J’étais absolument terrifié. Rien qu’à l’idée de devoir interviewer Thomas Lilti et Virginie Efira, les frissons me gagnaient, autant que la peur de passer pour un incapable me traversait.
Après tout, c’est vrai : l’effet cinéma, celui par lequel on se dit que l’on ne vit pas dans le même monde que ces gens-là. On les met sur un piédestal, les idolâtre, les rejette, les conspue, ou à leur vue, on ne s’en peut plus… Surtout lorsque comme moi, à l’exercice de l’entrevue, vous n’êtes guère rompus.
Pas question pour autant de reculer. Question de dignité. Ou d’ego mal placé ? Disons plutôt l’envie réelle de bien vous informer.
Alors, la fleur au fusil, je me suis lancé ! Un peu comme un parachutiste au sommet d’une falaise prêt à sauter… sans parachute pour contrôler son envolée.
La diction se montre un peu gauche, la voix tremblotante, les questions hésitantes, masquant de facto très mal un flagrant manque d’assurance. La peur de mal faire, et ses physiologiques conséquences.
Pourtant, il suffit souvent d’un petit rien pour se raccrocher aux branches. Reprendre le dessus, et recouvrer la vue. La confiance, en l’occurrence.
Or dans le cas de Virginie Efira et de Thomas Lilti, ce détail qui n’en est pas, c’est une sympathie présumée, agréablement non démentie.
Sans langue de bois (pas vraiment le genre de la maison), j’ai ainsi eu la chance de me retrouver face à deux personnalités qui savent mettre à l’aise et rassurer.
Bien sûr, une interview restant un échange courtois (ou supposé), ils sont des questions qu’il vaut parfois mieux éviter de poser. À plus forte raison lorsque l’un des deux subit le contrecoup d’un décalage horaire mal digéré.
Rien de choquant pour autant. La réponse fut franche, certes irritée, mais a au moins eu le mérite d’être sans hypocrisie usitée. Un bon apprentissage pour savoir se doser.
Qu’on se le tienne pour dit : ces figures du cinéma restent des personnes comme vous et moi. Avec leurs failles, leur état d’esprit, leurs envies, leur susceptibilité. Dis comme ça, ça peut paraître évident, mais ça ne fait jamais de mal de le rappeler.
– Il ne me reste plus qu’à mettre tout ça en forme pour, au plus vite, vous les partager. –
En somme, une bonne leçon à retenir : en se plaçant sciemment sur un pied d’égalité (sans se montrer arrogant pour autant), on peut en retirer des échanges très intéressants, tout en évitant le pire.
Soane, le personnage principal de Mercenaire, ne demande d’ailleurs que ça. Celui d’être considéré comme un être libre, à l’égal de ses coéquipiers. Être originaire de Wallis, territoire français, et être pourtant vu comme un étranger. Où sont les valeurs du rugby quand vient le temps de passer outre les différences culturelles et les pays ?
Un très beau premier film de la part de Sacha Wolff, où quête identitaire se mêle étroitement aux problématiques d’immigration, d’intégration, et même d’adhésion. À un projet, une vision. Sans oublier le rapport aux figures tutélaires, en particulier au père.
Un métrage riche, maîtrisé, prenant, et tellement touchant.
En fait, sur le plan de la volonté et du dépassement de soi, vraiment inspirant…