Un plafond bas mais des ciels lumineux, délavés, d'où émane une inexorable tristesse. Des paysages sans relief qui rappellent l'immensité des grandes plaines américaines et qui donnent au film un petit air de western. Qui l'eût cru, nous sommes ici en Belgique, qui se révèle un décor plutôt bien adapté au genre du road movie, d'autant que le film a été tourné en scope. Sélectionné à Cannes, "Eldorado", second long-métrage du Wallon Bouli Lanners, est une oeuvre un tantinet intrigante et magique. La magie tient probablement à la somme de lieux et événements hautement improbables ici réunis. Un soir qu'il rentre chez lui, Yvan (joué par Bouli Lanners en personne), dealer de voitures de collection à l'allure bonhomme et qu'on devine fan d'Amérique, surprend sous son lit un visiteur nocturne. Ce dernier, Elie (rôle délicatement interprété par Fabrice Adde, pour une première fois à l'écran), junkie un brin paumé, est à la recherche de quelques sous qui lui permettront, dit-il, de se payer le voyage jusqu'à la maison de ses parents. Yvan est sceptique. Il sait, d'expérience, qu'un toxico cambrioleur cherche avant tout un peu d'argent pour se payer sa came. Néanmoins, un semblant d'amitié prend racine entre ces deux bras cassés que rien, au départ, ne rapproche. Yvan se propose de l'accompagner à la frontière française, là où vivent les parents d'Elie. Le voyage au volant d'une fringante Chevrolet donne lieu à des mésaventures désopilantes en dépit d'un contexte pesant, les protagonistes laissant peu à peu apparaître leurs fêlures intimes. Choses vécues
et pure invention Dans ce second long-métrage pour lequel il se retrouve devant et derrière la caméra, Bouli Lanners s'est inspiré d'un fait réel. "L'aventure entre Yvan et Elie est une vraie fiction qui mélange des choses vécues et des moments de pure invention", souligne-t-il dans le dossier de presse. Le tour de force du réalisateur est d'avoir su faire d'une histoire infiniment triste un somptueux écrin d'humanité qui jamais ne sombre dans la mélancolie ou le mélodrame. Les scènes cocasses, pour ne pas dire déjantées, inoculent la dose d'espoir nécessaire à la survie dans un monde perclus de pessimisme. Un petit chef-d'oeuvre servi, qui plus est, avec une bande son tout-à-fait de circonstance. Outre quelques classiques américains, souvenirs d'adolescence de Bouli Lanners (les Milkshakes et Jesse Sykes), la BO repose sur les compos originales de quelques chantres de la nouvelle scène wallone (Renaud Mayeur, An Pierlé et Koen Gisen entre autres). Vous avez dit "Eldorado" ?