Du côté des individus, qu’il s’agisse de consommateurs, d’électeurs ou quoi que ce soit d’autre, un bon storytelling, efficace, passe par ces moments uniques, intenses, où ils se racontent des histoires. Sur une marque, un candidat à une élection, leur responsable hiérarchique, une entreprise dans laquelle ils aimeraient travailler… C’est alors une appropriation authentique de cette histoire qui se produit. En anglais, il y a une injonction en 3 mots qui résume cela : “own your story” (”soyez “propriétaires” de votre histoire).
Laisser le public se raconter son storytelling à partir d’une histoire qui lui aura été racontée est donc essentiel.
Par contre, quand c’est une marque, un candidat, une entreprise… qui fait la même chose : est-ce que nous sommes dans la même configuration, la même logique de fonctionnement ?
La réponse est non.
Quelques exemples d’entreprises (et autres) qui se racontent des histoires :
C’est Bayer, qui veut se faire appeler “Baayeueueur”, sans que l’on sache à quoi cela correspond. Pas à la langue allemande, en tout cas : c’est le pays d’origine du groupe, mais pour parler cette langue, je peux certifier que cette prononciation n’est pas allemande.
C’est le laboratoire Mylan, qui veut qu’on l’appelle “Maïlann”, alors que ce nom est en réalité directement inspiré du prénom du fondateur de l’entreprise : Milan, originaire d’Europe de l’Est.
C’est l’industrie agroalimentaire, qui parle de “recettes” pour parler des process industriels de fabrication de ses produits.
C’est Bigard et sa tradition bouchère, avec son usine de plus de 17 000 m² à Quimperlé.
C’est la vague des candidats anti-système à des élections, alors qu’ils font partie du système.
Quel est le problème de ce storytelling ?
C’est un problème basique de communication : comment peut-on se connecter à d’autres personnes si on se parle à soi-même ? On est alors dans l’ego, alors qu’on devrait être dans l’écho. On est alors aussi dans le domaine de la “private joke”, qui ne fait plaisir qu’aux initiés, qui font exclusivement partie de la garde rapprochée de l’entreprise, la marque… Pour tous les autres, ce n’est ni plus ni moins que du spam. Si j’ai envie de dire “Bayère” ou “Milanne”, qu’est-ce que ça peut bien faire ? Pourquoi m’embête-t-on avec ces points de détail de l’histoire que je pourrais me raconter avec ces marques ? Est-ce qu’une prononciation conforme à ce que l’entreprise souhaite fera que, ça y est, je vivrai une histoire forte avec elle ? Ce serait alors une relation très low cost. C’est aussi, ni plus ni moins, qu’une continuation d’une communication monologue, top-bottom, sans potentiel. L’accroche bateau de Mylan : “La confiance n’est rien sans la qualité” ou celle de Bayer “Science for a better life”, ne fait que confirmer ce manque d’ambition.