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Chanson douce de Leïla SLIMANI

Par Lecturissime
Chanson douce de Leïla SLIMANI

Myriam a consacré plusieurs années à élever ses deux enfants mais quand elle a l'opportunité de reprendre son activité d'avocate, elle n'hésite pas et accepte de bon cœur. Par chance, après un casting sévère, son mari et elle rencontre la nounou parfaite, Louise. Cette femme s'installe peu à peu dans leur vie et se rend rapidement indispensable, devenant une béquille pour les parents engagés dans une vie professionnelle prenante. Mais peu à peu la nounou prend une place dérangeante au sein de la famille.

Dés les premières lignes, le malaise nous cueille de plein fouet : "Le bébé est mort." Point de suspens, le drame est là, tout le roman ne fera qu'effeuiller le passé pour revenir pas à pas vers lui. Dans cette construction à rebours le lecteur actif tentera de chercher les indices qui auraient pu alerter les parents, il traquera les dysfonctionnements évidents, se révoltera contre l'aveuglement du couple, mais pourtant, il ne pourra que comprendre la facilité avec laquelle on peut succomber devant le dévouement d'une jeune femme prête à vous décharger de tous les aléas de la vie domestique.

Roman d'une époque, Chanson douce pointe du doigt les contradictions des femmes actuelles qui souhaitent être à la fois de bonnes mères, de bonnes épouses, tout en assumant une vie professionnelle brillante et épanouissante. Rapidement dépassées, elles confient alors leurs enfants à des femmes qui elles-mêmes sacrifient leurs enfants pour s'occuper de ceux des autres. Cercle vicieux infernal trahissant les dérives d'une époque. Les pères prétendument modernes restent tout de même bloqués sur des modèles anciens perdurant à travers les âges.

Cette réécriture des rapports maîtres-valets permet aussi d'aborder les conflits de classe, Myriam et son mari n'hésitant pas par exemple à emmener Louise pour leurs vacances en Grèce afin de s'offrir du temps libre sans enfants. Pour Louise, cette découverte de la Grèce constituera un paradis inaccessible qui restera comme un rêve dans la solitude de cette femme. Pointant l"égoïsme des parents, qui ne font des enfants que pour s'en débarrasser à la première occasion pour se reposer, se prélasser, ces vacances grecques sont révélatrices à plus d'un titre.

Là est la force de ce roman qui lance des pistes de réflexion multiples sur notre époque et qui, une fois refermé résonne fortement en nos esprits nous enjoignant à nous méfier des "chansons douces" de ceux qui savent nous endormir facilement en nous faisant miroiter une vie simple, mais en nous éloignant irrémédiablement des valeurs fondamentales.

Ce que j'ai moins aimé : Ce roman a un côté dérangeant, effrayant même quand on comprend que la folie peut se terrer dans n'importe quelle rencontre. Mes réticences tiennent justement en ce sens à l'exploitation du fait divers - Leïla Slimani s'est inspirée de l'affaire Louise Woodward - qui semble être de mise dans cette rentrée littéraire française, mais que j'ai rarement envie de lire dans un roman, en raison de sa presque trop banalité...

Bilan : Pourtant, force est de constater qu'avec un roman basé sur un fait divers, l'auteur peut se faire le peintre d'une époque. A partir de lui, Leïla a su créer un roman prenant, envoûtant.

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Les impressions post-rencontre de Leïla Slimani

Chanson douce, Leïla Slimani, Gallimard, août 2016, 240 p., 18 euros


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