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Cy Twombly : une peinture symptomale

Publié le 30 novembre 2016 par Pantalaskas @chapeau_noir

Remarquable ne semble pas un terme excessif pour qualifier la rétrospective Cy Twombly (1928-2011) qui s’ouvre au Centre Pompidou de Paris. Marquante pour l’éclairage porté sur une œuvre qui n’est pas la plus connue parmi celles des artistes américains de la deuxième moitié du vingtième siècle, l’exposition peut être appréciée également comme un événement  pour l’ampleur de la tâche qui a consisté à réunir, à partir des collections publiques et privées à travers le monde, des toiles rarement ou jamais vues en France, mission complexe confiée au commissaire d’exposition  Jonas Storsve.

Cy Twombly : une peinture symptomale

« Fifty days at illiam » 1978 Cy Twombly

Des années cinquante jusqu’au dernières toiles de 2011, cent quarante peintures, sculptures, dessins et photographies  retracent un itinéraire personnel singulier.
Il y a deux ans, les dessins de Cy Twombly présentés à la galerie Karsten Greve à Paris donnaient un aperçu de cette approche sensible de la surface du papier, de cette façon inédite de nous délivrer les éléments d’une énigme : graffitis, mots, chiffres, signes, paroles fragmentées figées sur le support, ratures, effacements…

« Un frémissement de l’être »

Les toiles du début des années cinquante, où Cy Twombly semble devoir passer par un degré zéro de la peinture en excluant la couleur, posent déjà les termes de sa pratique future, une forme d’écriture peut-être mais indéchiffrable. Pierre Restany  dès 1961 signalait le positionnement particulier de l’artiste : » ….il n’y a ni syntaxe ni logique, mais un frémissement de l’être, un murmure qui va jusqu’au fond des choses ».

Cy Twombly : une peinture symptomale

« Quatre saisons: printemps, été, automne, hiver » 1993-1995 Cy Twombly

Le voyage auquel nous convie ce parcours d’une soixantaine d’années, au-delà de la toute première approche de cette surface énigmatique, débouche alors sur des tableaux où la superposition de strates, chacune liée à l’univers du peintre, doit faire l’objet d’un décryptage. Cy Twombly révèle sur ses toiles toutes les sources qui nourrissent son rapport au monde : culturelles lorsque « Nine discourses on Commodus » en 1963 fait référence à l’histoire romaine ou  quand ses « Bacchanalia » de 1977 témoignent de son intérêt pour l’antique, politiques quand les événements du monde l’atteignent (l’assassinat de Kennedy ou la guerre en Irak).
Ce qui, me semble-t-il,  apparaît comme le plus captivant dans l’œuvre de Cy Twombly se situe dans ce rapport à la toile dès le début des années cinquante. Alors que s’expriment dans cette Amérique en renouveau les John Cage, Franz Kline, Robert Motherwell, et Robert Rauschenberg dont il est l’ami, comment trouver une voie personnelle qui se distingue de ces expressions tumultueuses ? C’est pourtant en prenant le contrepied de ces artistes déjà reconnus qu’il aborde la surface de la toile avec une retenue, un recours à l’effacement,  une approche délicate peu coutumière chez ses amis peintres.

Oeuvres de 2011 Exposition Cy Twombly au Centre Pompidou de Paris 2016

« Une abstraction qui raconte une histoire »

Pour autant l’engagement personnel du corps, le mouvement, l’élan physique se trouvent brillamment fixés par cette surface sensible de la toile qui  semble révéler la vie du peintre, presque un équivalent de ce que serait la trace sismographique, le relevé chronophotographique, voire même le relevé cardiographique, le tout fondu dans « Une abstraction qui raconte une histoire » résume le commissaire d’exposition.
Émouvantes, les dernières œuvres de Cy Twombly expriment avec force les tensions d’un peintre qui se sent proche de la fin, dans une époque dont il perçoit peut-être une issue tragique, où le rouge sang envahit d’un geste violent toute la surface du tableau. Nous sommes loin alors de la touche légère, délicate, retenue des années cinquante. Jusqu’au bout l’œuvre de Cy Twombly aura pris, me semble-t-il, l’aspect d’une peinture symptomale, révélatrice des tensions du monde, des tourments personnels du peintre, œuvre dont la somme, à travers les signes, les formes, les couleurs, entend conserver une part d’énigme.

Photos de l’auteur

Cy Twombly, rétrospective
Commissaire de l’exposition : Jonas Storsve
30 novembre 2016 / 24 avril 2017
Centre Pompidou
75004  Paris


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