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Le deuil en Afrique : passage vital et cérémonies spectaculaires

Publié le 01 décembre 2016 par Daniel Leprecheur

Cette question est tellement conséquente qu’elle en devient cruciale : subissant un taux de mortalité élevé dû aux conflits, aux famines, aux maladies et à la délinquance en général, les populations ont intégré la mort comme une constante qu’il convient de domestiquer.

Mourir n’est pas disparaître mais changer de statut comme de dimension, devenir esprit, ancêtre, autant de croyances animistes que les religions catholique et musulmane n’ont pu déraciner. On accorde ainsi plus d’attention au défunt qu’au malade.

La dépouille ne peut demeurer seule, elle doit être veillée, célébrée à la fois pour lui rendre hommage mais aussi pour affirmer le rang de son clan, son ancrage social.

Un événement social

Ainsi tout décès est suivi d’une veillée, mais également d’un enterrement dans le cadre du village natal. C’est valable pour ceux qui ont migré à la ville, comme pour ceux qui se sont expatriés à l’étranger.

Il faut en conséquence prévoir le rapatriement du corps dans sa communauté d’origine. Inhumer une personne ailleurs constituerait une honte, un signe d’échec.

Par ailleurs le deuil se mesure en fonction du rôle social du mort : les funérailles d’un enfant en bas âge qui n’a pas encore agi au sein de son groupe sont beaucoup plus discrètes que celles d’un notable, d’un entrepreneur qui a participé à l’enrichissement du clan.

Une veuve se doit d’afficher un chagrin exemplaire, quitte à avoir les yeux passés au piment par ses proches pour feindre des pleurs à hauteur de la perte subie.

Il faut également comprendre que le rassemblement suscité par la mise en terre génère les confrontations entre les différents membres de la famille, notamment autour de la question de l’héritage … et de la culpabilité.

Certaines tribus attribuent obligatoirement le décès à un empoisonnement, un acte de sorcellerie ou la malveillance d’un esprit : dans cette perspective, les règlements de compte sont fréquents.

Une cérémonie spectaculaire

Suivant cette logique, les obsèques se doivent d’être marquantes. Longues de plusieurs jours quand elles ne couvrent pas plusieurs semaines, elles supposent une fête somptueuse où sont conviés tous les membres du village.

On va bien sûr choisir un cercueil impressionnant, un monument funéraire de belle facture, pour traduire visuellement le prestige du disparu.

On fait fabriquer des fleurs garnies de messages, des T-Shirts et des badges à l’effigie du mort, qu’on offre aux participants.

On engage des pleureuses professionnelles, des musiciens, des porteurs de bière, voire même des figurants pour étoffer le cortège. On peut également recourir aux services d’un maître de cérémonie qui évoquera la mémoire du disparu devant ses proches.

Outre l’enterrement proprement dit, il convient d’organiser une fête, principalement un festin qui peut rassembler jusqu’à 500 personnes, sans compter les éventuels pique assiettes. Cela suppose l’achat de nourriture et de boisson en abondance, voire le service d’un traiteur. Il faut par ailleurs louer une tente, des tables et des chaises, parfois engager des serveurs.

Un gouffre financier

Pareilles célébrations ont un coût exorbitant. Ce marché lucratif est d’ailleurs en pleine expansion, avec des entreprises qui se spécialisent dans ce créneau, par exemple les pleureuses qui s’organisent de plus en plus en collectif et tarifient leurs interventions en fonction des services demandés (pleurs simples, cris, invectives des coupables de la mort etc.).

Obligées de se soumettre à la tradition et au poids social, les familles n’hésitent pas à s’endetter lourdement, et parfois sur de longues années pour financer des funérailles somptueuses. Il est d’ailleurs à noter que très souvent on préfère s’endetter à ce sujet plutôt que de dépenser de l’argent en amont pour se soigner.


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