Que s'est-il passé entre Barroso et Sarkozy ? Rien ne va plus, ou presque alors que les deux hommes avaient su tisser des liens personnels très forts et prometteurs. Avant même les présidentielles françaises, en janvier 2007, lors d'un déjeuner bruxellois ils avaient même conclu une sorte de pacte. Un accord consolidé lors d'un autre déjeuner bruxellois, juste après le "sacre" élyséen de Sarkozy.
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De l'amitié ? N'exagérons pas. Une alliance objective. Le Président de la Commission obtenait de Sarkozy que le futur gouvernement français cesse de critiquer à tout propos la Commission et que le futur Président de la République française favorise la reconduction du Portugais à la tête de la Commission.
Sarkozy en retour, pouvait compter sur Barroso pour sortir la France du piège du referendum, ne pas faire montre d'un excès de sévérité contre la politique économique et budgétaires envisagée par le Français et aider son « ami » à réussir une bonne Présidence du Conseil de l'Union déjà envisagée comme un temps « fort » du quinquennat de Nicolas. Gouverner, c'est prévoir, non ?
Ce pacte a tenu ses promesses. En plus d'une occasion, Sarkozy a rendu hommage à Barroso, lui faisant même des honneurs élyséens que nul Président de la Commission n'avait encore reçus. Et le Président de la Commission qui, en termes législatifs et sous un angle médiatique et citoyen n'a pas exercé un mandat très digne d'éloges, a aidé Sarkozy, y compris dans les moments où l'hyper-président agaçait les services de la Commission et ses partenaires (Angela Merkel, en tête) par ses opérations « je fais cavalier seul » ou « je tire la couverture à moi »
Mais aujourd'hui, les liens ont changé de nature. Barroso ne pouvait pas rester silencieux devant les attaques françaises (de Barnier à propos de la pêche et de Sarkozy lui-même à propos du referendum irlandais). Sans citer le chef de l'Etat et en visant aussi d'autres chefs de gouvernements (Berlusconi, en particulier), il vient de pousser un coup de gueule qu'il aurait du lancer depuis longtemps.
Devant la Conférence des Présidents des Parlements de l'Union européenne, réunis à Lisbonne, José Manuel Durao Barroso a mis en cause les "slogans populistes" de certains dirigeants européens :"Il n'est pas possible de critiquer Bruxelles du lundi au samedi pour ensuite, le dimanche, demander à ses citoyens un vote favorable à l'Europe",(...)Ce n'est pas avec des slogans populistes qu'on réussira à renouveler la confiance des citoyens dans l'Europe"
Le président de la Commission européenne s'est également insurgé contre ceux qui mettent en cause un "déficit démocratique" des institutions européennes. "Au sein de la Commission européenne, il y a plusieurs anciens Premiers ministres, et nous avons tous été élus par le Parlement européen. Il ne faut pas tomber dans la tentation populiste de considérer que la Commission européenne est l'expression de la bureaucratie et de la technocratie", a souligné l'ancien Premier ministre portugais.
En l'occurrence, Barroso a tout à fait raison. Même s'il devrait tenir compte des critiques que lui adresse Jacques DELORS à juste titre. Sa Commission ne tient pas suffisamment compte des préoccupations des Européens, réagit mal ou pas à l'actualité, n'est pas suffisamment à l'écoute des « gens ». Les gouvernements nationaux se préoccupent trop des sondages et des humeurs collectives, mais les commissaires ne s'en préoccupent pas assez....
Ce coup de gueule de Barroso renforce les rumeurs de « mésalliance » entre Barro et Sarko qui amusent (ou inquiètent) les milieux communautaires. Le NON irlandais et le procès en responsabilité fait par Sarkozy à « certains commissaires », tel Peter Mendelson ,a été en fait la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
Premiers nuages : l'idée de Sarkozy de réduire ou d'éliminer le rôle de la Commission dans son projet d'Union pour la Méditerranée. Paris a revu sa copie, mais le trouble était créé. Un trouble accentué par les propositions de Sarkozy sur une diminution de la TVA sur les produits pétroliers. (Ce qui contredit frontalement la stratégie de la Commission)
A propos de l'Irlande, l'entourage de Barroso soupçonne Sarkozy d'avoir critiqué Mendelson pour prévenir des critiques (justifiables) des milieux communautaires contre des propos maladroits de ministres français...
Christine Lagarde, la ministre des Finances, avait heurté une partie de l'opinion irlandaise par ses plaidoyers en faveur de l'harmonisation fiscale européenne : sur le fond, elle avait raison, mais était-ce politiquement opportun. ?
Et Bernard Kouchner, le chef de la diplomatie française, avait rappelé aux Irlandais qu'ils devaient tout ou presque à l'Union : ce n'est pas faux mais ils ont aussi leurs propres mérites et l'on ne se prononce pas par referendum par gratitude.
D'ailleurs, Sarkozy lui-même a été, dans la presse irlandaise et sur les affiches de nonistes, nstrumentalisé d'une façon défavorable au OUI. "lI voudrait que le Oui l'emporte. C'est une bonne raison de dire Non ...Ce que l'on désigne toujours par « l'arrogance française » suscite des agacements dans les petits pays (où elle fait peur) plus que dans les grands (où l'on s'en amuse....).
Dans l'entourage de Barroso on craint aussi que Sarkozy, dans le climat détestable d'aujourd'hui, se prépare à mettre sur le dos de la Commission la responsabilité des difficultés qui pourraient transformer la « présidence française » en échec. Au-delà, comme Sarkozy sait faire de la politique en essayant d'avoir un coup d'avance sur tous les terrains, on soupçonne l'Elysée (où le conseiller le plus influent n'est pas le plus « pro-européen ») de vouloir se dissocier de la Commission pour que le parti de Sarkozy (qui est lui-même miné par la mainmise de l'Elysée) sauve ce qui pourra l'être aux prochaines élections européennes.
L'Elysée reprend avec de moins en moins de discrétion le refrain connu : « la Commission Barroso est le symbole d'une Europe à la fois technocrate et ultra libérale dont les peuples européens ne veulent pas. Se montrer trop proche d'elle risque de nous entraîner dans la spirale de l'impopularité et de nous faire perdre à coup sûr les élections européennes ».
L'Europe bouc-émissaire : le Retour !
Si cela se confirme, ce n'est pas seulement le NON irlandais, l'incertitude tchèque, le suspense anglais et les déchirements au sommet du Conseil de l'union qui hypothèquent la réussite de la Présidence française : c'est le discours élyséen. Mais on ne répare pas des dégâts en en créant d'autres. Sarkozy doit savoir que les enjeux européens des prochains mois dépassent ceux de sa cote de popularité ou d'impopularité
Daniel RIOT
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