Nous fêtions la publication de deux traductions que Corinne vient de signer : la traduction, en Classiques Garnier, du Théâtre complet, d'Anne Charlotte Leffler, une autrice suédoise contemporaine de Strindberg, qui s'est exercée à des genres théâtraux divers. Et surtout la traduction d'une pièce d'une autre suédoise, Alfhild Agrell, écrite en 1882 et dont le titre français est Sauvé.
La pièce avait fait l'objet d'une lecture partielle au Midi-Minuit du Matrimoine en septembre dernier. Et ce soir nous avons eu le privilège de l'entendre dans son intégralité, à la Bibliothèque Nordique, 6 Rue Valette, à Paris, sous la direction de Benoit Lepecq.
Elle a été interprétée par Marion Malenfant (Viola), Fabienne Périneau (la femme du recteur), Benoit Lepecq (Milde), Joffrey Roggeman (Nils), Pierre Duprat (Oscar) et Corinne François-Denève qui assura tous les "petits" rôles, ô combien indispensables, les trois bonnes, un médecin, un garçon de courses.Alfhild Agrell est née en 1849 en Suède. Issue d’une famille de la classe moyenne, elle épouse à 19 ans un commerçant plus âgé qu’elle. Elle s’installe bientôt à Stockholm, où elle commence à briller dans les salons mondains, et à écrire. Ses pièces sont bientôt représentées au théâtre Royal de Stockholm. Dans les années 1880, elle est une dramaturge à succès, plus jouée même qu’August Strindberg. Ses pièces abordent pourtant des thèmes osés, tels que les naissances hors mariage ou la question de la virginité dans le couple.
Sauvé est jouée pour la première fois en 1882. La pièce est considérée comme la "réplique" féminine et féministe à Une maison de poupée d’Henrik Ibsen. Figure engagée du Stockholm littéraire, Agrell voit cependant son étoile pâlir dès le début des années 1890. Elle se met à écrire des chroniques humoristiques et des nouvelles sous divers pseudonymes avant de mourir en 1923, seule et oubliée.On se demande à la fin de la lecture comment une telle autrice a pu disparaitre de la scène. J'ai franchement hâte de voir Sauvé sur de "vraies" planches et avec la même distribution tant l'interprétation de ce soir est pleine de promesses. Les directeurs de théâtre devraient d'ailleurs proposer régulièrement ce genre de performance au public parce que c'est un excellent exercice d'écoute. A ma connaissance il n'y a que les rencontres comme La Mousson pilotée par Michel Didym qui osent s'y risquer.
Stockholm, fin du XIXe siècle. Dans un foyer de la moyenne bourgeoisie, Viola, la vingtaine, est depuis cinq ans l’épouse soumise d’Oscar, un employé de banque jouisseur et joueur. Sous leur toit règne en maître la mère d’Oscar, la "femme du recteur", qui a investi la maison depuis la mort de son mari.La pièce s'organise en deux actes sur deux journées. Imaginons un salon bourgeois, avec un poêle de faïence, un divan, plusieurs portes donnant sur des couloirs.
Résignée, Viola ne vit que pour son fils, Alf, un petit garçon à la santé fragile. La "maison de poupée" de Viola est ébranlée quand on apprend qu’Oscar doit rembourser une dette de jeu, et qu’il n’a pas d’argent. Et si Viola en avait, elle ? Pourrait-elle reprendre le pouvoir et s’émanciper de la domination masculine ?
Le mari, Oscar, rudoie sa femme, Viola, affirmant haut et fort qu'il ne supporte pas les intellectuelles. Son jugement est abrupt sur tout. Faust ou Othello sont qualifiés de daube.
L'oncle, à l'inverse, ne voit pas pour une femme, plus grande épreuve que celle du mariage. On comprendra bientôt que son opinion se fonde sur la malheureuse expérience de la mère de Viola, et s'inquiète de la santé psychique de la jeune femme qui semble ne se plaindre de rien mais qui comprend très vite les allusions de son oncle.
L'auteure a des phrases fortes qui se révèlent être des mises en garde parce que c'est dans la bouche de Milde qu'elle les place : Tout ce qui peut se dire doit se dire / Jouer franc jeu j'y joue avec passion.
Les dialogues sont à entendre souvent à plusieurs niveaux de lecture. La Mère d'Oscar semble se moquer en prétendant que les hommes aiment à être trompés. Bientôt le fils découvrira quelle est la vraie nature de sa mère et c'est le jeu qui sera le fléau qui le fera tomber.
