BFG vaccin contre l'ennui

Publié le 24 octobre 2016 par Assurbanipal

Paris, Ile de France, France

Samedi 21 octobre 2016. 21h.

Bex Emmanuel: orgue Hammond

Goubert Simon: batterie

Concert diffusé en différé dans l'émission " Jazz Club " d' Yvan Amar sur France Musique. La date de diffusion reste à déterminer. Affaire à suivre.

Glenn Ferris commence avec un son feutré. Il souffle comme le vent frais qui fait balancer doucement les palmes des arbres. Le trio attaque d'un coup. C'est bien " Take Five " de Paul Desmond avec un swing plus énergique que l'original. Le morceau le plus vendu de l'histoire du Jazz. Parfois, le clavier sonne comme un orgue Hammond, parfois comme un clavier électronique. Pourtant, c'est le même instrument et le même homme aux manettes, Emmanuel Bex. Allez comprendre. Et derrière, Simon Goubert vole, virevolte, cliquète et soutient sans faille.

" Fa Dièse " (Emmanuel Bex). Montagnes russes musicales. Ca monte, ça descend. Ca grogne et ça fume aussi car le train est à vapeur. Bex fait un solo de basse à l'orgue soutenu par Goubert aux balais. Joli decrescendo. Bex s'amuse avec son Vocoder. Goubert reprend les baguettes pour faire rouler les tambours. " Fa Dièse " se joue en si bémol comme son titre l'indique.

" Le sourire de Babik " composé par Simon Goubert en hommage à Babik Reinhardt, fils de Django, lui aussi guitariste avec qui Simon et Emmanuel vécurent de belles années de musique. Chants d'oiseau dans la forêt. Souffle doux du trombone. On se croirait au bord de l'eau, à Samois sur Seine, là où reposent les Reinhardt quand ils ont fini de voyager et là, où chaque année, depuis 1968, un festival de guitare célèbre la mémoire de Django Reinhardt. La Seine coule majestueuse entre les arbres de la forêt de Fontainebleau. Bel hommage plein de chaleur et d'amitié. La batterie est malaxée aux balais alors que l'orgue ronronne. A part une dame qui lit en écoutant, le public est captivé. L'orgue sonne à la fois ecclésiastique et swinguant. Le sourire de Babik flotte dans l'air.

" Blue Hawk " ( Thelonious Sphere Monk). Un hommage au " Black Hawk " club de San Francisco où Monk joua et fut enregistré en concert en quintette en 1960 " at the Black Hawk ". Ca balance tranquille. C'est un Blues assurément. Premier solo de batterie aux baguettes. Plutôt un break pour relancer la machine. Bex nous sort des sons cosmicomiques.

" Ethnique " (Emmanuel Bex). Un morceau énergique. Le batteur martèle aux baguettes. Le trombone barrit comme un éléphant joyeux. Bex chantonne et le tout balance bien. Le public bat la mesure des pieds, de la main, de la tête, alouette. Glenn Ferris et Emmanuel Bex jouent les animaux d'une jungle imaginaire revisitant l'esprit du Jungle Style de Duke Ellington dans les années 1920. Ils s'amusent bien et nous aussi.

Je rassure ma charmante voisine américaine qui parle un français hésitant mais compréhensible. Ce n'est pas la fin du concert, juste de la première partie.

Bex redémarre tout en douceur. Ferris en wah wah à l'ancienne avec la sourdine. Belle alliance de timbres alors que les cymbales vibrent caressées par les baguettes de Simon Goubert. Belle ballade. Ca balance tranquillement alors que Glenn Ferris joue maintenant à pavillon ouvert.

" Lightnin'up (if You can) " (Glenn Ferris). Selon le compositeur lui même, cela signifie " Soyez cool si vous le pouvez ". Effectivement, cela balance de façon plutôt cool. Simon Goubert est aux balais. Ca groove sérieusement. Ca pulse de plus en plus fort. Après un léger déchaînement, le trio reprend et termine par le petit air cool du début.

" Sometimes I feel like a motherless child ", un classique du gospel dont Louis Armstrong donna une version immortelle sur son album " Louis and the Good Book ". Louis Armstrong était orphelin de mère. Il vivait ce qu'il chantait. Ilsa attaquent fort puis jouent le thème tout en douceur, entre orgue et trombone. Le batteur est aux balais et Bex chantonne l'air avec son Vocoder. Ca devient une plainte incandescente tout en restant funky.

