Dany Laferrière a écrit "Le cri des oiseaux fous" en 2000 mais ce bouquin édité en France par l'excellente maison d'édition aujourd'hui disparue "Le serpent à plumes" était épuisé. Une très bonne occasion pour les éditions Zulma de remédier à ce problème en proposant en 2016 une nouvelle édition de ce roman.
Alors âgé de 23 ans, un de ses meilleurs amis vient d'être assassiné par les Tontons Macoutes, la milice du régime de Duvalier, dit Baby Doc, qui a succédé à son père Papa Doc à la tête d'Haïti. Père et fils ont ainsi tenu les rênes du pouvoir Haïtien de 1957 à 1986 et ont obligé le père de Dany Laferrière en son temps puis l'auteur lui-même à s'exiler pour sauver leurs vies.
Ce livre, compte rendu romancé mais qu'on devine très proche de la réalité des choses, est l'occasion pour Laferrière de se souvenir des sentiments qui l'habitaient au moment où dans le secret le plus total, il devait se résoudre à quitter les siens pour s'exiler au Québec.Vingt-quatre heures d'adieux qu'il ne peut pas formuler tels quels pour ne pas risquer de se compromettre, lorsqu'en faisant le tour de ses amis et de ses connaissances, lui seul sait qu'il ne les reverra probablement jamais. C'est l'occasion pour l'auteur d'invoquer les regrets, la culpabilité ressentie, mais aussi cette sensation que certaines choses nous échappent quoi que nous puissions y faire.Ce livre est joyeux et mélancolique à la fois, tourné sur un passé qui s'évanouit déjà et un avenir incertain auquel on ne peut pas résister. On y retrouve les obsessions de Laferrière pour le goût des jeunes filles, l'amour maternel, les liens père fils, l'exil et l'injustice de la tyrannie étatique. Un grand bouquin de Laferrière qui n'est certes pas exempt de quelques longueurs mais ceux qui ont déjà lu l'auteur savent que son enthousiasme en fait aussi le charme.