La défense de la condition féminine est affirmée à travers des propos machistes qui ne peuvent que retourner l'opinion. On rage d'entendre l'amère affirmation de Viola convenant que l'épouse est une gouvernante engagée à vie et que briser le coeur de sa femme n'est pas un crime.
Le débat est posé : un homme condamné par la justice n'aura aucun droit sur son fils. Dans un tel contexte la dette de jeu mène le mari à la prison et ouvre la voie de la liberté à sa femme.
Lorsqu'Alfhild Agrell écrit que l'arme la plus noire est l'encre et la plume elle a une vision très juste des rapports de force qui peuvent s'affronter aussi bien au sein du couple que dans la vie politique et sociale. Du coup on pourra lui reprocher une fin mélodramatique qui quelque part minimise la révolte féministe que Viola a réussi à élaborer (je ne peux pas vous raconter laquelle sous peine de spolier le principal). Il faut néanmoins resituer la pièce dans son époque. La mortalité infantile était alors fréquente et le choix de l'auteure n'a finalement rien d'étonnant.
L'interprétation est très vivante, faisant complètement oublier qu'il ne s'agit "que" d'une lecture. Le ton est là. Les intentions sont posées. Les visages sont expressifs. La subtilité des rapports de force est installée. Seule l'ambiguïté de Milde qui brusquement cesse de protéger sa nièce devra être éclaircie. Sa position est plus compliquée qu'il n'y parait et la mise en scène permettra d'éclairer complètement la psychologie du personnage qui, sorte de Falstaff grotesque est à la fois artisan du bonheur et du malheur de Viola.
On peut imaginer qu'il se meurt d'une cirrhose, due à une vie déréglée à laquelle l'a conduit son horreur de l'eau, lui faisant tenir des propos pour le moins étranges comme se soumettre ou se démettre, tel est la devise de l'eau minérale, que l'on peut comprendre comme une alternative truquée, soit arrêter de boire de l'alcool, soit se résoudre à mourir.
Voici maintenant comme promis une recette de brioche au safran, qui provient de Marmiton.Temps de préparation : 40 minutes
Temps de cuisson : 6 minutes
Ingrédients (pour une quarantaine de brioches) :
- 3 dl de lait
- 50 g de levure de boulanger
- 800 g de farine
- 200 g de beurre
- 250 g de sucre en poudre
- 1 pincée de sel
- 2 g de safran en poudre
- 2 oeufs
- des raisins secs (ou des amandes effilées) pour la décoration
Déroulement de la recette :
Faire fondre le beurre dans une casserole. Lorsqu'il est fondu, retirer du feu et ajouter le lait. Laisser refroidir. Pendant ce temps, délayer la levure et le safran dans un fond de lait. Incorporer cette préparation au mélange tiède lait-beurre puis ajouter le sucre, le sel, la levure, la moitié de la farine puis les oeufs et enfin, le reste de farine. Travailler la pâte sur un plan de travail pour lui donner de la consistance (jusqu'à ce qu'elle ne soit plus collante). Former une boule, la mettre dans un saladier et la couvrir d'un torchon. Attendre environ 30 mn jusqu'à ce qu'elle ait doublé de volume. Former des bandes de pâte et les rouler suivant la forme que l'on veut donner à la brioche (traditionnellemnt en forme de 8 ou du moins de S). Répartir les brioches sur une plaque beurrée. Dorer à l'oeuf battu et placer deux raisins secs, un à chaque extrémité du "8", pour la décoration ou saupoudrer d'amandes effilées.Faire cuire chaque série de brioches au four à 225°C pendant 6 à 8 mn. Ces brioches sont très bonnes froides, mais sont encore meilleures servies un peu tièdes.
On peut les trouver dans l'épicerie suédoise Affären au 3, rue Léon Jost, 75017 Paris ainsi que 400 autres références suédoises, dont des produits frais. A deux pas de l'église suédoise de Paris, Agneta propose un sirop de baie de sureau, une soupe aux fruits d´églantier, un éventail de produits laitiers, des boulettes de viande, différentes sortes de pain croustillant et du pain polaire, tous les épices pour faire un vin chaud, et divers objets typiquement scandinaves.
Sauvé d'Alfhild Agrell, dans la traduction de Corinne François-Denève, publié à l’Avant-scène théâtre, collection Quatre-Vents Classiques, en 2016L'illustration de l'affiche reprend la couverture du livre avec Interiör de Vilhelm Hammershøi (1898)Contact : Compagnie Benoit Lepecq 06 17 21 35 16 [email protected] également prévue pour le printemps 2017 une série de lectures autour de la sortie du Théâtre Complet d’Anne Charlotte Leffler (éditions Classiques Garnier, 2016).