Je découvre le travail de Sophie Jomain à travers ce roman qui invite à suivre les derniers jours de Camille, une jeune-femme de vingt-neuf ans qui a décidé d’abandonner son combat contre la dépression en choisissant de mettre fin à son existence par euthanasie.
La première partie du livre permet de découvrir ce mal qui ronge Camille depuis l’enfance. Malgré de nombreuses psychothérapies, la dépression continue de la ronger de l’intérieur jusqu’à la dévorer entièrement. Du rejet de son corps aux crises d’angoisse, en passant par les troubles alimentaires, les mutilations et les tentatives de suicide, cette souffrance ne l’a quitte jamais et le mal-être s’accentue au fil des ans… au point de voir la mort comme une délivrance bien plus douce que le simple fait d’exister.
« Je refusais de grossir sans même en prendre conscience, mais avec le recul, je crois que je pensais que plus j’étais maigre, et moins on me voyait. »
La deuxième partie relate les derniers jours de Camille au sein de l’établissement qui l’escortera jusqu’à la mort. De son accompagnement par une équipe médicale particulièrement attachante à l’incompréhension totale et douloureuse de ses parents, le compte à rebours jusqu’à la date programmée de sa mort est néanmoins parsemé de nombreux moments de bonheur. Ces quelques mois passés au sein du centre lui permettent en effet de quitter le monde des vivants et de la douleur de manière plus sereine et de transformer cette longue nuit sombre en jour…
« Être libre de mourir comme on le souhaite, c’est aussi être libre de vivre comme on l’entend. »
En choisissant de parler de dépression, d’euthanasie, d’anorexie et de boulimie, Sophie Jomain aborde des thèmes particulièrement difficiles, voire parfois même tabou. Malgré la sensibilité du thème, l’auteure trouve néanmoins les mots pour transcrire le mal-être de cette jeune fille et les ravages dévastateurs de cette maladie invisible et bien souvent incompréhensible pour l’entourage. Au fil des pages, le lecteur ira même jusqu’à respecter le choix radical de Camille, même si l’empathie est telle qu’il espère toujours qu’elle changera d’avis.
« Oui, j’ai obtenu et goûté à tout ce qu’une petite fille pouvait rêver d’avoir, mais je ne ressentais pas la moelle de la vie, je ne possédais pas l’essentiel : la raison d’être. »
Le style fluide de Sophie Jomain contribue également à ne pas rendre la lecture trop lourde malgré le sujet. Le récit évite en effet de tomber dans le pathos ou le larmoyant et l’écriture à la première personne permet de suivre les pensées sombre du personnage au plus près. La détresse des personnages est parfois tellement palpable, que la lecture s’avère riche en émotions. Si l’impuissance des parents qui vont perdre leur fille et la souffrance de Camille ne peuvent laisser indifférent, c’est le weekend passé chez sa tante qui m’a personnellement le plus bouleversé. Si le récit permet de comprendre beaucoup de choses sur ce mal qui m’est méconnu, il invite également à réfléchir sur la question de l’euthanasie. Notons finalement que le changement de narrateur lors du dernier chapitre est particulièrement bienvenu, au point de se demander s’il n’aurait pas été opportun de le faire plus souvent.
« Ma mère et moi nous regardons dans le fond des yeux, et il se passe quelque chose. Nous y puisons cette certitude qui n’existe qu’entre une mère et son enfant, celle qu’à un moment de leur vie, ils n’ont fait qu’un, que le souffle de l’un était celui de l’autre, que le cœur du premier distillait la vie dans les veines du second. »
Conquis et terriblement touché !
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