Partager la publication "[Critique] SULLY"
Titre original : Sully
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Clint Eastwood
Distribution : Tom Hanks, Aaron Eckhart, Laura Linney, Anna Gunn, Autumn Reeser, Jerry Ferrara, Holt McCallany, Sam Huntington…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 30 novembre 2016
Le Pitch :
15 janvier 2009 à New York. Un avion de l’US Airway décolle de l’aéroport de La Guardia. Peu de temps après, des oiseaux s’engouffrent dans les réacteurs provoquant leur arrêt total. Dans l’obligation de revenir à son point de départ, le capitaine Chesley « Sully » Sullenberger s’aperçoit vite que cela ne sera pas possible. Il décide alors de tenter un amerrissage sur le fleuve Hudson et parvient à poser l’appareil sans causer une seule victime. Érigé en héros par l’opinion publique, Sully doit pourtant faire face à une enquête qui pourrait bien mettre en péril sa carrière et son intégrité. Histoire vraie…
La Critique de Sully :
Les chroniques concernant les films de Clint Eastwood ont tendance, depuis quelques années, à souligner l’âge du réalisateur. C’est normal. Après tout, peu de cinéastes continuent, passé 80 ans, à travailler. Clint lui, a soufflé 86 bougies sur son dernier gâteau d’anniversaire et il va toujours au turbin. Avec la même passion, la même fougue, envers et contre tous ceux qui croyaient déjà déceler dans certaines de ses livraisons passées un essoufflement. Car il est de bon ton de tenter de prédire quand un géant va s’effondrer ou d’affirmer qu’il commence à trembler. Mais au fond, Eastwood s’en moque, lui qui, avec son 35ème film, est à nouveau parvenu à nous coller la chair de poule et à faire couler les larmes…
Une histoire vraie
Tout le défi de Sully consistait à captiver son audience tout en racontant un incroyable fait divers dont nous connaissions déjà l’issue. L’avion a perdu ses deux réacteurs quelques minutes après son décollage mais le commandant a réussi à le poser sur les eaux du fleuve Hudson à New York. Le tout sans déplorer la moindre victime. Le fait que l’histoire soit survenue en 2009, soit il y a un peu plus de 7 ans, représentant une nouvelle entrave… C’est alors que la promo a pris un peu la même posture que le Flight de Robert Zemeckis, en insistant sur l’après-accident et l’enquête qui a remis en cause les choix du pilote incarné à l’écran par Tom Hanks. La bonne nouvelle, c’est que le long-métrage fonctionne à plein régime et parvient en effet à nous prendre à la gorge, s’imposant petit à petit comme une formidable aventure humaine, mais aussi comme un authentique feel good movie, doublé d’une réflexion bien sentie sur le monde d’aujourd’hui.
Contrairement à Flight, qui mettait en avant un personnage borderline, dont la manœuvre audacieuse qui permit de sauver les passagers de l’avion s’inscrivait dans une logique différente pour construire son intrigue et pour illustrer ses thématiques, Sully s’attache à confronter la bienveillance et l’honnêteté d’un homme au cynisme d’une entreprise finalement presque plus soucieuse de la bonne tenue de ses comptes plutôt que des vies humaines. Le Denzel Washington de Flight étant dans un premier temps considéré comme un héros avant de voir ses fêlures exposées, à l’inverse de Tom Hanks, qui campe un commandant irréprochable que le public porte aux nues pendant que les autorités de la commission d’enquête cherchent à faire de lui un escroc, allant même jusqu’à presque le faire douter du bien fondé de ses décisions.
Le film de Clint Eastwood s’inscrit en cela tel un conte moderne pétri d’un espoir tenu, dont l’une des prouesses est de parvenir à galvaniser, tout en parlant de l’Amérique post-11 septembre avec une sincérité et une pertinence de tous les instants.
Tom Hanks taillé pour le rôle
Drame puissant questionnant, puis sublimant la figure du héros populaire, Sully peut compter sur la présence et sur le charisme d’un Tom Hanks parfaitement à l’aise dans un costume qui lui permet de jouer sur un registre qu’il connaît bien et qu’il maîtrise comme personne. Certes un peu plus jeune que le vrai commandant Sullenberger, le comédien livre une partition sans faille, arrivant à jouer sur des nuances admirables, sans cesser de nourrir le souffle que le film s’efforce avec succès de communiquer. Représentant idéal du fameux « Monsieur tout le monde », Hanks encourage également l’identification, et contribue à faire de Sully une partition humaniste, à la fois vibrante, éloquente et complètement cohérente.
Surtout qu’en l’occurrence, Tom Hanks peut compter sur un Aaron Eckhart solide mais discret, lui aussi dévoué à la cause, ou sur une Laura Linney certes un peu effacée mais toujours droite dans ses bottes. De quoi rappeler que Clint Eastwood est un excellent directeur d’acteurs. Sa première collaboration avec Tom Hanks ne déçoit donc pas. Loin de là. Les deux hommes se sont visiblement compris, ayant fait de leur dialogue un moteur qui, contrairement à ceux de l’avion du film, n’accuse aucun raté ni baisse de régime.
Clint Eastwood en pleine forme
Eastwood a choisi de nous raconter l’histoire de cette catastrophe évitée de peu en optant pour une structure éclatée. Là aussi le postulat du long-métrage pouvait soulever quelques questions. Des questions auxquelles le grand Clint répond en faisant preuve d’un dynamisme dingue, préférant une narration déstructurée à un simple compte-rendu filmé. Sa façon de nous parler du héros, en revenant par petites touches sur plusieurs périodes de son passé, afin de lui conférer de l’épaisseur, permet de ne pas le limiter à l’acte qui a attiré sur lui toutes les lumières. Pourtant, et même si Clint n’a pas renoncé au classicisme que certains continuent à lui reprocher (une hérésie), il prend ici des risques et va directement à l’essentiel. Il ne perd pas de temps, s’arrange à la fois pour nous gratifier de séquences spectaculaires pleines d’ampleur, mais aussi pour faire des nombreuses joutes verbales des moments de tension incroyables (mention pour la dernière partie). Le cinéaste soigne tous les aspect de sa mise en scène. Son montage répondant parfaitement à ses intentions et à ses choix. Il a même composé le thème du film ! Une manière comme une autre d’affirmer son attachement à ce récit aussi incroyable que porteur d’une émotion dont il est parvenu à s’emparer afin de lui offrir un écrin digne de sa portée.
En Bref…
Porté par la collaboration galvanisante d’un Clint Eastwood en pleine possession de son art et d’un Tom Hanks à nouveau excellent, entre force et fragilité, Sully est un beau film. D’une sobriété exemplaire. Une appellation visant à souligner sa noblesse autant au niveau du fond que de la forme.
@ Gilles Rolland