Contester un permis de construire n’est pas chose simple ni dénuée de tous risques. Voici les 5 précautions à prendre avant d’intenter un recours.
1. Être vigilant sur l’affichage du permis de construire
L’affichage sur un panneau placé devant la voie publique est généralement le seul moyen pour les riverains de savoir qu’un permis de construire, une déclaration de travaux ou un permis de démolir viennent d’être accordés.
Les mentions qui y figurent sont les suivantes :
- le numéro sous lequel le permis est enregistré en mairie,
- sa date de délivrance,
- l’identité du ou des bénéficiaires,
- la nature de l’opération,
- la superficie totale du terrain,
- l’adresse de la mairie où le dossier peut être consulté,
- la mention des voies et délais de recours.
En fonction de la nature du projet, doivent également être mentionnées la surface de plancher autorisée, la hauteur des constructions ou encore la surface des bâtiments à démolir.
A noter que dans les grandes villes, il importe que l’adresse exacte du bâtiment de la mairie dans lequel se trouve le dossier soit précisée.
Pour être valable, le panneau d’affichage doit être visible depuis la voie publique et ses mentions suffisamment lisibles. Le panneau lui-même, de forme rectangulaire, doit mesurer plus de 80 cm en ses côtés.
S’il respecte ses conditions, cet affichage aura pour effet de faire partir le délai de recours, à compter de la pose du panneau (voir point 5 ci-après). En revanche, un affichage incomplet n’a aucune incidence sur la légalité du permis de construire.
Il incombe au bénéficiaire du permis de démontrer son bon affichage au moyen de constats d’huissier.
2. Récupérer l’intégralité du dossier de permis de construire
Le panneau d’affichage ne comporte que des informations succinctes sur le permis de construire qui a été délivré. Il est donc nécessaire de se procurer l’arrêté et le dossier de permis de construire en mairie.
Certaines mairies disposent d’un service de reprographie permettant d’obtenir une copie intégrale du dossier sous un certain délai moyennant le coût de la reproduction. D’autres proposent simplement de pouvoir consulter le dossier. Dans tous les cas, il doit être possible de prendre des photographies des éléments du dossier.
Le bordereau de pièces en tête du dossier permet de savoir les pièces initiales et complémentaires qui en font partie, auxquelles s’ajoutent les avis cités dans les visas de l’arrêté.
Il est indispensable de connaître la ou les zones du plan local d’urbanisme dans la ou lesquelles se situe le projet.
Pour cela il faut d’abord identifier visuellement la parcelle au cadastre en rentrant l’adresse du terrain (accessible sur le site internet cadastre.gouv.fr) puis repérer au moyen du plan de zonage, la zone en question. Ce plan de zonage est souvent disponible en ligne ou alors consultable en mairie.
Tout individu peut consulter un dossier de permis de construire, sans avoir à justifier de son identité ou de ses motivations qui le regardent (CADA Conseil n°20062797 du 29 juin 2006).
En cas d’obstruction persistante du service de l’urbanisme à laisser consulter le dossier, il est opportun de la faire constater par un huissier de Justice, afin que le juge administratif une fois saisi en tire toutes les conséquences. Il est également possible de saisir la Commission d’accès aux documents administratifs.
3. Procéder à un audit de légalité du permis de construire
Il est indispensable de procéder en amont à un audit de légalité de l’autorisation avant de la contester, compte tenu des risques pesant sur le requérant en cas de recours illégitime causant un préjudice excessif au bénéficiaire pouvant entraîner une condamnation à l’indemniser pour procédure abusive.
Pour ce faire, une fois la zone déterminée, il conviendra de se reporter à la partie du règlement du plan local d’urbanisme consacrée à cette zone pour connaître les règles applicables au projet.
A ces règles, s’ajoutent celles prévues par le règlement nationale d’urbanisme, applicables même en présence d’un plan local d’urbanisme, codifiées aux articles R. 111-2, -4 et -20 à 27 du Code de l’urbanisme.
A ces règles peuvent s’ajouter des servitudes d’urbanisme locales qui se trouvent dans les annexes du plan local d’urbanisme, notamment en ce qui concerne les espaces, arbres et bâtiments protégés, la protection contre les bruits près des grands axes de circulation ou encore les fuseaux de densité. L’examen du respect de ces règles par le projet relève de ce que l’on nomme la légalité interne.
