La pervitine, un stimulant légal
En 1939, la pervitine est en libre-service en Allemagne. Tout le monde peut l’acheter et sous différentes formes sous le nom de Pervitin. En cachet, en poudre, mais aussi dans du chocolat. En Allemagne, il existe déjà du chocolat au café, dans une petite boite ronde, c’est mignon et pratique. On raconte que les soldats de l’armée de l’air en consommaient beaucoup. Et puis, on décide d’y mettre ensuite de la pervitine. C’est le laboratoire Temmler qui produit la drogue. L’idée c’est de concurrencer le Coca-cola qui est très présent en Allemagne. Les nazis et les Etats-Unis ne sont pas super copains pendant la Seconde Guerre mondiale, alors on cherche une alternative bien allemande. Ce n’est pas (encore) considéré comme une drogue mais plutôt comme un énergisant, du coup tout le monde en prend. La mère de famille fatiguée par ses gamins, l’ouvrier, le poète. Comme le guronsan, le redbull, l’ovomaltine ou le café, la pervitine trouve des clients.
Les effets de la pervitine sont connus : coupe-faim et sensations d’euphorie et d’invulnérabilité. C’est ce qu’on aime bien pendant la guerre. Le problème, c’est qu’on devient rapidement addict à la pervitime…
Une armée forte grâce à la pervitine
« L’idée était de transformer de simples soldats, marins et aviateurs, en pantins capables de performances surhumaines. » Otto Rank, médecin militaire
En 1940, l’Allemagne décide de mettre les bouchées doubles. Elle veut conquérir l’Europe, et on peut quand même dire qu’elle s’en sort pas mal. Elle prend la Hollande, la Belgique, le Luxembourg et la France. Les soldats allemands sont semblables à des robots, ou transcendés. Ils marchent sans interruption jusqu’à 60 km par jour ou par nuit et peuvent passer plus de 72h sans dormir. Et pour cause, l’Allemagne a commandé plusieurs dizaines de millions de comprimés de pervitine avant de mener les grandes offensives (notamment contre la France). Les cachtons ont permis aux troupes allemandes de ne prendre aucun repos durant toute la durée de la campagne des Balkans au printemps 1941, soit 11 jours. Tout de même. Ce n’est un secret pour personne, la presse en parle ouvertement. Mais n’oublions pas que l’armée est nombreuse, puissante et bien équipée également. J’veux dire, tu ne peux pas faire une guerre avec deux bolosses et trois junkys… Mais la pervitine donne du courage, de la confiance et de l’énergie aux soldats, et aussi aux dirigeants qui travaillent sans relâche.
La drogue des nazis
A partir de 1941, le chef de la santé du Reich, Leonardo Conti estime que la Pervitine, c’est peut être un peu fort pour la ménagère, les adolescents et les vieux hommes. Alors la drogue n’est plus en vente libre, elle est délivrée seulement sous prescription pour les hommes. Sauf que les hommes sont tous (ou presque) à la guerre. Oui, on trouve légitime de continuer à distribuer la pervitine à des fins militaires. Faut dire que ça marche plutôt pas mal… On peut aussi se demander si cette nouvelle législation n’est pas tout simplement pour réserver la production de pervitine aux soldats. Plus ils en ont, plus la guerre avance. Tous les niveaux de l’armée ont droit à une distribution de Pervitin, et ils sont plus de 3 millions de soldats. Ça en fait des pilules.
En 1944, la drogue des soldats prend encore une autre ampleur. Il faut quelque chose de plus puissant, parce que la pervitine n’est pas suffisante. Qu’à cela ne tienne, on crée la D-IX. Il s’agit (accrochez-vous) de 5mg de cocaïne, 3mg de pervitine et 5mg d’Eukodal (antidouleur à base de morphine). Pour tester l’efficacité de ce cocktail de cheval, rien de tel que de faire des essais dans un camp de concentration. Ce sont les prisonniers de Sachsenhausen qui en sont victimes. Ils doivent porter des sacs de 20k sur 90km sans s’arrêter et à allure plutôt vive.
Les effets pervers de la pervitine
La pervitine n’est pas sans danger. Les effets secondaires sont bien relous : vertiges, sueurs… Mais peuvent aussi être graves : dépression, hallucinations. Des témoignages racontent que des soldats sont morts d’insuffisance cardiaque et d’autres se sont suicidés durant des phases psychotiques. Et évidemment, c’est addictif. Très addictif. Certains médecins de sont opposés à la prise systématique de pervitine par l’armée, mais les dirigeants ont refusé. C’est trop efficace et surtout, lorsqu’on prive les hommes de pervitine, ils font des crises de manque et ne sont capables de rien… En 1943, Heinrich Boell est sur le front est, avant de devenir un célèbre prix Nobel de littérature, il écrit des lettres à ses parents en les suppliant de lui envoyer de la pervitine…
Le 9 novembre 1939 « C’est dur ici, et j’espère que vous comprendrez si je ne peux vous écrire qu’une fois tous les deux ou quatre jours dans les temps à venir. Aujourd’hui, je vous écris surtout pour vous demander du Pervitin (…). Je vous embrasse, Hein. » Dans d’autres courriers, il explique que la pervitine le rend heureux pendant quelques heures, le tient éveillé et que c’est plus efficace que des litres de café. Mais il en faut toujours plus, car lorsque les effets de la drogue nazie disparaissent, les soldats s’effondrent. Ils doivent dormir jusqu’à trois fois plus que la normale. En état de manque et face à la réalité de la guerre et de leur existence, les soldats tombent souvent dans la dépression et souffrent de graves psychoses…
Les nazis étaient-ils les seuls à prendre de la pervitine ?
Merci aux 102 tipeurs de soutenir le blog, et merci à JL Mounier pour son aide. Pour en savoir plus : Ce livre et ce site ! Et si tu veux offrir des cadeaux de Noël qui ne parlent pas de nazi, n’hésite pas à commander les trois tomes de Raconte-moi l’Histoire et à les glisser au pied du sapin !