Le roi de la pasta est-il japonais ?
Koji Higaki est un homme étonnant mais surtout un chef ultra doué. Tout petit déjà, il adorait les pâtes japonaises que lui faisait sa maman. C’est dans ces moments de bonheur que l’on se dit « quand je serai grand moi aussi je ferai des pâtes ». Lui l’a fait.
A Osaka, il va se confronter pour la première fois à l’Italie, patrie de la pasta, en entrant dans le restaurant Santa Lucia. Pour lui, les pâtes sont synonymes de liberté de créer, de mélanger, de construire à chaque fois des plats différents avec cette multitude de pâtes protéiformes. Il part à Venise, pour s’immerger totalement dans la cuisine italienne, puis retour à Tokyo où il devient chef de cuisine au restaurant Canoviano. Mais l’Europe l’appelle. La France cette fois avec l’aventure et la réussite du chef du Passage 53. Il intègre l’équipe et y restera jusqu’en 2014. Aujourd’hui, le voilà maître chez lui dans son restaurant L’Inconnu. « Ce nom représente bien mon état d’esprit. Je veux garder un esprit de débutant, me battre chaque jour comme si j’étais un inconnu. »
Sa cuisine est franchement passionnante. A l’intersection, à un carrefour des trois influences qui le caractérisent. Précision et esthétique des assiettes pour le Japon, invention et richesse des plats pour la France, chaleur et générosité pour l’Italie. Tout ce monde se retrouve dans les plats du chef et toujours avec une touche italienne. Ici une Focaccia, des olives noires dans un amuse-bouche, de la burrata dans l’appareil d’un millefeuille, un velouté de potimarron avec une mousse de cappuccino, une tarte margarita, et ainsi de suite.
Lors d’une première rencontre, on se souvient avec émotion de sublimes Tagliatelles avec une bolognaise de canard, moelleuses et savoureuses à souhait (cf. rubrique Restaurants Paris). Une pure merveille.
Cette fois, le chef a proposé un repas « pasta » en trois variations sur le thème. Un voyage dans une Italie rêvée, revue ou plutôt revisitée par un chef japonais à l’imagination omniprésente, aux alliances imprévues et toujours réussies, à la technique d’une rare pureté, et surtout des plats chaleureux « comme là-bas ».
Pâtes à l’encre de seiche, navets en dés, oursins. Un plat à l’évidence très marin, puissamment iodé, original et surprenant, en une assiette inventive, typique de l’approche du chef. En prime, une focaccia aux haricots blancs et graines de cumin, servie tiède, parfaitement sublime.
Les Tagliolini sont des pâtes fines, très utilisées dans le Piémont. Hommage à l’automne finissant, le chef les a simplement agrémenté de cèpes, cuits et crus, en petits dés et en poudre, avec une petite concassée de noisettes. Cuisson au millimètre, d’ailleurs un peu plus que les Italiens ce qui n’est pas plus mal, et un festival de senteurs et de saveurs. Un plat simplement superbe aux couleurs automnales.
Koji Higaki choisit le plus souvent la forme des pâtes en fonction de son idée de plats. Les Tajarin sont des pâtes assez peu connues, surtout utilisées en Piémont, et fabriquées avec du jaune d’œuf ce qui leur donne cette belle couleur dorée. Mariées à un savoureux ragoût de bœuf, agrémentées de feuilles de choux de Bruxelles à peine cuites, et de quelques lamelles de truffes d’Alba, le plat est positivement sublime. Riche, terrien, puissant, chaleureux, un des plus beaux plats de pâtes qui soient. Le (très) court trait de citron pour l’amertume est un trait de génie.
Il faut également signaler le talent du chef dans les desserts, prouvé une nouvelle fois par un Millefeuille, burrata citron, glace romarin, exceptionnel de finesse (le feuilleté, madre mia !) et de saveurs délicates.
Koji Higaki. Il faut retenir ce nom, le connaître, goûter sa cuisine à la fois si personnelle et si universelle. Voilà un mélange de culture fort réussi, c’est assez rare pour courir s’attabler dans cette salle pure, aux tons discrets, au service très « japonais », et au prix finalement sans excès pour un tel bonheur.
4, rue Pierre Leroux
75007 Paris
Tél : 01 53 69 06 03
www.restaurantlinconnu.fr
M° : Vanneau
Fermé dimanche soir et lundi
Menus déjeuner
40 € (1 amuse-bouche + 4 plats) – 55 € (3 amuse-bouches + 5 plats)
Menus dîner
50 € (3 amuse-bouches + 4 plats) – 70 € (5 amuse-bouches + 7 plats)
Vins au verre 8 €