Samedi 29 octobre 2016. 20h.
Concert enregistré pour l'émission " Jazz sur le vif " sur France Musique.
Dave Liebman: saxophones ténor et soprano, flûte, compositions
Lectrices impitoyables, lecteurs implacables, j'implore votre pardon. Cette chronique a été réalisée dans les conditions du direct, c'est à dire dans l'obscurité. Mes notes sont quasiment illisibles. Mes propos seront donc bien pauvres eu égard à la richesse de cette musique.
Après les concerts de lancement en club à Paris, au Sunside, en décembre 2015, voici que Martial Solal reçoit de nouveau Dave Liebman sur scène, dans le cadre hémisphérique et acoustique du studio 105 de la Maison de la Radio.
Merci à Jean-Charles Richard , saxophoniste et flûtiste français, disciple de Dave Liebman, d'avoir contribué à créer ce duo.
Martial Solal est né en 1927, Dave Liebman en 1947. Au plus jeune des deux de se déplacer, c'est bien normal.
Ils commencent par un standard. Ca joue tout de suite. L'air est reconnaissable même si, joué comme cela, c'est inimitable. Ils jouent assis et nous font planer dans les hautes sphères de la musique. Mieux encore, ils jouent sérieusement sans se prendre au sérieux. Le thème disparaît puis réapparaît au gré de leurs fantaisies conjuguées. C'était " Invitation " que Martial Solal jouait en duo avec Lee Konitz il y a 40 ans.
" Stella by starlight " à la demande de Dave Liebman. " Un morceau que j'ai joué 3 millions de fois il y a 50 ans " se plaint Martial Solal. Martial Solal introduit le thème puis le déforme à sa main. Il pilote le duo, prenant les solos et relançant Dave Liebman d'un geste ou d'un regard.
" In and out " (Martial Solal) tiré de l'album éponyme du duo Martial Solal& Johnny Griffin.
Une valse écrite par Dave Liebman pour une petite fille blonde, Heather. D'après Martial Solal, ça commence en do majeur et finit de même. Entre les deux, c'est du remplissage. C'est surtout rempli d'émotion, d'élégance, d'attention pour cette enfant qui vit et danse.
PAUSE
Sax ténor. Démarrage en duo sur un standard. Je le reconnais car Stan Getz le jouait en duo avec Kenny Barron quelques mois avant de mourir. " Night and day " (Cole Porter).
" Satin Doll " (Duke Ellington). Duke Ellington a dit du bien de Martial Solal, un pianiste rafraîchissant selon ses termes. Avec ce duo, la poupée de satin devient acidulée. Ca devient une sauce aigre douce, l'aigre étant joué par le sax soprano, le doux par le piano. De vraies chinoiseries comme disait Louis Armstrong à propos du Be Bop.
" Vous ne savez pas où nous allons, n'est ce pas? Nous non plus " (Dave Liebman). Nous voilà rassurés. Martial Solal tourne la partition dans plusieurs sens comme s'il ne savait par quel bout la prendre. Dave Liebman a pris une flûte pour jouer sa composition " Cosmos ". Martial distille son accompagnement avec parcimonie, la flûte aigrelette orne le silence de ces espaces infinis qui effrayaient Pascal (le philosophe, pas le grand frère). Nous planons.
" Summertime ", standard de Georges Gershwin immédiatement reconnaissable au piano. Martial Solal est toujours aussi rafraîchissant. Dave le joue au soprano dans une tonalité inusitée. C'est le meilleur moyen d'être frais sur un thème rebattu me confie le pianiste Marc Benham, mon voisin attentif lors de ce concert. A ma droite. A ma gauche, l'autre voisin trouve que décidément ces musiciens auraient dû répéter au lieu de chercher leur place en plein concert. En fait, toute leur vie, Martial Solal et Dave Liebman ont répété pour ce concert. C'est la somme de leurs savoirs et de leurs vécus qui leur permet d'être si libres ce soir même sur Summertime dont la version chantée par Louis Armstrong et Ella Fitzgerald est connue même de ceux qui n'aiment pas le Jazz. Un moment de compassion pour ceux qui n'aiment pas le Jazz, s'il vous plaît.
Le reste de mes notes est illisible pour moi qui en suis l'auteur. Ne souhaitant pas embaucher d'archiviste paléographe, cette chronique fragmentaire s'arrête ici. Il y eut 2 rappels. " Inutile d'insister. Vous n'aurez pas le dernier mot " nous dit Martial Solal avant le 2e.
Des standards, des compositions, des fausses fins, des gags, du piano, du saxophone soprano et ténor, de la flûte, de l'imagination, une maîtrise technique toujours au service du discours, une imagination sans borne, une empathie entre les musiciens et avec le public, tels furent les ingrédients de ce concert.
Heureusement pour moi et pour vous, impitoyables lectrices, implacables lecteurs, tout cela fut enregistré. Attendons donc la diffusion de ce concert sur France Musique voire une sortie d'album pour nous en régaler à loisir, étudier cette musique étourdissante de fantaisie.
Martial Solal a 89 ans, Dave Liebman, 69. L'âge n'est pas une question d'état civil mais d'état d'esprit.
La photographie de Martial Solal est l'oeuvre de l'Eminent Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales .
Martial Solal par Juan Carlos HERNANDEZ