La politique française nous offre régulièrement des moments rocambolesques mais avec le quinquennat de François Hollande, on a réussi l’exploit de dépasser le niveau déjà stratosphérique atteint par Sarkozy. Et le renoncement, que dis-je, l’évaporation du président Hollande six mois avant l’élection permet de grimper encore plusieurs degrés dans le WTF puissamment concentré.
Profonde parce que tout montre que le parti est rigoureusement incapable de se dépêtrer du marasme qui semble l’avoir figé, définitivement, dans un mélange de doctrine terriblement début de siècle (le 20ème, pas le 21ème) et de la consternation qui avait suivi l’élimination de Jospin en 2002.
Durable parce qu’absolument aucun éléphant, aucune tête de pont, aucune figure d’ampleur nationale ne semble à même de rassembler ce qui reste du Parti Socialiste pour présenter un candidat, ou, au moins, une excuse vaguement crédible à la prochaine élection présidentielle.
Oh, je ne dis pas qu’il n’y a aucun candidat, puisque c’est même tout le contraire : en réalité, il y a une véritable bousculade de seconds couteaux tous plus minables les uns que les autres, à se précipiter pour essayer de grappiller qui un temps d’antenne, qui une proposition choc, qui une petite place au soleil médiatique ou politique futur. Au delà de la sidération hollandesque, on peut carrément parler de bouffonnerie politique lorsqu’on apprend que le premier ministre Valls pourrait se retrouver à candidater à la prochaine primaire socialiste contre des ministres de son propre gouvernement. Et je n’évoque pas les ministres de précédents gouvernements comme Hamon ou Montebourg qui ajoutent à ce que les plus pudiques appelleront « confusion » et que les réalistes nommeront « foutoir total ».
La presse, de son côté, est en proie à la même déconfiture : normalement acquise aux causes de gauche et tendrement favorable aux idées du Parti Socialiste, elle se retrouve dans la situation très inconfortable de décrire par le détail ce qui n’est plus qu’un néant idéologique. Avec le départ inopiné de Sarkozy, elle s’est retrouvée dépourvue d’un candidat de droite à haïr. L’explosion en vol de Juppé l’a laissée orpheline de tout plan B devant le massacre annoncé d’une candidature Hollande. Le renoncement pathétique de Hollande l’a jetée dans les affres de l’absence totale de tout support, de toute béquille pour soutenir ses analyses branlantes. N’ayant plus qu’un Fillon à décrier et une Marine à diaboliser péniblement, elle n’a plus aucune idée de ce qu’il faudrait pour redresser un peu son moral et les perspectives d’un Parti Socialiste dont elle n’arrive même plus à cacher la décomposition.
Dès lors, on n’est pas trop étonné de voir celui qui fut, pourtant, largement débiné dans ses meilleures feuilles revenir par la petite porte : les médias et les socialistes sont à ce point aux abois qu’ils n’hésitent pas à imaginer le retour de Dominique Strauss-Kahn, parce qu’après tout, les petites aventures féminines de ce dernier sont maintenant oubliées, n’est-ce pas ?
Il n’y a qu’à lire, émerveillé, l’ébouriffante dernière saillie de Jean-Christophe Cambadélis, le quota COTOREP du Parti Socialiste, proposer sans ironie aux candidats Macron et Mélenchon de venir s’inscrire à la primaire socialiste, en mémoire du bon vieux temps je présume, pour comprendre l’ampleur du cataclysme qui secoue ce qui fut, un jour, le premier parti collectiviste de France : il faut en effet une perte complète et définitive de tout repère tangible pour demander à Macron, qui a tout fait pour se séparer des vieilles lunes socialistes, de venir rejoindre un parti en pleine explosion. Et même si Macron aurait en réalité intérêt à souscrire à la proposition pitoyable de Cambadélis, cela n’empêche pas de voir ce qu’elle est effectivement : un véritable appel au secours d’un parti sur le point d’éclater et dans lequel Macron pourrait, tel un coucou, faire son nid et dicter ses conditions.
Quant à Mélenchon, le tribun sans viande et sans reproche aura tout intérêt à s’en tenir aussi éloigné que possible tant l’odeur méphitique que le parti dégage maintenant signifierait pour lui une défaite cuisante aux prochaines élections.
En définitive, entre la pléthore d’ex-ministres déjà largement rôtis par un quinquennat éreintant et les boulets périphériques à la Cambadélis ou Bartolone, la prochaine primaire du parti qu’on appelait jadis socialiste promet d’être un débat d’autant plus animé qu’il n’y aura aucune colonne vertébrale intellectuelle derrière.
C’est d’ailleurs ce qu’on peut deviner sans mal en lisant les ébauches de programme du parti : au milieu du fatras de câlins habituels sans queue ni tête où le vague s’y dispute au flou, on trouve la volonté de rétablir la conscription ou le désir humide d’« une République pour tous dans une France sûre », thèmes d’habitude chers à une droite pas franchement du milieu, une politique de grands travaux que ne reniera pas le Front National (lui-même désormais durable, équitable et citoyen, pour faire bonne mesure) ou la volonté de renforcer encore l’action européenne, à l’antipode de ce dernier. C’est génial, cette gauche là, on n’y comprend plus rien !
En réalité, c’est la confusion la plus totale qui règne en maître au parti socialiste.
Il faut certes admettre qu’il ne pouvait en aller autrement avec les clowns qui en ont pris la tête sans jamais pouvoir le diriger, et avec les idéologues qui le fourbissent en armes de déstructuration massive (et on pourra parcourir, mi-amusé, mi-consterné, les Cahiers de la Présidentielle de nos élèves de CE1 pour s’en convaincre).
Mais au-delà de l’appareil qui, comme le poisson, a largement pourri par la tête, force est de constater que l’opposition entre la droite et la gauche est rapidement en train de changer. Si, dans les dernières années, on avait nettement pu noter que les partis traditionnellement à droite se retrouvaient régulièrement à débiter les âneries étatistes pourtant entonnées avec ferveur par les groupies de gauche, il était encore rare de voir certaines illusions chéries par la droite reprises avec quasi-gourmandise par une gauche déboussolée.
En fait, tout semble s’accélérer depuis que deux candidats, Macron et Fillon, n’ont pas hésité à mettre la liberté en avant de leurs idées plutôt que l’égalité qui a tenu la place prépondérante des débats depuis ces dernières décennies. Ni Fillon, ni Macron ne peuvent, même de loin, se prétendre libéraux ou même simples champions de la liberté au pays du colbertisme, de la centralisation et de l’égalitarisme forcené. Mais l’un comme l’autre ont obligé le débat du pays à se positionner sur une ligne qu’il n’avait plus rencontrée depuis des lustres.
Le Parti Socialiste, totalement pris au dépourvu, apparaît alors pour ce qu’il est : un machin d’un autre âge, coincé dans un paradigme du siècle précédent et sur une opposition droite/gauche qui ne veut plus rien dire. La tâche qui s’impose alors pour les candidats de la prochaine primaire semble rude puisqu’il s’agira ou bien de tenir compte de ce changement profond et, dans ce cadre, de proposer un programme qui s’inscrive dans cette opposition liberté/égalité, ou bien de n’en rien faire et disparaître définitivement de la scène politique française, dans de petits couinements rigolos.
Pour le moment, les petits couinements rigolos semblent l’option la plus probable.
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