Michel Aglietta est l'un des 138 économistes qui ont rédigé le livre "Sortir de l'impasse". Il est photographié le 18 janvier 2012 à Paris / AFP/ArchivesIls sont 138 économistes français de sensibilités diverses et appellent l'Europe à sortir au plus vite de "l'impasse néolibérale" pour rompre avec une politique économique qui "fait le terreau de l'extrême droite", dans un livre qui paraît au lendemain de la victoire de Donald Trump.Les 138 économistes, qui avaient lancé un appel en février après "le précédent traumatisme des régionales", marquées par une forte hausse du Front national, reviennent à la charge avec le livre "Sortir de l'impasse" (Editions Les Liens qui Libèrent) pour "éviter la catastrophe", a expliqué à l'AFP Christophe Ramaux, professeur à la Sorbonne et signataire de l'appel, aux côtés d'autres économistes comme Michel Aglietta, Xavier Timbeau ou Mathieu Plane.- Quelle analyse faites-vous de la victoire de M. Trump aux Etats-Unis ? -R: A l'instar du Brexit hier, le peuple n'en peut plus de ce régime de mondialisation néolibérale. Il a accru les inégalités, désindustrialisé des pays et comprimé les salaires. Ce peuple crie avec des formes que l'on peut regretter, certes, mais ce cri est légitime. Nous avons un régime néolibéral qui s'est installé il y a plus de 40 ans.Le libre-échange a comprimé la demande et le néolibéralisme l'a soutenue par l'endettement privé. On a dit aux ménages de continuer de dépenser non pas grâce à des hausses de salaire, mais par l'endettement. Ce château de cartes de dette privée a explosé en 2008, la plus grande crise depuis les années 30.On s'attendait donc à ce qu'il y ait un changement comme le New Deal dans les années 1930. Mais si le néolibéralisme ne fonctionne plus aujourd'hui, il n'a pas été fondamentalement remis en cause. Il a été écorné. Par exemple, Donald Trump et Hillary Clinton se sont prononcés tous les deux pour la hausse du salaire minimum.- Ce qui s'est passé aux Etats-Unis avec M. Trump peut-il se reproduire en Europe ? -R: Bien sûr, les peuples n'en peuvent plus du néolibéralisme et des inégalités. Ce système plombe la croissance, donc cela crée du chômage. Les politiques économiques mises en oeuvre en Europe nous mènent à la catastrophe. Non seulement le monde néolibéral est malade, mais l'Europe est singulièrement malade dans ce monde-là. L'Union européenne est un boulet aujourd'hui pour l'économie mondiale.Après la crise de 2008, elle a fait une petite parenthèse keynésienne qu'elle a rapidement refermée en 2010 pour prendre un nouveau tournant néolibéral avec l'austérité budgétaire et salariale. L'Europe est la zone qui a le moins tiré les leçons de la faillite du modèle néolibéral en 2008. Elle doit sortir de cette impasse néolibérale.- Quelles solutions préconisez-vous pour l'Europe? -R: Nous proposons un plan de relance de 40 milliards d'euros par an, un nouveau pacte productif et une remise à plat de la construction européenne et de l'euro. L'Europe et l'euro tels qu'ils fonctionnent, ce n'est plus viable. Nous sommes dans une impasse qui nécessite de changer les lignes.La stratégie européenne a été de lâcher du lest, notamment pour la politique monétaire, mais en maintenant le noyau dur néolibéral. Le pire des dangers est de ne rien changer, de ne pas changer les politiques qui font le terreau de l'extrême-droite.afphttp://www.la-croix.com/Economie/Apres-Trump-l-UE-doit-sortir-de-l-impasse-neoliberale-2016-11-10-1300802316