Oui aux produits moches

Publié le 30 novembre 2016 par Jean-Pierre Jusselme

Grenoble Ecole de Management(GEM) publie aujourd'hui les résultats de ses recherches sur les leviers psychologiques du gaspillage alimentaire. Un des objectifs est de contribuer à la prévention de certains comportements.

1/3 de toute la nourriture produite est encore gaspillée. Dans les pays occidentaux, pour quelles raisons les consommateurs jettent-ils autant d'aliments ? Comment modifier leur comportement ?

Pour Mia BIRAU, Chercheur PhD à GEM, experte du comportement des Pour Mia BIRAU, Chercheur PhD à GEM, experte du comportement des consommateurs : " Les foyers sont à l'origine de la majorité du gaspillage alimentaire. Nos recherches montrent que certains mécanismes psychologiques, largement inconscients, conduisent les consommateurs à gaspiller les produits alimentaires qu'ils ont achetés. En cernant mieux les leviers psychologiques du gaspillage, nous espérons que nos recherches aideront les autorités publiques à réaliser des campagnes d'information plus efficaces ".

On achète trop et on consomme mal

Les recherches de Mia BIRAU examinent divers phénomènes qui aident à expliquer le gaspillage afin qu'on puisse le réduire. En voici une petite sélection.

Les consommateurs veulent souvent se rassurer sur leur niveau de vie, et conforter leur image de bons parents prévoyants. Cela pourrait être une des raisons pour lesquelles ils achètent trop. On observe également que les consommateurs sous-estiment le remplissage de leur congélateur et de leurs placards et pensent être en mesure de consommer tous les produits achetés avant la date de péremption.

Au moment du repas, il y a un conflit entre les motivations qui sont à l'origine de l'achat et l'inconscient du consommateur. C'est le souci diététique qui pousse à acheter une salade, mais une fois à table, on se laisse tenter par une pizza. De la même façon, on achète un nouveau yaourt pour changer, mais on continue à consommer ses yaourts habituels : le nouveau yaourt est à peine goûté.

Les consommateurs apparaissent également confus par les dates de péremption qu'ils interprètent souvent comme une alerte immédiate sur la sécurité alimentaire du produit, alors que pour beaucoup de produits, ces dates sont seulement indicatives.

Enfin, la gestion des stocks est souvent problématique : les recherches montrent qu'on cuisine d'abord les derniers produits achetés. Les produits les plus anciens sont inutilisés, puis jetés. D'ailleurs, l'existence d'un compost risque de déculpabiliser en transformant quasiment en acte vertueux le fait de jeter.

Impact des campagnes publicitaires

Les campagnes d'informations contre le gaspillage alimentaire utilisent souvent un message culpabilisant. Malheureusement, ces messages font souvent l'effet opposé : les consommateurs se sentent moins coupables et gaspillent plus. Quand, en revanche, le message met en cause les supermarchés ou les restaurants, en affirmant qu'ils ont aussi leur part de responsabilité, le consommateur est plus disposé à faire des efforts pour réduire le gaspillage.

Les recherches de Mia BIRAU montrent aussi que le consommateur est disposé à faire plus d'efforts s'il a le sentiment que l'effort demandé est facile. Les campagnes de sensibilisation devraient donc intégrer la notion de facilité.

Oui aux produits moches

Les professionnels sélectionnent uniquement des fruits et des légumes aux dimensions parfaites, et jettent les autres. Pourtant, les résultats des recherches montrent que le consommateur est prêt à acheter des produits moches, car il a l'impression qu'ils sont naturels, locaux, sains, voire bio. Ces résultats montrent également que les consommateurs sont prêts à payer le même prix pour un produit déformé que pour un produit classique.