Lecteur, la saison 2 s’ouvre. Nous avons laissé derrière nous des contacts qui nous ont chagrinés. Quelque part sommeille dans un sac en plastique négligemment jeté au fin fond d’un placard, un manuscrit, dont je me refuse à ne rien faire. Mon copain Andy, si tu te souviens, m’a entreprise sur le thème de l’auto-édition. Quelles solutions vais-je imaginer ? Si la saison 1, outre l’écriture d’un opus, était placée sous le signe des rencontres, celle-ci sera consacrée à des exercices de " créativité". Ça te dit de continuer ?
Septembre est de retour. Période très favorable pour ceux dotés de mille projets mais très néfaste pour ceux qui s’en trouvent dépourvus. Mon texte est toujours hors de vue, mon esprit baigne dans le brouillard. Comment sortir de cette torpeur ? Deux sujets m’agitent : faire relire par un œil extérieur ma prose et bâtir une stratégie vis-à-vis d’un éditeur, puisque manifestement je ne suis pas douée. Bien sûr la carte de l’autoédition est rangée dans un coin de ma tête mais je persiste à penser à une solution classique.
En furetant dans mes souvenirs, un nom surgit : Valentine. Nous nous sommes rencontrées à plusieurs reprises dans des réseaux divers. Je conserve en mémoire l’image d’une fille assez piquante dont une des nombreuses activités consiste en l’accompagnement d’auteurs dans la gestation de leur œuvre. Elle a donc une bonne connaissance du monde des éditeurs et des arcanes de l’écriture.
Je me jette sur mon téléphone. Nous nous entretenons de mes pérégrinations et de mes interrogations. Réponse : "Super ! Convenons d’un rendez-vous. J’ai un exercice génial à te proposer pour secouer ta créativité". Elle me précise son tarif horaire : 100 euros, "Compte entre deux heures et deux heures et demie", et ajoute qu’elle m’enverra une synthèse des principaux points développés au cours de cette conversation.
Roule, ma poule ! On s’installe confortablement dans un coin privé d’un troquet.
Et là, elle réduit un de mes premiers espoirs à néant en m’annonçant tout de go : "Je ne relis pas les manuscrits" . Ça ne commence pas comme je l’espérais. Je déroule mon histoire de fou. "Tu n’as pas eu de chance, tu as été très maltraitée. Pour susciter l’intérêt d’une maison d’édition, il faut travailler un pitch et en général laisser le plan, l’introduction, le premier chapitre et la conclusion".
On évoque vaguement l’idée d’utiliser mon blog pour publier mon livre au fil de l’eau, comme un feuilleton.
Et puis, nous embrayons. À dire vrai, cette séance ne m’a pas laissé un souvenir impérissable, si ce n’est que le mot « créativité » a été prononcé. Le jeu, car il s’agit d’un jeu, consiste à commenter des phrases tirées au hasard d’un livre dans un ordre précis. On rigole bien. L’ambiance est légère. On fait joujou pendant trois heures et, en sortant, je me sens assez euphorique. Rentrée chez moi, un doute horrible m’assaille. Que me reste-t-il de ces trois heures (à 300 euros) ? Pas grand-chose. Les questions qui me préoccupaient demeurent intactes, sans l’ombre d’une réponse. Quelques jours plus tard, Valentine m’adresse un compte-rendu succinct de cette causerie-fleuve et en guise de résumé, me fait suivre le brouillon de ses notes, absolument illisibles !
Un peu interloquée, je lui rappelle que j’ai abordé cet entretien avec des buts précis que je lui ai mentionnés et dont il m’apparaît qu’ils ont été laissés de côté. Nous n’en avons pas discuté. En particulier, je n’ai aucun élément tangible dans les mains : aucune suggestion pertinente pour reprendre ma rédaction et envisager une publication. J’en suis d’autant plus étonnée qu’elle en connaît un rayon en la matière.
« Ah, bon ! Je ne suis pas d’accord. J’ai traité la demande que tu as formulée. Maintenant si tu en as d’autres, il faut reprendre rendez-vous". "Salut", conclut-elle, et elle raccroche. J’en reste comme deux ronds de flan.
Un coup d’épée dans l’eau à 300 euros. Une petite voix suave murmure à mon cerveau désappointé : "Bon, Hélène, pas de panique, on va faire autrement". (...)
Et brusquement, une inspiration jaillit : Julia !
Hélène de Montaigu
"Pour qui je me prends ? ou les tribulations d'un apprenti auteur"