Tout commence par un documentaire anodin intitulé Les batailles du Louvre sur Arte. Au fil de cette traversée dans le temps, il m'est apparu un rapport évident avec le combat que nous menons tous ensemble pour l'art contemporain. Cet art si jeune, disputé de toutes parts, sans cesse critiqué, sans cesse renouvelé. Un art de liberté si important aujourd'hui et pourtant si décrié. Mais pour vous expliquer tout cela, rien de mieux qu'une petite histoire.
En 1666, le roi Louis XIV et sa cour quittent le palais du Louvre pour s'installer à Versailles laissant l'édifice en chantier. Abandonnée les ruines sont occupés par les académies d'art, de lettres et de sciences mais aussi les marchands ambulants, les échoppes, les baraques et lieux de plaisir. Sans plancher, ni toiture, le bâtiment inachevé est squatté par des artistes qui viennent vivre et produire ici dans des conditions déplorable, dangereuse pour le bâtiment lui-même.
Dès 1699 autorisé par Louis XIV, les expositions s'y succèdent, attirant un public de plus en plus large et en 1725 une grande exposition d'art contemporain a lieu dans les salons du Louvre, premier pas vers un art ouvert au grand public. Finalement les philosophes des lumières demande en 1765 au roi Louis XVI de faire évoluer le bâtiment pour devenir le plus grand musée d'art contemporain du XVII e siècle. À la fin de la révolution, le 6 mai 1791 le muséum central des arts de la république est créé.
Depuis l'art contemporain d'alors et devenu l'art ancien, tandis que notre art contemporain vit sa prime jeunesse avant de lui aussi rejoindre notre Histoire avec un grand H.
" Les arts modernes, les art anciens c'est la même chose ! C'est à dire qu'à chaque moment de l'histoire les arts anciens ont été modernes et les arts que nous considérons modernes deviendront anciens et donc le temps n'a pas d'importance. Ce qui est magnifique c'est la force de la création humaine, à quel point la culture est importante dans l'histoire du monde. Elle est plus importante que les habitants qui se sont succédés ici " J. M. G. Le Clésio, Les batailles du Louvre, 49:29, documentaire Arte, 2016.
Oui, l'art contemporain choque les esprits, il est disparate, inégale, parfois incompris, voir révoltant, et oui, bien sûr, une partie de l'art est spéculative.
Pourtant cet art spéculatif qui fait la une des journaux ne représente à peine que 3% de la création artistique. Comme à chaque époque, l'art est fait d'expérimentations, de tests, dont l'histoire fera le tri pour faire ressortir les œuvres les plus représentatives. Son éclectisme peut faire peur à certains, qui n'apprécient guère certaine formes ou absence de forme mais, tout comme la musique dont chaque styles musicales a ses adeptes, entre classique ou métal, rock ou jazz, variétés ou techno... L'art contemporain avec son foisonnement productif illustre notre diversité et notre créativité.
Comment nier la force de l'art contemporain quand on regarde ce que nos ancêtres nous ont laissé dans le Louvre, et dans ces musées d'art ?
Qui sommes-nous pour refuser une partie de l'art actuel alors même que certaines de ses œuvres en leurs temps ont été associées à un art dégénéré ? Qui sommes-nous pour fermer des lieux d'art et de création alors que ceux-ci sont la mémoire de notre civilisation ? Qui sommes-nous pour oublier la création face au profit économique qui nous entoure ?
"Comme l'écrivait Sony Labou Tansi "J'ai peur quand ça se tait. Quand ça ne parle que dedans. L'intérieur est plus impitoyable que le dehors". Car la pensée ne doit jamais stagner comme une eau croupie dans des cercles restreints, elle doit circuler pour se renouveler, s'oxygéner, faire naître des constructions communes. Ou encore, comme l'électricité, se relier à la terre, sous peine de courts-circuits. Faute de quoi les humains sont menacés en tant qu'humains. Et c'est ce qui se passe aujourd'hui. Fermer la vanne de cette circulation en enserrant les êtres dans un sac grossier de peur de soi et des autres n'est pas, comme on le croit, une privation infligée aux moins privilégiés qui préserverait les terres protégées de l'"élite", c'est une perte irrémédiable pour chacun. Ce n'est pas une question d'accès des uns au savoir et aux créations détenus par les autres. Ce dont il s'agit, c'est l'enrichissement de ces savoirs et de ces créations par l'échange permanent. L'eau qui ne circule plus s'appauvrit et perd son oxygène. Cette eau de mauvaise qualité n'abreuve plus personne. Pas même ceux qui pensent l'accaparer. Ils se trompent lourdement, ceux qui s'imaginent pouvoir jouir des grandes eaux de Versailles tout en épuisant les nappes phréatiques. Quand il n'y a plus d'eau, il n'y a plus d'eau. Pour personne." Lettre ouverte aux responsables politiques qui pensent que la culture ne sert à rien, 5/07/2016 par Nicolas Roméas - https://goo.gl/xA93S3
Ainsi, comme à chaque moment de l'histoire, c'est par l'aide et le soutien aux jeunes artistes, aux grands artistes de demain que nous montrerons ce que fut l'image de notre société, ses interrogations perpétuels, ses expérimentations hasardeuses, ses aventures illustres.
Une société où " L'être humain cherche constamment à donner un sens à tout ce qu'il ressent, voit, entend ou vit. [Car comme le dit le Parlement européen] La sensibilité et l'expression culturelles constituent [...] un ensemble de connaissances, d'aptitudes et d'attitudes particulièrement nécessaires à l'épanouissement et au développement personnels des individus, à leur inclusion sociale, à la citoyenneté active et à l'emploi." Résumé du GUIDE SUR LA SENSIBILITÉ ET L'EXPRESSION CULTURELLES, AGENDA EUROPÉEN DE LA CULTURE PLANS DE TRAVAIL 2015-2018 ET 2011-2014 EN FAVEUR DE LA CULTURE, décembre 2015
Notre art contemporain, notre reflet, un marqueur de notre temps, la trace laissé par les artistes d'aujourd'hui sur notre civilisation. Voici l'art qui façonnera à sa manière le Louvre de demain.