Hors des extériorisations naturelles de l’énergie (énergie thermodynamique, énergie cinétique, etc.), sa manifestation première dans le domaine de la musique, est essentiellement sensible dans l’intensité du son. Cependant, elle se manifeste aussi dans maints paramètres de l’écriture (masses, hauteurs, durées, vitesses, répétitions, etc.). Plus généralement, cette énergie première sous-tend la dialectique tension/détente qui anime le discours. Avant Beethoven, les phénomènes d’énergie, inhérents à la musique, pouvaient certes se montrer spectaculaires (début de La Création de Haydn ou la mort de don Juan dans le Don Giovanni de Mozart), mais ils étaient masqués par des considérations esthétiques. Avec Beethoven, l’énergie découvre son visage, elle devient une valeur en soi, quelles que soient les finalités expressives qu’elle sert. On lit chez lui une stratégie délibérée, une véritable poétique de l’énergie qui se traduit par une grammaire avec un vocabulaire et une syntaxe propres.
Bernard Fournier, Le Génie de Beethoven, Fayard, 2016, p. 63