Lucie Lachapelle a fait plusieurs séjours au Nunavik où elle a officié en tant qu'enseignante en 1975. Elle raconte dans ces nouvelles certaines de ses rencontres et expériences parmi les Inuits. Elle évoque avec tendresse son amie Kitty, les enfants à qui elle enseigne, les pères pas toujours très réceptifs à l'enseignement, Akinisie, la guérisseuse du village...
Avec amour et poésie, elle livre un beau récit - témoignage sur cette région du bout du monde. Aux côtés des habitants, elle pêche, elle chasse le phoque et l'outarde, dort sous un igloo ou sous la tente, goûte les plats typiques comme le foie de phoque, le gésier d'outarde, la perdrix ou le béluga cru. Elle se laisse charmer par la douceur de ce pays du bout du monde :
"Le soleil fait miroiter les mares d'eau laissées par les dernières pluies. Le vent fait claquer les vêtements sur les cordes tendues entre les maisonnettes et les gonfle comme des voiles de bateaux prêts pour le prochain voyage. Le ciel est sans nuages. Un enfant pleure, une mère sort sur le pas de sa cabane et le prend dans ses bras, l'embrasse, le console. Le rire du petit retentit et s'élève dans l'air frais de juillet." p. 17
Si dans un premier temps elle envisage de rester dans ce pays, elle saisit peu à peu les raisons qui, réciproquement, poussent les habitants à rêver du Sud, elle ressent alors dans les profondeurs de son être leurs terreurs :
"Parfois, les nuits sont noires, sans lune, sans étoiles, sans ciel. Un plafond de nuages sombres. Ce sont des nuits d'angoisse.
Parfois, le jour se lève ainsi. Il sort de la nuit lourde, s'installe sans soleil. A peine une lueur. Une clarté. L'air ne circule pas. Les sons demeurent au sol.
Le ciel, la terre, la mer, tous trois confondus. L'enfant s'égare, le chasseur tombe dans une crevasse, le Blanc devient fou." p. 73
Les années avançant, elle ouvre alors les yeux sur un climat social oppressant, une violence et un mal-être qui poussent beaucoup trop de jeunes au suicide. Son point de vue se fait plus nuancé, plus humain face à ce monde en suspens...
"Il y a des problèmes, c'est vrai. Mais il y a de l'espoir. Le monde nordique a changé, évolué, mais sa beauté est intacte. Elle l'a vu, encore une fois, dans toute sa grandeur et avec tous ses malheurs. Il y a des vieilles au sourire moqueur et des vieux à la peau burinée, des enfants aux yeux rieurs et d'autres qui se suicident, des parents bienveillants et d'autres qui se soûlent, des filles amoureuses et d'autres qui sont violentées, des ciels lumineux, des coups de vent et des tempêtes." p. 125
Scène de vie au Nunavik. (Photo fournie par Lucie Lachapelle)Histoires nordiques, Lucie Lachapelle, XYZ Editeur, 2013, 133 p., 17 euros