« Adieu, rivage, adieu… » – chez Sainte-Beuve ; « Voguons. Vers où voguer ?... » chez Pouchkine. Ce n’est pas simplement la reprise d’une image. C’est une citation. Je veux dire, la désignation de l’autre en soi dans un poème lyrique, et un salut, lancé d’une langue à l’autre, d’une littérature à l’autre, d’un style à l’autre. L’autre, dit Pouchkine, est en moi comme un frère. Je ne suis pas que moi.
Mandelstam, près de cent ans plus tard, parlera de la citation (sur laquelle il fonde sa propre langue poétique) comme d’une cigale. En russe : tsitata-tsikada (la citation-cigale). Pas seulement la présence constante, en arrière-fond, pas seulement la mémoire, mais le salut, et le sourire de la reconnaissance.
André Markowicz, Partages, vol. 2, éditions Inculte, 2016, p. 425
ndlr : André Markowicz, lorsqu’il écrit ces mots, vient de donner un extrait de « Calme », tiré de Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme, publié par Sainte-Beuve en 1829 et précise que c’est un livre auquel Pouchkine a consacré un article presque immédiatement, et qu’il cite encore, dans plusieurs autres poèmes.