Cette interface neuroprosthétique capable de reconnecter la moelle épinière de part et d’autre d’une lésion médullaire est l’œuvre d’une équipe de scientifiques de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). Cette interface » cerveau-moelle épinière » qui rétablit la communication » sans fil » entre le cerveau et la moelle épinière, et donc les mouvements de la jambe, présentée dans la revue Nature, marque une étape vitale et ouvre un espoir pour les patients souffrant d’une lésion partielle de la moelle épinière affectant les membres inférieurs.
La région lombaire de la moelle épinière contient des réseaux complexes de neurones qui activent les muscles des jambes lorsque l’on marche. Des faisceaux de nerfs issus du cerveau transportent à la moelle épinière l’information nécessaire pour activer les muscles de la jambe dans le but souhaité. Mais, en cas de lésions à la moelle épinière, ces informations ne parviennent plus aux muscles des jambes, ce qui conduit à la paralysie. Même si le cortex moteur est toujours capable de produire l’activité électrique contrôlant la marche, et même si, de leur côté, les réseaux neuronaux qui activent les muscles de la jambe paralysée demeurent intacts et peuvent toujours générer des mouvements des jambes.
Le système neuroprosthétique appelé » interface cerveau-moelle épinière » va court-circuiter la lésion et rétablir la communication, en temps réel et sans fil, entre le cerveau et la moelle épinière. Il décode l’activité cérébrale associée aux mouvements de marche et relaie cette information à la moelle épinière – en aval de la lésion – par des électrodes qui stimulent la voie neuronale activant les muscles pendant la locomotion naturelle. Sa grande innovation, sa capacité à renouer le lien, à distance, entre le décodage du cerveau et la stimulation de la moelle épinière.
» C’est la première fois qu’une neurotechnologie restaure la locomotion chez des primates « , commente le neuroscientifique Grégoire Courtine de l’EFL, dans un communiqué. » Il faudra néanmoins plusieurs années avant que tous les composants de cette intervention aient pu être testés sur des humains. » Son équipe avait déjà su, en 2012, à l’aide de stimuli électriques et chimiques, redonner à des rats souffrant de lésions médullaires et de paralysie, le contrôle du mouvement, leur permettant, après une période de réadaptation, de marcher à nouveau puis courir. Les chercheurs avaient également, en 2015, contribué au développement d’e-Dura, un implant neuronal, également destiné aux personnes paralysées suite à une lésion médullaire. Ce dispositif conçu pour résider à long terme sur la moelle épinière sans l’endommager, marquait déjà une étape prometteuse vers de petites prothèses capables d’imiter presque à l’identique les propriétés mécaniques des tissus vivants, avec des effets secondaires réduits.
Ici, c’est le système sans fil qui travaille en temps réel qui permet au primate de se comporter librement, sans la contrainte d’une électronique raccordée par des câbles. Cela signifie que les chercheurs ont su » récupérer » les signaux cérébraux qui encodent les mouvements de flexion et d’extension de la jambe avec un algorithme mathématique puis retransmettre ces signaux de manière à sensibiliser les zones sensibles de la moelle épinière qui induisent le mouvement de la marche. Les scientifiques montrent que pour des lésions partielles, l’interface cerveau-moelle épinière fonctionne instantanément. L’interface devrait aussi fonctionner pour des lésions plus sévères de la moelle épinière, selon les scientifiques, vraisemblablement avec l’aide d’agents pharmacologiques. Il est à noter que pour des lésions partielles de la moelle épinière, le primate est capable de retrouver spontanément une mobilité complète après trois mois de réhabilitation.
Conçue à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, l’interface neuroprosthétique est néanmoins le fruit d’une collaboration internationale dont le département R&D du fabricant Medtronic et des équipes de recherche de la Brown University, de l’Institut Frauenhofer ICT-IMM et a été testée à l’Université de Bordeaux, au Motac Neuroscience et à l’Hôpital universitaire de Lausanne.
Sources: Nature 09 November 2016 doi:10.1038/nature20118 A brain–spine interface alleviating gait deficits after spinal cord injury in primates (Visuel EPFL)
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