Aujourd’hui, à l’occasion du festival Blues sur Seine je rencontre Jim Zeller et Jean Millaire, a peu prêt une heure avant leur concert en ouverture du festival et en première partie de cette soirée. Que dis le « GodZeller » ?
– Salut Jim, nous sommes ravis de pouvoir te croiser ici aujourd’hui, comment vas-tu aujourd’hui ? Tu es un habitué du festival Blues sur seine il me semble ?
Salut, ça va bien ! En effet, nous sommes en tournée avec Jean Millaire, sous la forme d’un duo. Cela fait quelques années que nous n’étions pas revenus en France, on est très heureux d’être en ballade dans le coin ! C’est la deuxième fois que je joue à Blues Sur Seine, la troisième pour Jean. Ça doit être la 18ème édition du festival, et c’est impressionnant cette longévité avec une programmation Blues. C’est remarquable et c’est vraiment bien. Ca doit être la 20ème fois que je viens faire une tournée en France, donc habitué oui bien sûr ! Jean et moi avons tourné pour la première fois en France en 78, on en parlait justement. C’est marrant on a démarré dans des groupes différents, et nous voici ici alors qu’on commence à être « pas mal vieux ». C’est bien tout ça. Et puis beaucoup d’artistes Français viennent tourner au Québec, on a quelques contacts, et au fur et à mesure des tournées on s’est fait de bons amis parmi les bluesmen français. On se retrouve au Québec ou ici, et lors des festivals. Quand on vient en France, une partie du publique ne nous connais pas, et je suis fier de pouvoir proposer quelque chose de nouveaux, plein d’énergie, spontané et avec notre personnalité.
– Je vais te poser tout de suite une grande question, Quand tu as commencé à jouer fin ’60 début ‘70… Pourquoi l’Harmonica et pourquoi le Blues ?
Quand j’ai eu 10-12 ans, je chantais beaucoup. Puis je suis allé chez un pote d’école, il avait des harmonicas dans sa chambre. J’en ai mis un dans ma poche et je suis parti avec. Le premier harmonica de ma carrière, je l’ai volé tu vois. Derrière ça, vus que je chantais à l’époque, tu gardes l’harmonica dans la poche puis tu peux le sortir facilement, c’est comme une extension de la voix cet instrument ! Tout de suite je me suis identifié à cet instrument. Puis à ce moment-là, c’était le début de l’arrivée du son rock British aux états unis. Via les Rolling Stones, les Animals etc… et je suis allé chercher encore plus loin, dans le Blues qui étais les racines de ces groupes que j’écoutais et que j’aimais. La première chanson que j’ai vraiment pris le temps d’apprendre c’était "MIDNIGHT RAMBLER" des Rolling Stones tu vois. Sur un feeling de Blues Blanc. Pour moi l’harmo c’est vraiment une extension de la voix, c’est un instrument de Hobo. Quand j’ai eu 15 ans, je suis partis tu vois. J’ai pris la route, j’ai fait une fugue. C’était l’époque de Woodstock, ça explosai la culture à ce moment-là. Vu que je chantais déjà, l’harmonica s’est imposé comme l’extension de mes paroles, c’est pour ça que je l’ai choisi.
– Tes compositions sont inspirées d'énormément de styles, de couleurs, et d'idées différentes. Pour toi la musique n'a pas de limite ?
