La bière belge, ou les bières belges, je n’ai pas vraiment
étudié la question, entrent donc au patrimoine cuturel immatériel de
l’humanité. Il faudra essayer de faire comprendre aux piliers de bar, j’en
connais, j’en ai fréquenté de près, que leur ivresse est immatérielle.
Une bière belge s’appelle la Rodenbach, comme Georges,
l’écrivain de Bruges-la-morte.
Jules Renard avait, en 1894, un mot sur Rodenbach,
l’écrivain, qui aurait pu s’appliquer à la bière : « une littérature de cave fraîche. »
J’ai croisé Dany Laferrière il y a une semaine à Madagascar,
et je me serais épuisé à vouloir le suivre dans toutes les activités que son
programme lui imposait. Il était dans une librairie d’Antananarivo, jeudi
matin, interrogé très (trop ?) sérieusement par les autres participants à
la table ronde, jusqu’au moment où il s’est lâché. Le public a, à ce moment,
commencé à accrocher vraiment, et le temps ne comptait plus. On avait failli
oublier que Dany Laferrière était un écrivain drôle. S’il ne s’était pas chargé
de le rappeler lui-même, je lui aurais reparlé de sa grand-mère, dont il avait
loué la lenteur et la sagesse, sans dire ce qu’il racontait dans un de ses
livres (je ne sais plus lequel), quand cette même grand-mère lui expliquait que
son attitude devait moins à un état d’esprit remarquable qu’à l’état de ses
articulations. J’aurais pu aussi lui citer cet extrait de Journal d’un écrivain en pyjama, où il raconte les meilleurs côtés
de sa vie :
« Mon premier
livre est paru en novembre 1985, et mon sort a changé. Je ne suis pas devenu
riche, loin de là, mais depuis, je mène la vie dont j’ai toujours rêvé. J’ai
bien fait de miser toute ma fortune et mon énergie sur cette carte. J’ai cru
dans ces fables qui ont nourri mon enfance, surtout celles où un pauvre hère,
d’un coup de baguette magique, devient un prince. Il suffit d’avoir une bonne
fée, ce que fut l’écriture dans mon cas. Je suis encore étonné, moi qui voyage
tant de n’avoir jamais payé un seul billet d’avion, ni une chambre d’hôtel, ni
même un repas au restaurant. J’ai fait disparaître l’argent de mon champ
visuel. Je traverse le monde, en sifflotant, laissant derrière moi une île à la
dérive. »
En quittant Madagascar, il a fait escale à Paris avant de
reprendre l’avion pour Port-au-Prince où s’ouvre aujourd’hui, jusqu’au
4 décembre, le Festival Étonnants Voyageurs. Il y retrouvera de nombreux
écrivains haïtiens, ceux qu’on connaît et ceux qu’on devrait encore découvrir,
ainsi que, par exemple, In-Koli Jean Bofane, Bernard Chambaz, Paule Constant,
Hakan Günday, Bob Shacochis, sans oublier Michel Le Bris.
Le Calendrier de l’Avent du domaine public est ouvert. Chaque
jour de décembre, en commençant donc aujourd’hui, il fournit le nom d’un auteur
dont les œuvres entreront dans le domaine public le 1er janvier
prochain. Et cela démarre fort, avec Herbert George Wells, né en 1866, mort en
1946, qui a signé en trois ans quatre classiques majeurs de la science-fiction :
La Machine à explorer le temps (The Time Machine, 1895), L’Île du docteur Moreau (The Island of Doctor Moreau, 1896), L’Homme invisible (The Invisible Man, 1897) et La
Guerre des mondes (The War of the
Worlds, 1898). On relirait volontiers Un
homme de tempérament, de David Lodge, en attendant, d’ici au
31 décembre, les noms des autres auteurs qui, comme le dit le site, s’élèveront
dans le domaine public en 2017.
Petite précision pour les distraits : les traductions
françaises de Wells ne seront dans le domaine public dans un mois que si le ou
les traducteur(s) sont aussi morts avant 1947. Et pas pour la France pendant la
Seconde Guerre mondiale…