Voir Venise et vomir, d'Antonio Albanese

Publié le 25 novembre 2016 par Francisrichard @francisrichard

Voir Venise et vomir est un polar, noir. Son auteur, Antonio Albanese, signait le livre précédent, Une brute au grand coeur, sous le pseudonyme de son héros, Matteo di Genaro. Matteo di Genaro, c'était donc lui. Mais pas forcément dans le sens employé par Gustave Flaubert pour dire que Madame Bovary c'était lui...

Le lecteur de la première enquête le sait: Matteo di Genaro est très riche. Il possède une grande fortune immobilière. Et dans le présent volume, qui devrait être suivi d'au moins un autre, il achète tout ce qui est à vendre sur la Giudecca, cet archipel de huit îles reliées entre elles, qui s'étendent dans la lagune au sud de Venise.

Matteo y possède une propriété, Jardin Eden, du nom de son premier propriétaire, Frédéric de son prénom, un riche anglais à la retraite. C'est une photo de sa mère enfant, issue d'une des plus vieilles familles de la noblesse italienne, prise en ce lieu, en 1956, qui l'a conduit à en faire l'acquisition quatre ans plus tôt.  

Cette fois l'enquête que mène Matteo, 33 ans, le touche intimement. Comme il le reconnaît sans façon, il marche à voile et à vapeur, mais il est moins difficile avec les femmes qu'avec les hommes... Or la victime est un de ses amants, Fabrizio, 21 ans, qui habitait chez lui au Jardin Eden, retrouvé mort dans l'eau, un suicide selon le légiste.

Après avoir vu son corps à la morgue, Matteo reformule le principe d'Archimède: Tout corps plongé dans un liquide assez longtemps subit une dégradation proportionnelle au coefficient de beauté qu'il avait au sec. Or Fabrizio était très beau et, s'il ne brillait guère par l'intellect, il avait du moins l'intelligence du corps pour le ravir.

Matteo mène donc l'enquête sur cet ami très cher qu'il n'a pas vu depuis six mois. Enquête faisant, il se livre à des digressions savantes sur les lieux qui avoisinent le crime et sur les idées des hommes, et il règle quelques comptes au passage, par exemple avec certains psychiatres, certaines féministes, l'Église ou encore Franz Weber...

Une phrase bien connue de Thomas d'Aquin (qui figure d'ailleurs à l'entrée de la Société de Lecture de Genève...), Timeo hominem unius libri, Je crains l'homme d'un seul livre, sera la clé de l'énigme. Et la morale que pourra tirer Matteo de cette sombre histoire, c'est que la bêtise de conviction est la pire des plaies contemporaines...

Francis Richard 

Voir Venise et vomir, d'Antonio Albanese, 80 pages BSN Press

(Vernissage à Payot Lausanne le 1er décembre 2016)

Livre précédent chez le même éditeur:

Une brute au grand coeur (2014) (sous le pseudonyme de Matteo di Genaro)

Livres précédents à L'Âge d'Homme:

La chute de l'homme (2009)

Le roman de Don Juan (2012)

Est-ce entre le majeur et l'index dans un coin de la tête que se trouve le libre arbitre? (2013)