On n'a rien trouvé de mieux que la bêtise pour se croire intelligent.
(Amélie Nothomb, Métaphysique des Tubes)
8 octobre 2016
Dans mon immeuble, depuis quelques jours les travaux d'assainissement de la chaufferie se traduisent par... une absence de chauffage. Car j'ai dû fermer la vanne de mon unique radiateur pour leur accomplissement. Or cela coïncide justement avec une baisse des températures extérieures.
Hier soir le concierge m'a dit que je pouvais rouvrir ma vanne. Je me suis dit que c'était bien ma veine. Mais, rien. J'ai attendu toute la nuit que quelque chose se produise, sans doute par l'opération du Saint-Esprit. Au matin, toujours rien. Je pense bêtement à Lavoisier: Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme..
Il doit y avoir de l'air dans les tubes (de mon radiateur). En écrivant cette phrase je me rends compte de leur caractère insolite si elle était comprise dans un sens musical. Nous sommes samedi et je ne vois pas comment je parviendrai à tenir tout un week-end sans chauffage, d'autant que ma douleur à l'omoplate gauche persiste et signe.
Il y a un peu plus d'un mois que j'ai mal à cette omoplate. Cela correspond à peu de choses près au décès de ma soeur Chantal. J'ai pensé bêtement qu'en quelque sorte je somatisais cette perte irréparable pour moi. Il semble bien que non, qu'il y ait autre chose, une raison purement physique à cette douleur, peut-être d'origine musculaire.
Bizarrement cette douleur disparaît quand je nage, mais réapparaît aussitôt après, comme s'il fallait que je bénéficie de ce sursis pour la supporter. Comme je suis réticent à l'emploi de tous médicaments, hors nécessité absolue bien sûr, je prends mon mal en patient, préférant apprivoiser la douleur plutôt que de la cacher.
Contacté par le concierge, l'administrateur en personne de l'entreprise de chauffage arrive en milieu d'après-midi. Il vient vidanger les tubes. Pour ce faire il démonte la vanne, mais l'aiguille qui permet le réglage de température lui échappe et se perd quelque part dans mon modeste logis. Il me demande de l'aide.
Pendant qu'il va chercher au garage une pièce de rechange, je tiens donc une bouteille de PET sous l'arrivée d'eau chaude, dont il a limité le débit avec un bout de papier de ménage... Une fois revenu il répare la vanne et très vite l'eau remplit les tubes. En partant il me prie de l'excuser pour cette intervention peu professionnelle.
Comme je suis bien trop content d'avoir du chauffage, avec ma grandeur d'âme légendaire, je lui pardonne volontiers cet aveu spontané qu'il me fait sans que j'aie eu besoin de le soumettre à la question. Il me laisse sa carte si jamais. J'ai bon espoir que ce sera jamais. Et nous nous quittons bons amis.
12 octobre 2016
La douleur est passée de l'omoplate au bras. J'avais pensé bêtement que c'était musculaire et je m'étais laissé aller au début à prendre quelques cachets d'Ibuprofène 400 mg, histoire de relaxer le muscle, de lui permettre de se remettre tout seul en place. Mais, comme cette tentative a fait long feu, je me suis tourné vers l'acupuncture pour les nuls.
Il y a bien longtemps, huit ans déjà, je pratiquais le karate do de style shotokan. Bien qu'en principe les coups ne devaient pas être portés lors des randori, de temps en temps j'en prenais un mauvais. Feue ma mère m'avait alors offert un Quartzo. Un appareil, basé sur la piézo-électricité, qui envoie des décharges électriques, en appuyant sur une poignée.
Cet appareil est en fait un substitut aux aiguilles de l'acupuncture. Au lieu de stimuler un point névralgique avec une aiguille, cet appareil permet de le faire en balayant ledit point, ce qui suppose toutefois de supporter la décharge électrique produite mécaniquement, qui est certes de faible courant, mais qui est fortement stimulatrice.
En feuilletant le livre du docteur Hervé Robert, j'ai pu identifier, maintenant que la douleur est apparue dans le bras, qu'il s'agit en fait d'une névralgie cervico-brachiale, autrement dit qu'il s'agit d'une sciatique du bras. Le fait est qu'en stimulant les différents points correspondant aux 5e, 6e, 7e et 8e nerfs cervicaux et au 1er nerf dorsal, j'ai éprouvé du soulagement.
Ce soulagement n'était, et n'est, pas durable. Alors, contraint et contrit, je me suis résolu à consulter et, aujourd'hui, je consulte une neurologue. Qui en arrive aux mêmes conclusions, après avoir stimulé les mêmes points, soit avec des électrodes, soit avec des aiguilles, pendant une bonne heure de temps, appréciant que son patient le soit et ne soit pas douillet.
La doctoresse pense que la douleur provient bien des vertèbres cervicales et me prend rendez-vous pour une IRM. Cet examen devrait permettre de déterminer quelle est l'origine de la douleur, qui, faute de soins appropriés, est en train de s'aggraver et de me perturber jusque dans mon travail et dans mon sommeil déjà léger.
