Le 30 novembre a été déclaré fête nationale du mate en 2014, sur initiative d'une députée de la Province de Misiones et d'un décret d'application de janvier 2015. Il s'agit donc de la deuxième édition de cette fête qui va donner lieu à des manifestations culturelles variées, dont des conférences, dans les provinces productrices. La date a été choisie parce qu'il s'agit de l'anniversaire de naissance de Andrés Guacari y Artigas (1778- ? 1821), le premier homme issu des peuples originaires, en l'occurrence le peuple m'byá (guarani) qui ait pris part aux luttes de l'indépendance comme officier supérieur et gouverneur de province. Le premier et sans doute le seul ! La légende veut qu'il ait fortement contribué à faire repartir la culture de la yerba mate, laissée quasi à l'abandon depuis l'expulsion des jésuites en 1767, eux qui avaient su développer les plantations jusqu'à en faire l'une des ressources principales de la région aujourd'hui partagée entre les provinces argentines de Misiones et Corrientes.
Affiche du documentaire de 2014 (production INCAA-Province de Corrientes)
Depuis le XVIIIème siècle, tous les Argentins, les Uruguayens, les Paraguayens et les Chiliens consomment l'infusion inspirée aux jésuites par une pratique indienne transformée à la mode du thé anglais (on a versé de l'eau chaude sur la plante hachée en lieu et place de l'eau fraîche ou des jus de fruits indigènes).
La fête du jour permet à la presse de sortir de l'actualité sinistre (hommage à Fidel Castro à Cuba et sur tout le continent, catastrophe aérienne qui a fait disparaître tout un club de football brésilien en Colombie, préoccupante et durable chute de la consommation des ménages en Argentine malgré la perspective des fêtes de fin d'année...) pour mettre quelques notes de couleur et d'érudition chimico-diététique dans les éditions du jour (le mate est bourré de vertus organoleptiques pour autant que l'on utilise l'eau à des températures raisonnables, soit entre 75 et 80° !)
C'est aussi l'occasion de rappeler la figure assez oubliée à l'échelle nationale du Comandante Andresito, que la présidente Cristina Kirchner a cru bon d'élever très largement post-mortem au grande de général, en avril 2014, ce qui a ravi une partie de son électorat dans les provinces du Litoral. Elle avait aussi fait financer un documentaire commenté par l'auteur-compositeur interprète Victor Heredia, Buscando al Comandante Andresito, où le réalisateur donne à entendre la langue guaranie qui était celle du héros.
On n'a pas de portrait du vivant d'Andresito
Les illustrateurs s'en donnent donc à cœur joie
Ici, un portrait à la mode révolutionnaire mais exécuté en 1945
Andresito était donc né le jour de la saint André (d'où le choix de son prénom), en 1778, dans l'ancienne mission jésuite de Santo Tomé (Corrientes aujourd'hui), dans une famille aborigène catholique comme l'immense majorité du peuple m'byá à cette époque. A quelques mois près, il avait donc le même âge que José de San Martín (1778-1850), né à Yapeyú (également dans l'actuelle province de Corrientes), et que Bernardo O'Higgins (1778-1842), qui a libéré le Chili, il y a deux cents ans, comme général chilien de l'Armée des Andes, placée sous le haut commandement de San Martín qui l'avait levée et organisée du côté argentin. Andresito ne savait pas lire, il était né trop tard pour bénéficier des écoles que la Compagnie de Jésus avait répandues dans toute la région sur laquelle elle avait obtenu du roi d'Espagne un privilège d'exclusivité. On ne connaît pas avec précision les circonstances de la mort du héros, sinon qu'elle est intervenue sur le territoire brésilien, sans doute à Rio de Janeiro, la capitale de l'empire lusophone à cette époque. Andresito a pris part aux luttes pour l'indépendance en se joignant d'abord aux troupes du général Manuel Belgrano (1770-1820), le premier des révolutionnaires à être venu guerroyer dans cette partie du territoire, dès 1811, dans la première année de la Révolution de Mai. Très vite, lorsque les troupes sont passées sous le commandement de José Rondeau, au comportement beaucoup plus agressif vis-à-vis des populations amérindiennes, Andresito a rejoint les combattants de la Ligue fédérale, animée par l'Uruguayen José Gervasio Artigas (1764-1850), jusqu'à la défaite de celui-ci, devant les Portugo-brésiliens, à Tacuarembó en 1820. La guerre était alors finie pour la Ligue Fédérale en tant que telle. Artigas trouva abri au Paraguay, dont le dictateur, Gaspar de Francia, l'accueillit, sous la condition qu'il ne prenne plus aucune part à la vie politique et militaire. Andresito se retrouva prisonnier, exilé à Rio. Entre temps, Andresito avait assumé la direction politique du nord-est argentin et avait été adopté par Artigas, qui en avait fait son premier lieutenant sur la rive occidentale du fleuve Uruguay.
Une lettre de 1815, signée par Andrés Guacari mais écrite par son conseiller spirituel
Aujourd'hui, une marque de yerba mate porte son nom, une modeste production qu'on ne peut se procurer que dans des petites épiceries (mais ce n'est pas la meilleure du marché). Il est aussi présent dans la toponymie, puisqu'il a donné son nom à une ville dans la province de Misiones, la plus au nord de l'Argentine (côté est).
Pour en savoir plus : lire l'article de La Prensa lire l'article de Página/12 lire l'article de La Nación (édition d'hier) lire la dépêche de Télam lire l'article de El Litoral (le quotidien de Corrientes) visiter le site Internet de la yerba mate Andresito consulter la fiche du documentaire Buscando al comandante Andresito (à la recherche du commandant Andresito) visiter le site Internet de l'Institut National de la Yerba Mate