Parmi ses activités historiques, Allstate est l'un des pionniers de l'assurance automobile ajustée au comportement (« Pay How You Drive ») et son expérience de l'analyse de plus de 30 milliards de kilomètres parcourus par ses clients avec ses capteurs lui procure naturellement une certaine légitimité en la matière. L'étape suivante était donc, logiquement, de partager cette expertise avec d'autres acteurs, assureurs concurrents, constructeurs automobiles, transporteurs, entreprises de taxis ou de VTC…
Pour ce faire, la compagnie adopte une démarche originale : plutôt que de développer une offre de services en son sein, elle a préféré fonder une « startup » (une qualification à modérer, toutefois, au regard des plus de 200 développeurs, « data scientists » et autres spécialistes des technologies qu'elle emploie d'emblée). Les raisons de ce choix sont multiples, entre la cible de clientèle différente de cette nouvelle entité et le besoin de se démarquer de l'assureur, pour espérer conquérir ses concurrents.
Initialement, Arity aura pour mission principale de continuer à développer ses modèles d'analyse de données et de les mettre à la disposition d'entreprises désireuses d'évaluer et maîtriser les risques automobiles. Aujourd'hui, ses clients sont, évidemment, les différentes marques d'assurance du groupe Allstate. Demain, outre les concurrents de sa parente, la nouvelle venue veut cibler les constructeurs (avec des solutions de prédiction de défaillances, par exemple), les entreprises de transport (notamment pour déployer des systèmes de navigation recommandant les parcours les moins dangereux)…
Au-delà de cette première phase, l'avenir est déjà tracé. Le président de la structure estime que l'explosion à venir de l'internet des objets conduira à une croissance exponentielle des données disponibles et, en conséquence, des opportunités d'analyse et de découverte de connaissance, qu'il souhaite capter. Encore plus loin, l'arrivée des véhicules autonomes devrait continuer à générer de nouveaux besoins de mesure des risques, susceptibles de définir l'assurance du monde robotisé en gestation.
L'initiative d'Allstate présage en effet d'un avenir (proche) dans lequel l'information et les algorithmes deviendront des actifs essentiels des entreprises, jusqu'à constituer, pour les plus performantes, un des piliers de leur modèle économique. Au passage, notons toutefois un argument moins mercantile offert par l'assureur pour justifier son approche : il espère que la diffusion de son expertise auprès d'un grand nombre d'acteurs contribuera à une réduction globale des sinistres automobiles, au profit de son métier d'origine.
En tout état de cause, sa vision à long terme engendre une dernière excellente raison pour Allstate de créer une filiale afin de développer cette activité émergente. Si celle-ci représente effectivement l'avenir de la compagnie, la disruption qu'elle introduira ne pourra se concrétiser que hors de la « vieille » structure qui, sinon, agirait (consciemment ou non) de manière à freiner le progrès et préserver un intenable statu quo…