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Haïti, des élections, malgré tout.

Publié le 23 novembre 2016 par Pierre Thivolet @pierrethivolet

Haïti, des élections, malgré tout.

Et soudain du chaos surgit tant de poésie !

Haïti vient enfin de voter pour des élections présidentielles qui auraient déjà dû se tenir il y a ... des mois. Mais la violence, la corruption, les catastrophes, les divisions, un cyclone, rien n'a été épargné à ce pays de rien du tout qui vit toujours dans la mémoire de ses ancêtres. Il y a deux cents ans, les esclaves de Saint-Domingue, la plus riche colonie de toutes les colonies françaises ont eu l'arrogance de se soulever et dans un monde blanc, européen, dominé par le système esclavagiste de revendiquer"Liberté, égalité, Fraternité". En cela les haïtiens sont nos frères en Révolution. Mais notre fraternité s'est arrêtée là. Et depuis, l'histoire d'Haïti semble n'avoir été qu'une suite de malheurs. Haïti pays maudit.Mais ce n'est pas exact. Haïti n'est pas un pays maudit, mais d'abord un pays puni. Puni pour avoir été "la Première République noire", pays mis au banc des nations pendant près d'un siècle pour avoir cru le premier que tous les hommes naissaient libres et égaux en droit, pas seulement les blancs, mais aussi les noirs. Puni aussi, pour n'avoir jamais eu d'autre ambition que celle d'être libre, indépendant, désarmé, fragile donc ouvert à toutes les dominations, celle des américains bien sûr. "Si loin de Dieu , si près des Etats-Unis". Celles des mafias de toutes sortes aujourd'hui. Et pourtant du fond de l'abîme où ils semblent s'enfoncer chaque année un peu plus, les haïtiens trouvent encore la force de rebondir, de créer, de composer. Même si cela ne nourrit pas son homme, il semble que depuis l'indépendance en 1804, Haïti soit habitée par une incroyable flamme créatrice.
Dans les années 1940, Port-au-Prince la capitale recevait les plus grands écrivains, les plus grands intellectuels, de grands romanciers y étaient publiés, ainsi que des journaux brillants, des revues de poésie. Même si cela a été dévoyé, détourné par des dictateurs sanguinaires et sans scrupule comme Duvalier, le peuple haïtien semble toujours habité par la conscience d'être les enfants des combattants de la Liberté, de l'indépendance,Toussaint, Dessalines.  
Ayiti, sé manman libeté. Haïti c'est la mère de la Liberté. Ça paraît bête et pourtant cela semble lui donner une force stupéfiante . Que ce soit en créole ou en français - et bravo à l'Académie française d'avoir accueilli enfin Dany Laferrière, d'origine haïtienne - le sens de la poésie, le goût pour la belle langue des haïtiens est bluffant. En musique il y a bien sûr les grosses machines du kompa haïtien et de ses variantes américanisées. Mais il existe aussi toute une tradition de troubadours, de petits musiciens poètes, crèves la faim , traines guenilles  qui avec une guitare, ou un banjo ou un mannouba - quelques lamelles de métal fixées sur une caisse - reprennent , inventent des aubades d'une grande poésie, parfois pleines d'humour et de malice, parfois "coquines", le plus souvent triste ou plutôt emplies de "saudade", de la nostalgie de temps heureux ou de paradis perdus. A l'image d'un Ti-Paris, dont le seul notice sur Wikipedia dit "Achile Paris Ti Paris est musicien, auteur, compositeur, troubadour. Il est né à Jacmel en 1933 et y est mort en 1979." 
A 48 ans, de pauvreté, dans l'indifférence générale. Et de génération en génération, ce goût pour la poésie, cette créativité qui touche d'ailleurs tous les domaines, se transmet. Et même si on le sait, chaque nouvelle découverte est toujours aussi émouvante. Et qui est sans doute lié à cette aspiration pour la justice et liberté qui semble chevillé au corps des haïtiens envers et contre tout . Et qui vient encore de se manifester ces derniers jours avec le déroulement dans le calme, mais dans des conditions matérielles dramatiques, d'élections présidentielles repoussées depuis un an. Au milieu des ruines laissées par le dernier cyclone, le dernier tremblement de terre, dans la boue, la poussière, les fatras, les ordures, la corruption, le choléra, la violence, croire encore à la démocratie et aux élections, bravo !Et résonne la musique d'un BélO et des ses amis, qui tracent leur route depuis quelques années et qui chante Wozo: Roseau. "Ayiti tu es manman Libété. Nous sommes des roseaux, nous plions, mais ne rompons-pas!  Quelle incroyable confiance en l'avenir!
Nous vivons une e-poque formidable.

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