Ce nouveau one-shot signé Marc-Antoine Mathieu (Dieu en personne, Julius Corentin Acquefacques,
3 secondes, Sens) invite à suivre la crise existentielle d’Otto, un artiste pourtant arrivé au sommet de son art.
C’est la mort de ses parents qui va précipiter le questionnement existentiel d’Otto. Il reçoit en effet une malle en héritage, contenant l’intégralité des faits et gestes des sept premières années de son existence. Il décide alors de s’isoler du monde et de revivre les sept premières années de sa vie en temps réel. Lui qui n’avait que très peu de souvenirs de son enfance, découvre progressivement que tout ce qu’il est devenu était déjà pré-écrit dès son plus jeune âge. En ayant subitement accès à l’intégralité de son tissu originel, il réalise qu’aucune de ces actions et de ses choix artistiques ne relève du « libre arbitre »… que tout n’est qu’illusion et que son œuvre n’est finalement qu’une énorme imposture!
Adepte de sujets conceptuels, Marc-Antoine Mathieu propose une introspection philosophique qui invite le lecteur à se poser des questions existentielles et à s’interroger sur sa propre identité. Si l’approche est une nouvelle fois brillante, j’ai trouvé le manque d’empathie envers le personnage principal un peu dommage. Le lecteur a en effet beau revivre son enfance en sa compagnie, c’est surtout la démarche intellectuelle et l’observation purement factuelle qui intéresse l’auteur. Ce sentiment de distance envers ce personnage que l’on n’apprend jamais à véritablement connaître se retrouve encore renforcé par une narration en voix-off.
Visuellement, le talent narratif de cet auteur qui recherche constamment les limites de l’art séquentiel n’a plus besoin d’être démontré. Usant d’un trait précis et minimaliste, il propose un dessin noir et blanc d’une sobriété renforcée par l’absence de phylactères et merveilleusement mis en valeur par ce format à l’italienne très élégant. Comme d’habitude, l’auteur tente de repousser les limites du neuvième art en jouant avec les cadrages, avec les concepts et avec la géométrie des formes. Ici, ce sont les reflets et les jeux de miroir qui jouent un rôle prépondérant. Ces miroirs sont comme des fenêtres qui permettent au personnage central de s’observer tout en se redécouvrant au fil des pages.