Ce qu'il me faut à moi, c’est la brutale orgie,
La brune courtisane à la lèvre rougie
Qui se pâme et se tord ;
Qui s’élance à vos bras dans sa fougueuse ivresse,
Qui laisse ses cheveux se dérouler en tresse,
Vous étreint et vous mord !
C ‘est une femme ardente autant qu’une Espagnole.
Dont les transports d'amour rendent la tête folle
Et font craquer le lit;
c'est une passion forte comme la lèvre,
Une lèvre de feu qui s. attache à ma lèvre
pendant toute une nuit !
C'est une cuisse blanche à la mienne enlacée,
Une lèvre de feu d'où jaillit la pensée;
Ce sont surtout deux seins,
Fruits d'amour arrondis par une main divine,
Qui tous deux à la fois vibrent sur la poitrine,
Qu'on prend à pleines mains.
Eh bien! venez encor me vanter vos pucelles,
Avec leurs regards froids, avec leurs tailles frêles,
Frêles comme un roseau ;
Qui n'osent d’un seul doigt vous toucher, — ni rien dire,
Qui n'osent regarder et craignent de sourire,
Ne boivent que de l’eau.
Non! Vous ne valez pas, ô tendre jeune fille,
Au teint frais et si pur caché sous la mantille,
Et dans le blanc satin,
Non. Dames de grand ton, en tout, tant que vous êtes,
Non, vous ne valez pas, femmes dites honnêtes,
Un amour de catin !
Alfred Musset
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