"Comment se plaindre d'un monde
où l'on peut tenir dans sa main
de l'herbe, un caillou,
de la glaise, une feuille,
un peu d'eau...
Et continuer
à en avoir envie?"
-Guillevic-
"Longtemps, j'ai maudit mes insomnies.
Aujourd'hui,
j'oserais les bénir .
Ce sont de longs moments de repos, de répit.
Rencontre avec l'immobile,
rencontre avec le silencequi ouvre des voies
où vivre la pleine vie.
Il m'arrive de me faire ruisseau
et de me laisser allerbercé par le courant,
parlant à des pierres.
Et me voici rivière, fleuve
hésitant devant l'océan.Je peux me transformer en ciel azur
saluant ce qui me regarde..Je peux être rocher
vivant en moi les données
d'un silence qui fait communier
l'homme et la pierre
Je peux être tigre ou pigeon,
cheval en liberté.Tant de parcours, de haltes
où s'abreuver.
Jamais je ne prêche
ni ne raconte.Le silence est la religion,
j'en suis le fidèle.L'univers me fait être
l'amour d'une jeune fille.Ensemble nous nous taisons
dans un rêve parentoù le silence
nous fonde en lui."Guillevic
"Je comprends, feuille de papier,
que tu me provoques, m'invite à écrire sur toi.Je comprends que tu en as assez
d'être rien que ce blanc,cet appel incessant du vide
à vouloir qu'on l'occupe.
Vous: les mots,
je vous compare à des chats, à des écureuils,vous, toujours prêts à vous sauver,
vous égarer.
Ce n'est pas que j'ai une folle envie
de quitter le noir pour le clair,de supporter vos regards,
vos espoirs à vous, les mots,
que de moi vienne le salut.
Besoin de la joie d'écrire
ce que l'on espère êtreun poème,
besoin de cette tyrannie
que l'on bénit.
Saisir
ce qui ne se saisit pas,voilà quel est
pour aujourd'hui
mon emploi du temps,
mon devoir.
Soleil, dis-moi
quelle est ta raison d'être,je te donne la mienne: écrire.
.../..."
Guillevic extrait de "insomnies"
-Relier- Editions Gallimard-