Le deuxième roman d’Anthony Doerr a
reçu aux Etats-Unis le Prix Pulitzer 2015 pour la fiction. Toute la lumière que nous ne pouvons voir,
la traduction du même livre, est parue très rapidement en français (et maintenant au format de poche). La chronologie ne devait pas
grand-chose au hasard mais tout à la fidélité d’un directeur littéraire –
nommons-le : Francis Geffard – qui croit assez, depuis plus de dix ans, au
talent de l’écrivain pour avoir édité son premier roman et ses deux recueils de
nouvelles.
Saint-Malo est le point vers lequel convergent la plupart
des éléments du roman, au moment où, en août 1944, cet îlot de résistance
allemande est détruit par des bombardiers. Les trois personnages principaux
sont réunis dans la cité corsaire bientôt réduite à l’état de ruines.
Marie-Laure Leblanc est une adolescente aveugle de seize ans,
arrivée là après l’exode de 1940 en compagnie de son père, gardien des clés au
Muséum d’histoire naturelle de Paris et à qui a été confié un des quatre
exemplaires, dont trois sont des copies, d’une pierre précieuse de grande
valeur, l’Océan de Flammes. Au début de la guerre, le père de Marie-Laure a cru
pouvoir rentrer à Paris mais a été arrêté en chemin, on ne le reverra pas. La
jeune fille lit, en braille, Vingt mille
lieues sous les mers. Et, sans le savoir, elle possède un exemplaire de
l’Océan de Flammes caché dans une maquette de Saint-Malo, au sein de la
reproduction de la maison où elle vit avec son grand-oncle Etienne. Celui-ci
est considéré par beaucoup comme à moitié fou mais il est encore très doué en
radiophonie, et capable de communiquer des renseignements aux alliés.
Sur le même terrain des ondes, mais dans l’autre camp,
Werner Pfennig est une sorte de génie dont l’armée allemande a remarqué le
talent. Pendant la guerre, il est chargé de repérer des émetteurs clandestins
que ses compagnons d’équipe font taire. En 1944, ils sont envoyés à Saint-Malo
d’où ont été signalés des envois d’informations sensibles. Mais Werner n’est
pas un fanatique…
En revanche, Reinhold von Rumpel, qui suit depuis longtemps
les traces de l’Océan de Flammes et a retrouvé déjà les trois fausses pierres, possède,
outre ses convictions, une autre raison de retrouver l’objet : celui-ci
serait, selon la rumeur, doté de pouvoirs magiques qui permettraient peut-être
à von Rumpel de survivre au cancer qui le ronge et lui laisse peu de temps.
L’aveugle, dans la maison qui est à peu près la seule à
tenir encore debout au milieu d’une ville transformée en tas de gravats,
perçoit les nœuds d’une tension de plus en plus grande, de plus en plus proche.
Anthony Doerr est un écrivain attaché aux qualités humaines.
Les protagonistes de son roman possèdent chacun un passé singulier, qui donne
sens et direction à leur existence. La Seconde Guerre mondiale, perçue ici à
travers le prisme de quelques regards, est un gigantesque maelström qui emporte
tout sur son passage. Même une ville, dans laquelle on reviendra, beaucoup plus
tard, après sa reconstruction, alors que toutes les énigmes n’ont pas encore
été résolues.
Toute la lumière que
nous ne pouvons voir est le monde de
Marie-Laure, mais aussi celui des autres personnages : aucun d’entre eux
ne peut avoir une vision globale de ce qui se passe autour de lui.