Ironiquement, quand Leonard Cohen est décédé la semaine dernière, je lisais justement The Favorite Game, son premier roman. Tout en lisant trois autres livres en parallèle, j'en étais rendu à la page 212 (de 314).
Notre héros de la rue Vallières, en bordure de la rue St-Laurent, rue à saveur mondiale si il en existe une à Montréal, nous as quitté à l'âge de 82 ans et vous en avez largement entendu parlé. Voilà pourquoi je ne vous en ai pas (re)parlé à mon tour. De toute manière je vous avais parlé de lui pour ses 80 ans, et encore à nouveau, je le revisitais l'an dernier. Sentant probablement sa fin arriver. Et ne me lassant pas du bougre de gentleman.
On lui ferait de très beaux hommages devant son ancien chez lui (il habitait maintenant L.A. depuis longtemps). Dans la nuit de son décès, je tombe sur un joli morceau de propagande de 1964 de l'ONF (rediffusé samedi soir), une heure de Cohen tiré des archives de Radio-Canada et mise en ondes en vitesse, étant donné les circonstances, à la télé de 23h à minuit. Le Cohen de 1964 n'était pas du tout musical. On le voit gratter une seule fois la guitare, en privé, mettant en musique un poème qu'on l'a entendu réciter tout juste avant, devant public. Il n'était que littéraire. Deux recueil de poèmes et un roman, publié seulement en Angleterre. Avec Favourite au lieu de Favorite dans le titre. Il faudrait attendre trois ans après ce film avant d'entendre Leonard en musique et sur disque. Cohen a 30 ans dans ce film et y est tout à fait charmant. Insolent, drôle, charmeur, tendre. introspectif, narcissique et humble à la fois. On sent tout à fait le fils à maman sublimé de Westmount (son père est décédé quand il avait 9 ans). Une grande place est accordée dans cette heure (que j'ai spontanément enregistrée) à Montréal dans lequel il se mouve dans un naturel emprunté en raison de la caméra, mais naïf et modeste tout de même.
Jamais je n'avais connu Cohen si souriant et amusé de la vie.
C'était Cohen avant la guerre. Cohen reborn, mais mort. Très touchant.
Un passage m'a particulièrement rejoint. C'est tout juste après l'unique moment francophone vers la 6ème minute. On y voit même l'hiver qui m'est si cher. Cohen partage alors sa vie en Grèce (avec Marianne), New York et Montréal.
Narrateur: "Quand Cohen est à Montréal, il se terre dans une chambre d'hôtel à 3 $ la nuit"
Cohen: "Dans une chambre d'hôtel tu as toujours l'impression d'être en cavale. Et c'est un des moments de la fuite où tu te sens hors de danger. La chambre d'hôtel est cet endroit pour respirer. Une sorte d'oasis en basse-ville. Un temple de refuge. Un sanctuaire temporaire, donc autant plus délicieux. Chaque fois que j'entre dans une chambre d'hôtel et que je ferme la porte, que la lumière n'est pas encore allumée, éclaire un environnement confortable, anonyme, subtilement hostile, je sais alors que j'ai trouvé mon petit lieu de refuge dans l'herbe."
C'est tout à fait mon rapport au logement en général. Je vous l'ai souvent dit, je suis un homme de condo. Dans une chambre d'hôtel, je suis parfaitement bien.
Nous avons ce condo dans le Nord qui nous fait un bien énorme. Et nous y sommes allés le weekend dernier. Le confort mental est physique qu'on y trouve est toujours formidable. Il n'y a pas que nos téléphones qui rechargent. Il y a ce fil invisible qui nous relie au lac et qui nous empierre la poitrine et nous ramène toujours plus fort. Il y a cet endroit que j'affectionne beaucoup, nettement peu sécuritaire pour de jeunes enfants (mais l'eau n'y est pas creuse) et légèrement abritée par un toit qui ajoute à une intimité en communion avec le lac. Fumeur, j'y traînerais beaucoup.
Il y a cette rivière qui danse, juste assez près de notre terrasse pour faire entendre la musique de sa cadence en permanence. Ma part Atikamekw se sent chez elle.
En trottant dans les bois j'ai pris connaissance du mot d'adieu d'Adam Cohen à son célèbre père laissé sur Facebook. J'ai souri quand j'ai constaté qu'il évoquait lui aussi le confort.
Je ne vous ai parlé que de ça, aujourd'hui.
Cohen était confort.
Les 100 pages qui me restaient se sont lues toutes seules.
En fait non.
Elle se sont lues en écoutant les trois premiers albums de Leonard.
Dans un moment de recharge que je n'échangerais contre rien.
Dans un refuge que je n'échangerais pas non plus.
You have always been here.
The world is all forgetting,
and the heart is a rage of directions,
but your name unifies the heart,
and the world is lifted into its place.
Sincerly, H.Jones