Il faudrait que je me défasse de cette mauvaise habitude d’écrire sur les expositions à la veille de leur fermeture, mais ces derniers jours ont été un peu trop frénétiques.
Donc, il ne vous reste hélas que quelques heures pour aller voir Nikolaj Bendix Skyum Larsen (NBSL) à la Galerie Vanessa Quang, et je me sens mal de ne pas en avoir parlé avant.
En cliquant sur Vanessa Quang ci-dessus, vous aurez aussitôt accès à la pièce la plus réjouissante de l’exposition (comme je vais là-bas cet été, je vais tenter de le filmer moi aussi) : en quoi l’ordre n’est pas incompatible avec la beauté, ou comment la grâce la plus inattendue peut surgir sous les barbelés (Rush Hour).
Des barbelés, justement, il y en a plein la galerie. Instruments d’oppression, de confinement, de rejet, d’enfermement, (on en avait vu d’autres ici, auprès du chat rétif de NBSL), ils sont ici détournés, sublimés, fictionnalisés. J’avais déjà parlé ici d’un Tumbleweed, mais cette fois, ils avancent en rangs serrés, en bataillons menaçants. Ma fille, qui m’accompagnait ce jour là, suggérait d’en peupler le Turbine Hall. A l’entrée, les barbelés flottent, formant un nuage épais (Cloud). On attend le bras de Dieu qui va en surgir, brandissant la foudre sur les pécheurs, Jupiter ou Yahvé : ciel menaçant, chargé de mauvais présages. C’est avec des matériaux très ordinaires, des récupérations que Nikolaj Larsen construit ses oeuvres; des choses que nous ne voyons pas et qu’il nous rend visibles, en les détourant pour les détourner. Ainsi de ce signe Change, que nous avons tous vu partout, emblème omniprésent de la circulation de l’argent, du tourisme global, et qui, accroché là, nous questionne autrement : changeons-nous (nous-mêmes) ? changeons-nous le monde ? n’est-ce qu’une illusion ? un mouvement qui nous emporte contre notre gré ?
De même ce merveilleux signe en néon, Control Wanted : suis-je à ce point dépourvu de contrôle sur ma vie que je dois en réclamer ailleurs ? notre monde est-il si anarchique qu’il faille y instaurer plus de contrôle ? avons-nous un tel désir d’être opprimé ? Le policier dansant en serait l’autre facette. A partir d’un banal panneau dans une agence de recrutement (qui cherchait des contrôleurs de je ne sais quoi, finance, travaux ou trafic), NBSL nous plonge dans un abîme, là encore détourant pour détourner.
Et ces deux personnages, Chris & Chloé, qui ne sont plus que des signes, homme fragile et femme rejetée, enrubannés, momifiés, figés. Ce sont des mots banals, sur des colis, que nous ne voyons plus et qui, épousant ici les formes du corps humain, prennent soudain une présence inquiétante. Bien sûr, les hommes sont des objets, des marchandises, mais j’y vois plus un travail poétique que politique : mon corps comme sculpture, comme affiche, comme feuille vierge sur laquelle écrire.
Enfin, une vidéo, Portrait of Bill, présente Mr. Balsamico : c’est une pièce que j’ai trouvée moins subtile que les autres, plus directe; au-delà de l’anecdote, c’est la graphie des lettres détournées qui m’y a plu.
Il vous reste à aller en masse supplier Vanessa samedi de repousser la fermeture de l’exposition.
Photos courtoisie de l’artiste.