Hier soir j’ai eu l’occasion de jouer avec un harmoniciste de Chicago. Dans le Magic Mirror du Festival Blues sur Seine. On a fait quelques morceaux ensemble et puis il m’a dit : putain Jim, tu fais tellement de choses à l’harmonica, et des trucs que je ne suis pas capable de faire. Je lui ai répondus, oui mais si je ne possédais pas les bases que tu connais par cœur. Les Racines pur : Le Blues et sa structure en 12 Mesures, les riffs d’harmo de Muddy Waters, et Howlin’ Wolf. Je lui ai dit ça : si tu ne connais pas l’alphabet, et bien tu ne peux pas écrire ! Si tu ne connais pas les lettres, et tu ne connais pas les mots tu ne peux rien faire de nouveaux. Donc si tu veux aller plus loin, dépasser les limites, la première chose c’est d’apprendre l’alphabet et l’origine et la pureté. Le Blues, les racines, au début pour moi c’était Paul Butterfield et Charlie Musselwhite. Puis comme je te disais j’ai fait une fugue étant jeune. C’était le temps des hippies, c’était Woodstock. J’ai fait le tour de l’Amérique du Nord, le Canada de l’Est à L’Ouest et jusqu’à l’Alaska. Puis les états unis, jusqu’à San Francisco. Quand je suis revenu, j’avais beaucoup de bagage musical et beaucoup d’ambition. Alors j’ai commencé à retrouver les musiciens de mon village ou j’ai grandi. Puis j’ai terminé mon éducation à l’harmonica avec les grands classique. Jusqu’à ce que je sois embauché dans un groupe avec un chanteur de Detroit et avec Jean à la Guitare. C’est là qu’on a commencé à tourner. Et on a été très chanceux parce qu’on a pu faire les premières parties de Muddy Waters, Willie Dixon, BB KING, donc la scène c’était notre éducation. C’est là qu’on a pu voir la pureté et la valeur du Blues. Mais on avait nos propres affaires à faire. Le pur Blues, je ne trahi pas ça, mais c’est sûr que l’imagination et ce qu’elle est capable de nous apporter. On respecte le Blues, il y a un gros esprit Rock n Roll, mais ce qui est beau c’est créer avec tout ça, et pour ça il n’y a pas de limite.
– Quel est l'artiste qui t'as le plus influencé au début, quand tu t'es dit "c'est ça que je veux faire" ? Et au fil des ans, est-ce que ton influence majeure a changé de visage ?
Je peux dire à l’époque, quand j’ai commencé, celui qui m’a le plus inspiré c’était Jimi Hendrix. Clairement parce qu’il s’éclatait. C’était un innovateur, son imagination n’avait pas de limite. Au niveau de la performance, j’aimais beaucoup Jim Morrison, Eric Burden, Paul Butterfield, les Rolling Stones off course. Ils font partie de notre encyclopédie musicale. Quand j’ai commencé ma carrière c’est en 1974/75. Quand tu regardes la musique de cette époque. Bien sûr, il y avait eu des choses avant, mais là. Avec mes premiers groupes, on reprenait du Santana, du Led Zeppelin, mais tu apprends ! Puis tu commences à t’exprimer avec ton style. Les temps changent, mais en fait, y’a rien qui change. C’est les mêmes recettes et la même histoire. Mon intention ça a été de mettre l’harmonica dans des formes musicales, et dans des styles ou on ne l’attendait pas. Surprendre avec, et m’éclater avec. Sortir du standard du solo de Blues sur la grille avec des petits passages. Bien sûr il faut le maitriser, mais rapidement j’ai voulus dépasser tout ça. J’étais « un ptit anar’ » comme on dit chez nous au Québec. C’est comme, un grand musicien Canadien un jour m’a dit : L’harmonica c’est comme le Tabasco, si t’en met partout ça deviens immangeable. Si t’en met juste comme il faut ça deviens magique. Niveau Influence, lui, c’était mon mentor. Et au fil des ans, et remis dans le contexte, les critères et les règles de cet instruments étaient posés mais assez rudimentaires. Des Blancs sont arrivés et ont fait virevolté ces limites et ont eu beaucoup d’influence. Il y avait Magic Dick, John Mayall etc… d’un coup il y avait un appétit pour écouter cet instrument. Et d’un coup, les stars se sont faites. Quand il y a des Stars dans le domaine, c’est facile d’apprendre, parce que t’as la passion et t’as faim, t’as envie d’en bouffer ! Tu veux gober toutes ces informations, et c’est comme ça que tu progresse au fur et à mesure.
– Qu'est-ce que tu écoutes et qu'est-ce que tu aimes dans la musique d'aujourd'hui ?
C’est tellement varié ! Je peux écouter Coldplay, je peux écouter celle que Jean viens de me faire découvrir et qui a joué avec Jeff Beck : Imelda May. Tu sais avec ma Blonde, on fait des soirées jusqu’à tard le matin, et on finit sur le canapé à se mettre un morceau sur You tube chacun son tour. Et là ça peut être des vieux tubes d’il y a 30 ans, tout comme des super morceaux d’il y a 2 ans. C’est varié ! Maintenant je suis plus porté par l’interprète, le chant, et l’attitude, alors qu’avant j’étais plus sur la virtuosité et la technique. Mais y’a pas de qu’est-ce qui est bon maintenant ou avant. Ce qui est bon est toujours actuel. Quelque chose qui est bien, ça inspire et ça inspirera toujours. Tu peux le passer au processing pour le remettre à jour plus tard.