" Mister Sanders " hommage de Simon Gobert à Pharoah Sanders. Le batteur commence. C'est son morceau. Joli travail aux baguettes sur les peaux des tambours. Ca crépite doucement. Il tape plus fort et souffle sur les braises. La musique s'embrase. La batterie dépote et l'orgue avance droit devant. Très beau duo. Le trombone redonne de la voix.

" Expressour " (?). En effet, c'est expressif et dynamique. Toujours punchy. Les derniers irréductibles spectateurs ont passé le cap de minuit grâce au BFG. Il n'y a pas école le lendemain et le métro ferme à 2h du matin. C'est jouable.Chaque musicien est compositeur et prend la parole sur scène. C'est dire l'esprit démocratique qui règne dans ce trio. Rien de primaire entre ces élus. Beau duo énergique batterie&orgue.

" La belle vie de Maurice " hommage d'Emmanuel Bex à Maurice Cullaz. Avec la voix trafiquée par le Vocoder pour commencer puis l'orgue qui commence lentement et majestueusement. La musique crépite doucement. Le trombone vient ajouter son souffle et sa rondeur. " La belle vie de Maurice " est un morceau magnifique, disons le. Superbement interprété de plus. Le trio ronronne comme un gros chat repu. Des spectateurs sont partis mais d'autres arrivent pour les remplacer.

" The Coaster " ( Grachan Moncur III). Une composition de tromboniste (Album " Expansion " de Grachan Moncur III, Blue Note, 1963). C'est l'histoire d'un type qui se ballade sur la plage et longe la côte d'après Emmanuel Bex. C'est une explication. Un morceau qui swingue énergiquement. Les nouveaux arrivants apprécient manifestement. Ca pulse sapristi! Sur l'album original, Tony Williams est à la batterie. " Tony Williams ne joue pas le tempo, il joue la pulsation " ( Eric Dolphy). BFG vaccin contre l'ennui, garanti sans effet secondaire, validé par l'Académie de Médecine, l'Académie des Sciences et l'Académie des Arts et Belles Lettres. Un spectateur passionné mime le batteur pendant son solo. La maman du batteur est toujours là debout pour l'écouter, l'admirer et l'applaudir.

" On va jouer pour évacuer tous les mauvais esprits qui nous enfermement en ce moment " annonce Glenn Ferris. Le trombone grogne et l'orgue scintille. Ca groove avec retenue. Le batteur ponctue légèrement sur les cymbales. Ils envoient des bonnes vibrations dans un esprit churchy, soulful comme disent les Américains. Duo batterie&orgue avec une grosse basse derrière les clignotants de l'aigu.Le trombone repart. Glenn Ferris, l'Américain de la bande, ponctue de " Oh Yeah " bien graves et bien sentis. Glenn Ferris se remet debout pour réattaquer au trombone à pleins poumons dans l'enthousiasme général. Ca grogne et gronde, nom d'un petit bonhomme. C'était " Push " tout simplement. Rien à voir avec la chanson homonyme de Prince, bien funky elle aussi. Un dernier " Oh Yeah " pour finir.

" Shutterbug " ( JJ Johnson), une composition d'un tromboniste, l'homme à qui ce blog est secrètement dédié. Un morceau hard bop rapide et énergique pour finir.

Ill est 1h du matin. Le concert s'arrête là. J'explique à ma charmante voisine américaine que le concert est vraiment fini car le métro parisien, lui, s'arrête à 2h du matin le week end. Elle trouve cela intelligent. Elle est venue de Chicago, Illinois, USA, exprès pour ce concert et n'a pas regretté le voyage. Elle a trouvé que les deux premières parties sonnaient plus européennes et la 3e plus américaine; Elle a aussi remarqué que Glenn Ferris n'a pas le même accent en français que moi et qu'il pourrait donc bien être américain. En effet, il l'est, né à Hollywood, California, USA en 1956. Vous, comme elle, lectrices passionnées, lecteurs enflammés, vous pourrez écouter ce concert en différé dans l'émission " Jazz Club " d' Yvan Amar sur France Musique. La date de diffusion reste à déterminer. Affaire à suivre.

La photographie de Glenn Ferris est l'oeuvre de l'Incoercible Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

Glenn Ferris par Juan Carlos HERNANDez