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Marxisme et christianisme (2/5). Par Roger Garaudy

Par Roger Garaudy A Contre-Nuit

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C'est la vocation même du socialisme, depuisMarx mais déjà avec les grands utopistes qui l'ontprécédé et dont il recueillait consciemment l'héritage,de se donner pour tâche non pas seulement dechanger le système de propriété et l'organisationdu pouvoir politique, mais de créer l'ensemble desconditions sociales permettant un plein épanouissementde l'homme et de chaque homme.Que Marx ait découvert les fondements d'uneméthode scientifique d'analyse du développementdes sociétés, que Lénine et de grands révolutionnairesà sa suite aient mis en oeuvre cette méthodepour élaborer les techniques de la prise et de l'exercicedu pouvoir, que ces deux contributionsmajeures à la création continuée de l'homme parl'homme aient été perverties par leurs successeurs,rien de toute cette histoire de la découverte desméthodes puis de leur détournement ne doit nousfaire oublier, au profit de la recherche sur lesmoyens, la fin véritable du socialisme.Cette fin implique une conception de l'hommeet de son épanouissement. La politique du socialisme,conçue dans sa plénitude humaine, ne peutdonc écarter un problème fondamental : celui de laconfrontation de ses visées avec celles des philosophieset des religions. Ce n'est pas un problèmesubalterne, tactique ou circonstanciel. Car seule unetelle confrontation peut permettre de dégager clairementla signification humaine du socialisme.Il est par exemple indispensable au rayonnementet aux possibilités de réalisation du marxisme, profondémentenraciné dans la culture « occidentale »(économie politique anglaise, socialisme français,philosophie classique allemande, disait Lénine) deconfronter profondément ses visées avec celles desgrandes conceptions non occidentales de l'homme.A une époque où 1' « Occident » ne peut plusconserver l'illusion colonialiste qu'il est le seul centred'initiative historique et le seul créateur devaleurs, c'est une nécessité absolue pour lemarxisme, comme d'ailleurs pour toute la cultureeuropéenne, d'accepter l'interpellation fécondantede l'Asie, de l'Afrique, de l'Amérique latine.Dans les conditions propres à la France nousnous limiterons à un aspect seulement de cetteinterpellation du marxisme : aux questions que luipose celle des conceptions de l'homme et de sonavenir qui, dans notre pays, est la plus ancienneet la plus enracinée : le christianisme.
Abordant une nouvelle fois ces problèmes, pourécarter tout malentendu, je tiens à préciser que,parlant par exemple de l a foi ou du péché originel,je ne prétends évidemment pas faire oeuvrede théologien.Ceci pour trois raisons :D'abord parce que je traite ces problèmes « dudehors », en athée qui s'interroge sur le sens de lavie, de l'histoire et de cette foi.Ensuite parce que j'essaye de déchiffrer, comme« signes du temps » la pensée et l'action de chrétiensmilitants — et qui ne sont pas tous les chrétiens— qui prennent appui sur le concile de VaticanII, et en développent, me semble-t-il, l'esprit.Enfin parce que cette orientation apparemmentirréversible s'exprime déjà dans les textes de quelques-uns des plus grands théologiens, catholiquesou protestants, et même dans certains documentsles plus récents de l'Eglise.Les quelques réflexions qui suivent n'ont paspour objet de c choisir » une théologie particulièreou une tendance parmi les chrétiens, mais de tenterde dégager quelques lignes de force dans ledéveloppement actuel du christianisme et surtoutde chercher à définir, d'un point de vue marxiste,sans complaisance et sans confusion, mais aussisans sectarisme, les raisons de nos divergenceset les conditions de nos convergences.
Roger GaraudyReconquête de l’espoir. GRASSET, 1971, pages 107 à 110
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