Les gens ne sont pas comme nous aimerions qu'ils soient. Ils sont, fondamentalement, des étrangers. C'est de cette constatation que part le véritable amour. Voici ce que je crois comprendre de ce livre. (Ce qui peut être à la fois interprété comme de la grandeur d'âme ou comme une profession de foi d'un misanthrope réactionnaire à qui la réalité échappe.)
C'est aussi une plongée anthropologique dans une société peu connue. Celle des porcelainiers de Limoge (la famille Haviland) et des producteurs de Cognac, avant la première guerre mondiale. Ce sont les frères de notre "élite mondialisée". Ils sont extrêmement riches, protestants, vivent entre eux, parlent les langues des pays étrangers, où ils ont été éduqués, voyagent beaucoup. Comme les nobles de jadis, ils partagent l'idée qu'ils ont un talent, artistique, que nous ne possédons pas. C'est lui qui leur a permis de créer leur entreprise et de donner du travail aux indigènes. Car, s'ils ont construit leurs châteaux dans le Limousin et les Charentes, c'est, comme les colons venus en terres hostiles, pour en exploiter les ressources naturelles. En échange de quoi ils donnent la civilisation à leur population d'arriérés ingrats.
(Jacques Chardonne était un des auteurs favoris de François Mitterrand, charentais. Notre président faisait-il partie de la société de ce livre ?)