Petit article à l'occasion de primaires qui ressemblent déjà à une répétition générale des élections présidentielles. En effet, s'il faut éviter l'écueil de penser que tout est déjà joué (la victoire de Donald Trump nous le rappelle plus que jamais), on pourra ici évoquer quelques impressions se dégageant des primaires, aussi bien pour le second tour qui va arriver que pour les élections présidentielles qu'elles annoncent. Il faudra également prendre en compte l'actualité politique plus ou moins annexe, qu'il s'agisse des primaires à gauche, de Macron ou de... Michèle Alliot Marie.
Forte mobilisation
Tout d'abord, nous l'avons senti dès ce matin, la première donnée impressionnante, et bien sûr déterminante, fut la forte participation à cette primaire. En effet, plus de 4 millions d'inscrits sur les listes électorales ont fait le déplacement, payé 2 euros, signé la charte et exprimé un vote en faveur d'un candidat appartenant à la droite ou au centre. Ce chiffre est impressionnant et inespéré, en témoignent les files d'attente et difficultés d'organisation observés dans les bureaux de vote.Un tel événement va dans le même sens que le succès des primaires socialistes d'il y a 5 ans. Ce système commnence donc à faire son chemin dans les élections présidentielles, comme une répercussion indirecte du 21 avril 2002. C'est en effet le soucis de ne plus multiplier les candidatures de chaque bord qui a amené au principe d'une primaire. Ce ne sont donc pas des primaires à l'Américaine mais des primaires "francisées", adaptées à notre système électorale (jusqu'au scrutin uninominal à deux tours). Le problème est toutefois le suivant : que va t-il rester pour la campagne présidentielles quand les médias nous auront "saturés" avec cette campagne et celle de la primaire socialiste ?
De là à y voir une installation définitive, rien n'est certain. Car si l'objectif était de filtrer pour préserver les partis de gouvernement de la désunion pour écarter le FN du second tour, il ne semble pas que cela soit suffisant pour les élections de l'année prochaine.
Tendances et second tour
Venons-en à l'essentiel : les résultats. Le maître mot des derniers jours était le suivant : suspense. La remontée galopante de François Fillon dans les sondages perturbait en effet de longues semaines d'un duel Juppé-Sarkozy. Force est de constater que les sondages ont probablement minoré cette vague qui semble se confirmer de bulletins en bureaux de vote. Après près de 8 000 bureaux de vote, les résultats étaient en effet les suivants :-François Fillon : plus de 43 pour cent. -Alain Juppé : plus de 27 pour cent. -Nicolas Sarkozy : plus de 21 pour cent. -Bruno Le Maire : 2,6 pour cent. -Nathalie Kosciuzko-Morizet : 2,5 pour cent. -Jean-Frédéric Poisson : 1,4 pour cent. -Jean-François Coppé : 0,3 pour cent.
Le suspense est donc retombée et quelques leçons doivent en être tirées :
-Nicolas Sarkozy n'a pas réussi son pari de retour, n'atteignant même pas le second tour de la primaire. Il a très rapidement annoncé son ralliement à son ancien premier ministre, François Fillon, ce qui est logique au regard de leur proximité politique. Ses militants de LR n'ont pas suffi, le désaveu des français est trop grand.
-Alain Juppé a bel et bien fondu. Auteur d'une campagne peut-être un peu longue, il s'est essoufflé sur la dernière semaine. Il doit très probablement sa deuxième place à des électeurs... de gauche. En effet, les estimations tablent sur 15 pour cent des votants provenant de la gauche pour ce soir, ce qui est loin d'être anodin, ceux-ci ayant profité de l'occasion pour voter pour un candidat centriste en espérant faire obstacle à l'ancien président. Seront-ils toujours aussi nombreux pour le faire gagner face à François Fillon ce soir ? Probablement un peu moins et cela risque d'être très insuffisant.
-François Fillon bénéficie d'une ligne droite incroyable et réussit non seulement à renverser la vapeur, mais également à devancer tout le monde de manière éclatante. Son positionnement politique ferme et sa tempérance (voire son flegme) ont fait de lui un candidat attractif, apte à l'emporter sans faire de concession ou promesse au centre ou à la gauche. Il a bénéficié de l'élan mobilisateur, les derniers sondages ayant eu l'effet de mobiliser son électorat.
-Les autres candidats ont été complètement soufflés par la mobilisation. Le suspense ayant sans doute mobilisé plus de personnes dans le trio de tête que pour les restes, les 4 autres candidats ne péseront pas grand chose pour le second tour. NKM et Bruno Le Maire sont encore au coude à coude pour une place d'honneur qui ne l'est plus tellement. Jean-Frédéric Poisson finit honorablement au regard de sa notoriété et de sa faible audience médiatique. Jean-François Copé finit en revanche laminé par plusieurs années de difficultés politiques : son retour lui revient comme un boomerang en pleine figure.
Demain, les présidentielles
Élargissons à présent la réflexion et la prospection. Il n'y a plus grand doute sur l'identité du candidat : pour François Fillon, le second tour devrait être une formalité. Mais attention à la démobilisation toutefois, même s'il paraît impossible à Alain Juppé de s'approprier l'électorat Sarkozyste après une longue campagne anti-sarkozyste. Encore une fois, quelques enseignements liés à la victoire promise à François Fillon peuvent être énumérés :
-François Fillon bénéficiera probablement d'une grande légitimité. Il rassemble en un seul tour pas loin de la moitié des suffrages alors que la mobilisation était déjà exceptionnelle. Cette base électorale et la dynamique dans laquelle est se trouve le place magistralement pour les élections présidentielles de l'année prochaine. Il semble improbable que cette fois-ci, les Républicains (et leurs "extensions centristes") se divisent. Et ce n'est pas Michèle Alliot-Marie qui perturbera ça.
-Ces résultats ne sont finalement pas une si mauvaise nouvelle pour la gauche, ni d'ailleurs pour Emmanuel Macron, bien que de nombreux électeurs de gauche aient participé (sans doute en faveur de Juppé). En effet, cela clarifie les lignes à droite où Fillon ne misera pas en priorité sur des positions centristes. Cela profite bien sûr à Emmanuel Macron (s'il parvient à se présenter) et au futur candidat du Parti Socialiste. Il faudra cependant avoir des clarifications à gauche (en particulier sur les candidats du PS et sur la Gauche Radicale) pour confirmer cela.
-Cette primaire est cependant une moins bonne nouvelle pour le FN. Les 8 pour cent d'électeurs frontistes ayant fait le déplacement se sont sans doute assez éparpillés et n'ont donc en définitive que lissé la tendance. Car si François Fillon est désigné, son positionnement politique sur bien des aspects pourrait bien faire perdre des voix à Marine Le Pen. Qui plus est, il est expérimenté et jouit d'une respectabilité bien plus grande aux yeux des médias et de la classe politique.
En bref, je dirais que le succès de ces primaires est presque trop important : nous avons déjà une grande partie des clefs pour 2017, comme si tout était déjà joué d'avance.
Vin DEX