Il conviendra également d’examiner si le dossier comportait les éléments suffisants pour permettre au service instructeur de se prononcer en connaissance de cause et si tous les avis préalables obligatoires ont bien été sollicités. Il s’agit là de la légalité externe du permis.
A noter que seules les lacunes susceptibles d’avoir eu une incidence sur le sens de la décision seront prises en compte par le juge (CE, 4 juin 2014, Ferme éolienne de Tourny, req. n°357176).
4. Etre en mesure de justifier de son intérêt à agir
La recevabilité en justice d’un recours contre un permis de construire est subordonnée à la preuve d’un intérêt à agir qui incombe au requérant.
Celui-ci doit donc démontrer de manière suffisamment précise et étayée en quoi le projet est susceptible, s’il est réalisé, de porter atteinte, directement, aux conditions de jouissance du bien qu’il occupe ou détient régulièrement.
Il existe de toute évidence un lien avec la proximité du projet, de sorte que le voisin immédiat du projet est en quelque sorte présumé disposer d’un intérêt à agir (CE, 13 avril 2016, M. Bartolomei, req. n°389798).
Il ne suffit pas d’alléguer que la construction par sa nature, ses caractéristiques et son ampleur va forcément apporter son lot de désagréments.
Il importe de démontrer, au moyen de pièces et d’un argumentaire précis (photographies, rapports, attestations) que par ses effets attendus (perte d’ensoleillement, nuisances sonores, encombrement de la circulation et du stationnement, etc.), le projet portera atteinte au cadre de vie du requérant.
Lorsqu’il est envisagé de présenter un recours via une association de riverains, il faudra veiller à ce que le dépôt des statuts de cette association soit antérieur à l’affichage en mairie de la demande de permis et que l’objet et le champ d’action de cette association correspondent bien au projet litigieux.
Si les statuts ne prévoient pas d’office que le président de l’association est habilité à la représenter en justice, celui-ci devra alors y être autorisé par une délibération de l’assemblée générale.
5. Maîtriser les délais de recours
Le délai de recours contre une autorisation d’urbanisme quelle qu’elle soit est de deux mois à compter de l’affichage continu sur le terrain de l’autorisation pendant deux mois dans les conditions rappelées au point 1 ci-dessus.
Souvent, il arrive que, lorsque les éléments qui précèdent ont été réunis, il ne reste plus que quelques jours à peine pour contester le permis. Il est alors utile de prolonger le délai de recours en faisant parvenir en mairie un recours gracieux dans le délai de recours.
Pour être valable, le recours gracieux doit solliciter expressément le retrait de l’autorisation contestée en présentant des moyens de droit relevant de la légalité externe et de la légalité interne. En effet, si seuls des moyens relatifs à l’implantation des bâtiments sont invoqués dans ce recours (légalité interne), il ne sera plus possible ensuite d’invoquer les lacunes du dossier (légalité externe).
Le recours doit être adressé au maire (ou dans certains cas au préfet) même si ce n’est pas lui-même le signataire de l’arrêté pris par délégation.
Pour conserver une preuve de la date de dépôt, il est nécessaire de l’adresser par courrier recommandé avec accusé de réception ou remise en main propre contre récépissé en conservant un double tamponné.
A partir de la réception d’une décision de rejet ou bien en cas de silence gardé pendant plus de deux mois par la mairie sur le recours gracieux, ce qui vaut rejet implicite, s’ouvre un nouveau délai de deux mois pour introduire une requête devant le tribunal administratif compétent. Ainsi, le dépôt d’un recours gracieux permet de se ménager un délai pouvant aller jusqu’à 4 mois pour préparer son recours et notamment pour faire réaliser un audit.
A peine d’irrecevabilité du recours contentieux, dans les quinze jours de sa transmission, une copie du recours gracieux devra être notifiée au(x) bénéficiaire(s) du permis.
Afin de ne pas commettre d’erreurs dans ces différentes phases et selon la complexité du dossier, il peut s’avérer nécessaire de consulter un avocat spécialisé en droit de l’urbanisme.