Nous avons le sentiment que notre capacité à persuader les autres relève de nos qualités intrinsèques : nous avons plus ou moins d’habileté à placer l’argument clé au bon moment, à décrypter et lever les objections profondes de notre interlocuteur ou encore à trouver l’anecdote qui retournera une assemblée en notre faveur.
Pourtant, nous sous-estimons la dimension culturelle de l’art de la persuasion et prenons le risque de nous mettre en difficulté lorsque nous sommes exposés à d’autres cultures.
« L’art de persuader est largement culturel »
C’est ce qu’affirme Erin Meyer dans son ouvrage « La carte des différences culturelles ». Elle s’appuie sur l’expérience douloureuse d’une ingénieure américaine, pourtant déjà exposée à des missions internationales et à la nécessité de convaincre ses interlocuteurs. Embauchée par un constructeur allemand pour travailler sur la réduction des émissions de CO2, elle prépare soigneusement sa première présentation. Le jour J, elle partage ses recommandations avec un panel de cadres dirigeants et … essuie un échec cuisant.
Elle est rapidement interrompue et interrogée sur la méthodologie de son étude, sur la façon dont elle est parvenue à ces conclusions ou encore sur le nombre de personnes qu’elle a interviewées. Ces questions viennent occulter ses conclusions et elle ne parvient pas à se faire entendre.
Elle avait jugé inutile de préciser ces éléments et plus efficace de présenter directement les recommandations. Or ses interlocuteurs allemands s’attendaient à ce qu’elle commence par le concept abstrait pour en arriver aux illustrations concrètes.
Les principes ou les faits ?
Cette anecdote malheureuse montre combien la distinction entre les principes et les faits constitue une ligne de fracture entre les cultures.
Même si vos interlocuteurs parviendront probablement aux mêmes conclusions, les uns auront besoin de commencer par les principes généraux, par le cadre global que vous déclinerez ensuite en recommandations ou plan d’actions. C’est plutôt le cas des français, des italiens, des espagnols, des russes et des allemands.
Les autres auront besoin de commencer par la dimension concrète, par les applications ou par une étude de cas avant de faire émerger les principes sous-jacents. C’est globalement la préférence des américains, des australiens, des canadiens, des anglais et des hollandais.
– Commencez par repérer vos propres préférences, à la fois celles héritées de votre culture et celles qui vous sont propres. Vous mesurerez ensuite le chemin qu’il vous reste à parcourir pour vous rapprocher des préférences de vos interlocuteurs ;
– Faites l’effort d’adaptation nécessaire pour construire votre présentation dans l’ordre qui sera le plus naturel à vos interlocuteurs ;
– Si votre auditoire est multiculturel, efforcez-vous de faire constamment l’aller-retour entre les deux méthodes : alternez rapidement principe général et déclinaison concrète en évitant d’en faire deux parties séparées !
L’auteure fait remarquer qu’aucune culture asiatique n’est citée dans cette répartition entre les principes et les faits. En effet, elle explique que cette distinction n’est pas pertinente, pour les cultures asiatiques qui fonctionnent plutôt par une approche holistique qu’elle développe par ailleurs.
Vous verrez d’un autre œil cette mission de chef de projet d’une équipe multiculturelle à Singapour !