Fondateur du centre de CNV (Communication non Violente) et auteur des « Mots sont des fenêtres », M.B Rosenberg, docteur en psychologie clinique, met à notre disposition un outil pour améliorer notre relation aux autres et aussi à nous-même.
Lorsque l’on commence à lire l’ouvrage de Rosenberg, le premier réflexe est parfois de penser que ce serait plus facile d’apprendre le chinois. Autant dire que notre éducation ou nos éducations, devrais-je dire, nous ont formatés de telle sorte, dans un esprit soit de compétition, soit de jugement, soit d’exigence qu’il nous parait insurmontable de nous libérer de ces conditionnements de pensée et autres comportements qui peuvent conduire à une mauvaise compréhension des autres et par conséquent de nous-même.
Pourtant le principe est simple : il suffit d’identifier ce que nous observons (des autres, de nous-mêmes, des situations…), de distinguer nos sentiments des interprétations mentales, d’assumer la responsabilité de ces sentiments, de discerner nos besoins et de formuler la ou les demandes qui contribueraient à changer la donne initiale et par conséquent à mieux communiquer.
Cela assimilé, on peut alors recevoir avec empathie les messages de ceux qui nous entourent, manifester une compréhension respectueuse à tout message reçu, dire ce que nous désirons sans susciter d’hostilité et s’exprimer sans les réflexes d’auto-défense qui provoquent souvent colère, chagrin ou déprime.
Tout cela parait incroyablement théorique ? Affreusement prêchi-prêcha ?
Pour illustrer la théorie précédemment expliquée, je vais vous confier mon témoignage.
A une certaine époque pas si lointaine, je traversais une période de grand chagrin suite à un deuil. Inutile de préciser combien je n’étais pas contente de la vie. J’avais l’impression de subir les évènements. De me consacrer uniquement à ceux qui partageaient la même épreuve.
Maintes fois, j’avais essayé d’aborder la CNV qui me paraissait totalement hermétique. Puis une nuit de déprime et d’insomnie plus intense que les autres, j’ai ouvert ce livre. Des phrases m’ont éclairée et ont déchiré le voile de ma détresse. S’imposa une question : n’étais-je pas en colère parce que mes besoins vitaux étaient insatisfaits ?
Oui, j’étais en colère parce que je me préoccupais plus de combler les besoins de deux de mes proches que les miens, occultés, reniés et tus. Oui, tout bien ressenti, j’étais en colère depuis très longtemps parce que, pendant mon enfance, je m’étais conditionnée à satisfaire en priorité les besoins de mes parents puis des autres ensuite.
Telle la sorcière de Kirikou, j’étais en colère parce que j’avais mal.
Et j’avais mal parce que je m’appliquais sans cesse à faire taire cette colère pour être disponible aux autres.
Mal de ne pas entendre mes aspirations profondes. (Hormis l’écriture qui s’est toujours imposée à moi – comme une passion, un sacerdoce, un jeu, un plaisir, un but…)
Cette nuit-là, grâce à la CNV, je réalisai que j’avais le choix – le libre arbitre de ma vie.
Si je disais : « je choisis de faire ça », cela me semblait plus juste, moins lourd, moins insupportable que si je disais : « je dois, il faut »…
Il n’y a pire aliénation que celle que l’on s’impose.
La douleur est un obstacle à l’empathie et nous coupe des autres. Elle créé un effet miroir aliénant comme l’empathie peut en créer un autre, dans la bienveillance.
Lors de ce voyage au bout de la nuit, j’observai mes comportements passés et récents.
Je cédais à la demande d’un de mes proches parce que j’avais peur qu’il se retrouve en danger. Pour lui éviter d’éventuels accidents, j’aurais fait n’importe quoi afin de ne pas revivre le traumatisme ressenti à la mort de mon mari. La peur n’évite pas le danger, dit-on. Et l’on ne peut garantir de sécurité maximale ni d’assurance tous risques. C’est ainsi.
Comme l’écrit un poète, « c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ». Il en est de même pour nos moments de détresse.
Le but ultime étant de trouver nos zones de confort, de détente, d’allègement et de consolation – même et surtout – dans les pires tourmentes.
A mon sens, nous ne pouvons y parvenir, parvenir à ces oasis de confort ou d’apaisement, que si nous prenons soin de nous-même en amont, dans la bienveillance, en développant l’écoute de nos ressentis, de nos sentiments, de nos besoins, de nos demandes pour mettre en pratique cette non-violence prônée par Gandhi non plus comme une philosophie ou un argument politique mais comme un art de vivre ou plus encore comme une nouvelle façon de respirer.
«Les Mots sont des fenêtres », M.B Rosenberg, Edition la Découverte