Icare - euh pardon - Courgette est un petit garçon créatif. Sa chambre miteuse est décorée de dessins. En guise de château de cartes, il construit des châteaux de canettes de bière vides. Un après-midi, le château s'écroule dans les escaliers. Le bruit dérange la maman de Courgette en plein visionnage d'une telenovela. Elle finit sa bière d'une gorgée et commence à monter l'escalier qui mène à la chambre de son fils, tout en menaçant de le frapper. Courgette referme alors brusquement la trappe, et on entend sa mère tomber. On comprend qu'elle ne se relèvera pas de sa chute lorsque l'on retrouve Courgette au commissariat, où le policier Raymond parle de sa maman au passé. Après cet accident dramatique, et son père ayant quitté la maison, Courgette est conduit au foyer des Fontaines.
C'est ainsi que commence Ma vie de courgette de Claude Barras, film d'animation adapté de Autobiographie d'une courgette de Gilles Paris, publié chez Plon en 2002.
Dans le film, la mort de la maman se passe dans d'autres circonstances que dans le roman (où Courgette lui tire involontairement dessus) et sa chute se passe hors-champ. C'est un traitement qui n'édulcore pas la tristesse des événements mais qui est assez subtil pour ne pas choquer. On ne prend pas les enfants pour des imbéciles, tout en se mettant à leur hauteur. Le signe d'un film intelligent. Je suis allée à la séance du samedi après-midi, nous étions les seuls jeunes adultes dans la salle remplie de familles. Les enfants n'ont pas été choqués par la scène, mais les questions ont fusé.
Lorsque Courgette arrive au foyer, il rencontre timidement puis se lie d'amitié avec d'autres enfants cassés : Ahmed qui fait pipi au lit, Simon qui joue le gros dur, Jujube, qui passe son temps à manger, Alice qui a toujours les cheveux dans les yeux, Béatrice qui se met les doigts dans le nez, et Camille, dont il tombe amoureux.
J'ai eu peur de ne pas me faire la façon un peu particulière dont les personnages sont dessinés. Beaucoup de plans se font autour des jeux de regards, et les yeux des personnages sont énormes, très cernés et vitreux. Mais j'ai adoré partager leur quotidien fait de frites à la cantine, de jeux et de rituels. Les blessures des enfants ne nous sont pas cachées, elles se manifestent dans leurs tics, leurs colères et leur tristesse plus ou moins passagère. Ceux qui n'ont " plus personne pour les aimer " nous émeuvent tout comme ils nous font rire. Je ne saurai trop vous conseiller de passer une heure avec eux.
► Ma vie de courgette de Claude Barras, (scénario de Céline Sciamma, Germano Zullo, Claude Barras et Morgan Navarro), actuellement en salles.
Emilie Boujon