19 octobre 2016
C'est bien connu. Un tube n'arrive jamais seul. Ce jour je dois passer une IRM cervicale. Cet examen consiste à enfiler le patient dans un tube tel que celui de l'image ci-dessus et de réaliser des images par résonance magnétique. Inutile de préciser qu'il vaut mieux ne pas être claustrophobe (j'ai fait de la plongée et de la spéléo dans mon jeune temps) et ne pas avoir d'allergies.
Par voie intraveineuse, on m'injecte en effet du gadolinium, un produit de contraste comme ils disent, un métal classé parmi les terres rares dans le tableau des éléments sous le symbole Gd. C'est pour mieux te voir, mon enfant, aurait dit Charles Perrault. Comme c'est un produit qui déshydrate, on me conseille de boire beaucoup au cours de toute la sainte journée...
Il ne faut surtout pas bouger pendant cet examen et je crois ne pas bouger d'un cil. En fait je bouge, sans m'en rendre compte. Ce qui fait que la radiologue doit s'y reprendre à plusieurs fois pour que les images soient interprétables par ma praticienne. Car je n'en saurais pas davantage aujourd'hui: il me faudra attendre de revoir ma neurologue à qui sera adressé un rapport écrit, tandis que je suis le gardien du disque réalisé.
Pendant ce temps-là, chez moi, ce jour, la colonne d'eau froide de mon entrée d'immeuble est traitée. Les tubes d'eau, attaqués à 45%, sont recouverts d'une importante couche de rouille. Pour les restaurer, ils sont d'abord sablés avec un produit à base de silice, puis protégés en les revêtant d'un produit plastique dérivé du pétrole. Après ça, ils seront comme neufs et leur durée de vie considérablement augmentée.
Résultat: je n'aurai plus d'eau froide pendant deux jours, c'est-à-dire qu'il ne me faudra pas songer à prendre une douche (elle serait brûlante) et qu'il ne me faudra pas tirer la chasse d'eau; pour vider les toilettes il me faudra déverser un grand baquet d'eau chaude, à l'ancienne (enfin je suppose). Heureusement que je nage tous les jours et que je pourrai prendre ma douche à la piscine...
21 octobre 2016
Aujourd'hui je me réjouis d'aller voir une pièce de théâtre. Car le théâtre est certainement avec la lecture et l'écriture ce qui m'apporte le plus de plaisir. Ma journée a été particulièrement stressante au travail et - y-a-t-il un lien de cause à effet ? - j'ai particulièrement mal au bras gauche. Après m'être changé, je prends donc la route pour Sierre où se joue Le mort saisit le vif, une pièce de Viviane Bonelli, d'après le roman d'Henri Troyat.
Avant de prendre l'autoroute, en montant vers La Conversion, je m'aperçois que mon phare droit est éteint et que non seulement je suis en infraction, mais surtout que je vais avoir du mal à retourner à Lausanne à l'issue du spectacle... Comme je suis parti un peu tard, 18:15, et que la pièce commence à 20:00, je ne suis pas sûr d'arriver à temps si je dois m'arrêter pour changer le tube.
Certes je suis un peu fou, mais je préfère finalement remplacer ce fichu tube. A ma grande surprise j'arrive, en un rien de temps, à démonter le tube, à trouver dans la station-service le bon modèle, H7, à le remonter et à repartir. Au total je ne me suis arrêté que 15 minutes, montre en main. Est-ce le stress, ma douleur devient insupportable et je n'ai rien pris pour la soulager. Alors, il me faut penser bêtement à autre chose.
Il y a un mois, en arrivant à Saint Jean-de-Luz, j'ai envoyé un mail idiot à une personne dont je croyais avoir ainsi perdu l'amitié. Ce qui m'avait rendu très malheureux. Mais j'avais eu, somme toute, la bonne idée d'en parler ici, dans mon journal décalé. Du coup elle m'avait envoyé un gentil message me disant qu'elle me conservait toute son amitié et qu'elle était prête à me revoir quand je voudrais.
A ce message j'avais répondu que c'était à elle de me faire signe, quand elle le voudrait et quand ça l'arrangerait elle. En réponse, elle m'a écrit: A très vite, alors ! Un mois a passé sans qu'elle me fasse signe. Ce n'est pas grave. Je sais qu'elle est très occupée et que je suis bien insignifiant. L'important pour moi n'est plus tant de la revoir que de ne pas avoir perdu son amitié.
Je me dis que quand je la reverrai, sans qu'elle m'ait fait signe et sans qu'elle m'ait vu, par timidité, je m'esquiverai, parce que je penserai qu'elle n'y tient pas tant que ça à me voir, que je ne veux surtout pas m'imposer à elle et que, de toute façon, je suis bête et que c'est pourquoi je n'ai pas besoin de me dire: Tu te crois intelligent? Je sais que je ne le suis pas, et c'est tant pis pour moi...
Francis Richard