mettaient en quatre pour attirer mon attention parce qu’elles ont toutes envie de sortir avec moi. Pourtant, elles ne me connaissent même pas réellement. Elles me courent après juste parce que j’ai une belle gueule et parce que je suis populaire. C’est vous dire le niveau…

Les pages suivantes du journal d’Antje n’étaient que des variations sur le suicide et le ras-le-bol. J’eus l’impression de ne rien apprendre de nouveau sur elle, à part que ses souffrances se faisaient plus présentes de note en note. Les dernières lignes, griffonnées quelques heures auparavant, disaient simplement :

Je vais me coucher, maintenant. J’espère mourir pendant mon sommeil. Je voudrais que mon corps mort soit découvert. Ils pourraient injurier et frapper mon cadavre, mon âme ne serait plus atteinte. Je serais partie ailleurs.

Le problème, c’est qu’ils seraient tous trop contents de me voir morte.

Je refermai le journal intime, songeur. Ces quelques pages avait changé mon opinion sur cette fille qui jusqu’alors ne faisait que partie du paysage. Sans vraiment savoir pourquoi, j’eus envie de faire quelque chose pour elle… mais quoi ?

Le feu était presque éteint. Je n’avais plus la tête à mon devoir de métamorphose, alors j’y renonçai. McGonagall allait me tirer les oreilles mais c’était le cadet de mes soucis. Peut-être trouverais-je un moyen de le bâcler rapidement pendant son cours en faisant semblant de suivre. À ce moment-là, ça ne m’inquiétait pas outre mesure. Je ramassai mes affaires, glissai le journal intime sous le fauteuil, là où je l’avais trouvé, puis je remontai dans le dortoir.

Lorsque j’y étais monté quelques instants auparavant pour chercher de quoi faire mes devoirs, tout le monde dormait. Aussi je fus surpris, alors que j’allais me glisser entre les draps frais, d’entendre quelqu’un m’appeler :

— Sirius, tu n’as pas honte de te coucher à une heure pareille ?

C’était Remus. Il avait dû faire un cauchemar, à moins qu’une de ses blessures dûe à la précédente pleine lune ne l’ait réveillé parce que ça lui faisait mal. Quelque part, pouvoir échanger quelques mots avec lui m’arrangea. J’éprouvai le besoin soudain de faire partager ma découverte.

— Laisse tomber, répondis-je. Je te rappelle que j’ai eu une retenue et qu’après, j’avais mes devoirs à faire.

Je passai sous silence le devoir de métamorphose que je n’avais pas fait. Remus le saurait bien assez tôt et je n’avais pas envie de recevoir une leçon de morale.

— Tu sais, je ne suis peut-être pas bien placé pour te le dire mais si tu ne faisais pas autant l’imbécile, tu n’aurais pas toutes ces retenues qui t’empêchent de bosser… En plus, ta petite compétition avec James sur qui aurait la première retenue de l’année, franchement, c’était pas bien malin…

— C’est ça, dis-le-lui, à James, on verra bien ce qu’il va te répondre.

— Il va me dire que je suis trop sérieux, comme d’habitude, et qu’il faudrait que je décoince un peu…

— En plus, je ne voudrais pas dire, mais faire des blagues à Rusard, c’est bien plus rigolo que de se bousiller les yeux derrière des bouquins barbants…

— Hum…

Il faisait trop noir pour le voir mais j’imaginais parfaitement le sourire de Remus. Il avait beau être préfet et ne pas toujours être d’accord avec nos idées farfelues, il participait presque à chaque fois à nos mauvais coups.

Je laissai passer un silence. Il fallait que j’arrive à parler du journal intime et de ce que j’avais lu dedans mais je ne savais pas comment m’y prendre. Je finis par y aller carrément car garder le silence était le pire service qu’on puisse rendre à Antje.

— Remus ?

— Quoi ?

— Qu’est-ce que tu penses d’Antje Ziegler ?

— La fille de quatrième année qui pleure dès qu’on lui dit quelque chose ? Rien de particulier. Elle n’a pas l’air très heureuse, mais d’un autre côté, elle ne fait pas beaucoup d’efforts pour s’adapter. Pourquoi ?

— J’ai lu son journal intime.

J’entendis Remus se redresser brusquement dans son lit.

— Tu as quoi ?

— Elle l’avait oublié sous un fauteuil. Je l’ai trouvé par hasard, en ramassant des trucs qui étaient tombés de mon sac.

— Et comme de juste, tu étais obligé de regarder dedans. Sirius Black, un de ces quatre, ta curiosité te coûtera très cher, c’est moi qui te le dis.

— Peut-être, mais ce qu’elle a écrit dedans flanque les jetons.

— Comment ça ?

— D’après elle, on a commencé à lui dire des saletés dès la rentrée, et elle en a franchement marre. Dans les dernières pages, elle n’arrête pas de parler de mort, de suicide… elle a même été voir en douce dans les cachots pour voir si elle pouvait forcer l’armoire à poisons du père Slughorn.

— C’est une blague ?

— Tu crois que c’est mon genre de faire des blagues sur un truc pareil ? Faudrait faire quelque chose pour elle, je sais pas, en parler à quelqu’un…

— Le problème, c’est que cette fille est tellement habituée à ce qu’on se moque d’elle et à se prendre des injures qu’elle ne laisse personne l’approcher. Faudrait en parler à Lily Evans, c’est elle, la préfète des filles. Ou à McGonagall, éventuellement. De toute façon, vu l’heure qu’il est, on ne peut rien faire, à part dormir. Bonne nuit, Patmol.

— Ouais, bonne nuit.

Je ne pus m’empêcher de sourire en entendant mon surnom. Un symbole du plus grand secret de notre bande. Je me roulai en boule sous les couvertures et essayai de dormir. Le sommeil mit cependant du temps à venir. Je ne pouvais m’empêcher de penser à ce que j’avais lu dans le journal d’Antje.