– Ton top 5 des plus grands Harmonicistes ?
Le top … Je dirais …
Little Walter c’est surement le TOP.
Sonny Boy Williamson
Paul Butterfiled
Tootsie Hoomans pour l’harmonica Chromatique.
Steevie Wonder
– Est-ce que tu as un St Graal du matériel musical ? Un ampli, une guitare de rêve, un micro ou autre ?
Non, non. Ce que j’aime c’est avoir une versatilité qui se transporte bien. J’ai mon matériel, en direct sur le système de son. Et ça me suffit. C’est sûr que quand on va en studio le microphone static de 1950 sur le Fender Tweed Vintage c’est le son que je vais rechercher. Mais c’est pas quelque chose qui me tracasse, mon truc c’est plutôt de pouvoir faire tous ces trucs vintage, et mes trucs techniques, sur mon matos. J’arrive, je plug, et crac ! Ca envois. Le reste, c’est se disperser et entrer dans la quête infini du son… c’est bien, c’est cool, mais y’a pas grand-chose de nouveau quand tu fais ça. Après, j’ai rien contre ça, ce qu’il faut garder en tête c’est que t’es pas obligé d’avoir l’ampli de collectionneur a 14000€ pour faire ce son si t’es capable de le faire toi-même avec pas grand-chose.
– Si tu devais choisir un album pour emporter avec toi dans ta tombe, le seul, the Best, lequel prendrais-tu ?
That’s a good question …. Je réfléchis, je prends un petit café pour penser… "LET IT BLEED" – The Rolling Stones ! C’est un album tellement riche, avec des bouts de tout ce qu’on aime.
– Ton Meilleur souvenir de live, ou de Jam sur scène ? Et est-ce que tu as un pire souvenir ?
C’est difficile, parce qu’il y en a eu beaucoup. Parmi les spectacles récents, il y a eu certains shows qui m’ont fait me sentir très fier et qui m’ont pris totalement. Parmi ceux-là, je vais citer le FestiBlues de Montréal. C’était le premier show depuis la sortie du dernier album Jim Zeller – Circus. On venait de monter tout ça, et on s’apprête à jouer le Thème revisité de « Il était une fois dans L’ouest » de Sergio Leone, il y avait 10000 personnes. J’ai démarré le thème, puis d’un coup, quand le Band a Embarqué là je te jure, je m’en rappellerai toujours. Il y avait quelque chose avec le public. C’était magique. On a senti qu’on avait pris tout le monde, et ce moment de partage avec le groupe. C’était super. Ça c’est un meilleur souvenir. Le pire …. Ça peut arriver d’un jour à l’autre. Il m’est arrivé, un show sur les plaines d’Abraham, j’embarque sur le stage, il pleut, et juste pour commencer le show. Il y a un roadie qui passe juste devant moi, qui percute le micro sans fil et me le balance directement dans la bouche juste avant le premier morceau. Je te laisse imaginer que ca a pas été fun, mais bon, on essaye de filtrer les mauvais moments. You never know, et ça importe pas, c’est d’avancer qui compte. Avec ma blonde on se dit ça : de toute façon le pire, c’est pas grave, si tu rencontres 9 personnes qui te font passer un mauvais moment, le 10ème vaudra le coup. Donc ça vaut toujours le coup d’avoir la patience et d’attendre, y’a toujours un bon qui finis par se pointer. That’s the way ! Faut avancer.
– Le Futur proche de Jim Zeller, c’est quoi ? Un album à la suite de Circus ? Une tournée, un clip, un film ?
Oui, bien sûr des tournées de toute façon. Ça c’est perpétuel, mais qu’est-ce qui véhicule les tournées ? C’est un nouvel album. Il y a déjà 4 – 5 morceaux pour le prochain. Et chaque jour on travaille un peu dessus.
Super, Jim, on te remercie pour ce super moment passé ensemble, et on te souhaite une bonne continuation pour cette tournée Française.