Les Bulgares battent en retraite dans les marécages
Voici, de notre envoyé spécial à l’armée d’Orient, un télégramme qui a été retardé dans sa transmission et qui, s’il ne nous annonce pas l’heureux événement de la prise de Monastir, le laisse du moins prévoir comme imminent.
(De l’envoyé spécial du Petit Journal.) Kenali, 16 novembre. L’armée de Sarrail est à quatre kilomètres de Monastir. La ligne de Kenali, la ligne que les Bulgares préparaient depuis un an pour nous recevoir, la ligne qui avait résisté déjà à deux de nos attaques, est tombée tout entière. Les Bulgares, dans la nuit du 14 au 15 novembre, fatigués des assauts qu’ils subissaient, épuisés par leurs pertes, ont battu en retraite. Comme ils s’étaient retirés une première fois de Armehor Petorak sur Kenali, ils se retirèrent de Kenali sur la Bistritza, c’est-à-dire de huit kilomètres. Ils sont maintenant à trois kilomètres de la ville dans des tranchées improvisées. Brièvement, au milieu de l’avance qui ne leur laisse pas le temps et de la boue de Kenali, voici comment les choses se passèrent. Depuis quelques jours, les opérations, que les communiqués vous présentaient sous le nom de brillantes attaques, avaient lieu dans la boucle de la Tcherna. Vous appreniez que l’on avait fait cinq cents prisonniers, puis mille, puis que l’on avait pris des villages. Tout cela était en prévision d’un but, du but qui vient d’être atteint. Donc, le 14 novembre, les résultats des opérations qui se passaient dans la boucle étant heureux, l’attaque générale fut décidée sur toute la ligne, à la gauche de Kenali. À midi, deux brigades s’élancèrent, l’une sur le saillant de Kenali, l’autre sur Boukri. Elles durent redonner leur effort à deux heures trente. Les premières tranchées bulgares étaient à nous. La nuit vint avec la pluie et le brouillard. Tout était préparé pour continuer le lendemain matin, quand, le lendemain matin, à cinq heures, nos patrouilles trouvèrent les tranchées vides. Les Bulgares, las, inquiets de la menace que nos victoires de la boucle de la Tcherna font peser sur leur ligne, avaient battu en retraite. On ne trouva ni un de leurs blessés, ni un de leurs morts : ils avaient tout emmené. Ils sont habitués à ce genre de déménagement. Chez nous, tout avance dans les marécages. Nous avons fait huit kilomètres. Nous voyons la fameuse ville comme si nous y étions.
Le Petit Journal, 20 novembre 1916.