Tu t’es battu pour quelques mots
afin de colmater de tes mains
toutes les fractures du monde
Mais les grands mots sans chair ni os
ne tolèrent pas l’humain
Alors tu en as cherché de petits
qui disent juste leur nom
à l’abri des définitions qui suscitent les conflits
C’est un voyage, c’est l’univers que parcourt Nikos Lybéris, pas seulement la terre, ses pays, ses frontières, l’univers qu’il tient dans sa main avec humilité, sous la forme d’un idéogramme : quatre traits suffisent et nous sommes confrontés à une sorte d’espace vide qui nous englobe, les déserts, les fonds marins. Il a choisi pour accompagner la langue grecque dans sa lecture la voix de Judith Kan. Accompagner n’est peut-être pas le mot exact : les deux voix se heurtent parfois, celle du poète jouant comme une basse continue tandis que la voix féminine alterne des élans et des souffles. De ces frottements émergent des mots (dans la traduction de Brigitte Gyr). Le poème dédié à Carlotta Ikeda dit sans doute beaucoup de la quête de Nikos Lybéris. Comment évoquer cette danseuse et chorégraphe japonaise sans y perdre le souffle, sans atteindre une nudité originelle, sans fouiller parmi les signes d’avant les mots ? Judith Kan soutient ce moment étrange, primordial.
Et les montagnes redeviennent montagnes
et les rivières redeviennent rivières.